L’autre

30 novembre 2008 0 Par Catnatt

Auteur non identifié

Elle serait tout en formes et tout en rondeurs.

 

Elle serait calme, posée.

 

Sa voix serait douce, presque flegmatique.

 

Ses éclats de rire rares.

 

Ses sourires innombrables.

Elle aurait des seins, vraiment. Elle serait presque petite. Peut-être, serait-elle blonde. Mais elle aurait les yeux bleus encore.

 

Elle serait sportive. Mais aussi beaucoup plus cultivée.

 

Elle serait toujours indépendante et forte. Mais beaucoup moins torturée et mélancolique.

 

Elle aurait vraiment bossé à l’école et aurait fait de brillantes études afin d’avoir un job génial assurant un train de vie sympa.

 

Elle aurait beaucoup plus réfléchi, aurait mûri chaque décision lentement mais sûrement. Pourtant, elle serait restée spontanée. Spontanée pour la futilité.

 

Elle serait peut-être tout aussi drôle mais elle ferait moins sa maligne. Elle ne serait pas dépendante du regard des autres, affranchie car une totale confiance en elle sans manquer d’humilité.

 

Elle…

 

Elle, c’est moi, ce que j’aimerais être, forcément par opposition à ce que je suis. Une autre évidemment. Éternelle rengaine chantée humain après humain, génération après génération.

 

Dans le secret des miroirs, se regarder sévèrement au lieu de se contempler comme son éternel compagnon, avec bienveillance et juger, lister toutes les imperfections qui nous accablent. Et prier pour se réveiller un jour, différent. De nos jours, la chirurgie esthétique comble ces attentes, ces désirs. Mais qu’en est-il de notre intérieur ? Qu’en est-il de ce que j’aurais aimé être, de caractère, de tempérament ?

 

Notre première rencontre, notre premier humain, c’est nous-mêmes. Et toutes les histoires d’amours, tous les aléas des amitiés, toutes les difficultés familiales se concentrent au sein de notre âme et la tempête fait rage, pauvres de nous, en proie à des sentiments divers que rien ne laisse pourtant apparaître. Comme ces gens que nous observons dans les trains, les métros, absorbés par leurs pensées, lieu de tant de combats, de dilemmes et de questions, pour la plupart sans réponses.

 

On ne peut jamais se débarrasser de nous-mêmes. Et tous les conflits que nous vivons avec les autres, nous les vivons au moins une fois avec nous-mêmes. « Je te hais ». Mais « je ne te quitte pas ». Car je ne peux pas. « Je t’aime” . Mais « Ce n’est pas pour toujours, c’est impossible ». « Je ne sais pas vraiment ce que je ressens pour toi », la plupart du temps. Parfois, nous sommes vides de sentiments vis-à-vis de nous-mêmes. Nous faisons les choses mécaniquement, comme un vieux qu’on aurait installé dans sa maison et qu’on aurait fini par oublier tant il est silencieux et paralysé…

 

Et nous nous jugeons. Infiniment.

 

Notre cerveau, tribunal permanent de nos vies. La lucidité, ce procureur de nos actes. L’indulgence, cet avocat de nos intentions. Et la mort, l’ultime jugement. Bien mourir. Mal mourir. Le paradis ou l’enfer selon notre conscience pour ceux qui en ont une.

 

Nous, ce « moi », témoin gênant de nos erreurs, de nos mensonges. Témoin rarement bienveillant. Plutôt à charge. Toi…Ce « moi », cet ennemi dans la glace.

 

On peut se réveiller un jour les mains couvertes de sang ou de gloire. Se réveiller, héros ou salaud. Sans que nul ne le sache vraiment au départ. Et de prier, implorer de devenir autre.

 

C’est compliqué mais il faut bon gré, mal gré se fréquenter, se supporter.Le seul avantage de vieillir, c’est de se réconcilier, avec le temps, avec soi-même. Un peu comme une voisine de palier, insupportable, que l’on s’est surpris à vouloir étrangler parfois mais qui est là. Incontournable.Innégociable. Et à qui l’on finit par reconnaître quelques qualités, de mauvaise grâce.

 

Tous les regards éperdus d’amour du monde ne suffisent pas pour nous aimer. Ce serait tellement simple. C’est un bon début tout au plus. Il faudrait passer un entretien d’embauche avec soi-même. Avec des tests ! Répondre franchement. Accepter le résultat. Et se l’intégrer de force dans la cervelle. Pour être capable de se regarder dans la glace en se disant « ok, je me suis comportée comme une connasse mais ça ne fait pas de moi une connasse définitivement ». Se parler comme à un enfant. Ne pas dire « Tu es méchant ». Mais « Ce que tu as fait est méchant ». Juger les actes, ne pas condamner l’individu. Ca fait une large différence…Ne plus se regarder comme un ennemi, dans la glace. Mais un ami à vie. Oui. À la vie, à la mort. Car je peux te le promettre, c’est la seule promesse que je peux faire et tenir, ici-bas, je ne t’abandonnerais jamais. À toi. Ce « moi », que j’aurais tant voulu autre.

 

Moi, cette amie, cette ennemie, cette inconnue. Oui, en dépit du temps qui passe, je reste une inconnue à mes propres yeux. Les circonstances de la vie m’ont poussé à certains agissements. Bons ou mauvais, ce n’est pas le problème. Et je continue de me surprendre. Toujours et encore.

 

Et de prier pour que ce soit de bonnes surprises…Prier pour ne pas avoir raison d’avoir toujours pensé que j’étais, je suis, je serai une belle escroquerie…

 

Car au fond de mon cœur, malgré le fait que je me sois apprivoisée, malgré le fait que je me reconnaisse certains jolis actes, certaines jolies déclarations, il y a, au fond de mon cœur, dans les tréfonds de mon âme, une voix qui me chantera toujours :

 

« I want to have control

I want a perfect body

I want a perfect soul

I wish i was special

But i’m a creep, i’m a weirdo

What the hell am I doing here?

I dont belong here. »

Photo trouvée ici

 



clip-Radiohead – Creep
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