Alain

5 avril 2009 0 Par Catnatt

 

Red Arrow - Wanduta ( Lakota Sioux )

Mon amour,

 

Mes yeux sont dans le miroir où je les ai laissés. Je ne me reconnais même plus sur les photos. Je me suis perdu, je ne reconnais pas. J’ai pas bien lu le scénario. T’es à peine sorti de l’enfance que l’on te donne un métier bonne chance, quand ce ne sont pas des idées resucées, comme un chewing-gum usagé. Y’a des jours où on voudrait laisser tomber, tu comprends ?

 

Résidents de la République. Nos luttes partent en fumée, font des nuées. Des nuées de scrupules. Nos luttes partent en fumée vers des flûtes enchantées et de cruelles espérances. Ces cruelles espérances qui me lancent des dagues et des lances, en toute innocence.

 

Alors, j’cloue des clous sur des nuages, un marteau au fond du garage. Sans échafaudage. Un jour, j’irai vers l’irréel tester le matériel, voir à quoi s’adonne la madone. Continent à la dérive, une vague idée me guide. C’est l’heure où je me glisse dans les interstices à l’article de l’amour. Je redeviendrai l’enfant terrible que tu aimais. Un jour, j’irai vers l’irréel, un jour, j’irai vers une ombrelle. Y seras-tu ?

 

Mon ange, je t’ai haï, je t’ai laissé aimer d’autres que moi, un peu plus loin qu’ici. Mon ange, je t’ai trahi. Tant de nuits alité, que mon coeur a cessé de me donner la vie. Si loin de moi…Des armées insolites, et des ombres équivoques, des fils dont on se moque, et des femmes que l’on quitte. Des tristesses surannées. Des malheurs qu’on oublie, des ongles un peu noircis. J’irai en découdre avec ce tissu de mensonges. C’est le fruit d’une mûre réflexion mais plutôt une pulsion sans nom, sans définition. Mon unique solution.

 

D’estrade en estrade, j’ai fait danser tant de malentendus. Des kilomètres de vie en rose. Peu à peu, tout me happe. Je me dérobe, je me détache. Les vents de l’orgueil, peu apaisés. Une poussière dans l’œil et le monde entier soudain se trouble. Par la porte entrebâillée, je te vois pleurer des romans-fleuves asséchés où, jadis, on nageait. Je te regarde. J’ai fait la saison dans cette boîte crânienne. Tes pensées, je les faisais miennes. J’ai, dans les bottes, des montagnes de questions où subsiste encore ton écho. Je t’ai manqué, pourquoi tu me visais ?

 

Mais Madame rêve d’artifices, de formes oblongues et de totems qui la punissent. Rêve d’archipels, de vagues perpétuelles, sismiques et sensuelles. D’un amour qui la flingue. D’une fusée qui l’épingle. Au ciel. On est loin des amours de loin…Est-ce aimer ? S’il suffisait d’orner la douleur d’une plage de silence ? J’ai pas souffert. J’ai pas suffi là où la rouille n’a que faire de la mélancolie. S’il suffisait de se faire une beauté pour retrouver grâce à tes yeux ? S’il suffisait de se défaire ? S’il suffisait de disparaître ?

 

Est-ce aimer ?

 

Après d’âpres hostilités, tu me prenais la main et tu m’emmenais sur le mont Valérien me faire voir les galaxies, me faire écouter les comètes. Tu me disais, préconisais des caresses volubiles. C’était quand je voulais. Où je voulais. Je n’étais plus la risée. Tout est redevenu étrangement calme. Et je me disais, « ça cache quelque chose. Je l’entends plus crier mon nom. Ça cache quekchose. Attends-toi à des distorsions. Laisse venir. Tu perds ton temps à mariner dans ses yeux. Tu perds son sang. À l’avenir, laisse venir, laisse le vent du soir décider… »

 

Mon amour, rendez-vous sur la lande à l’endroit où l’on s’est épris. Les gens sont des légendes mais leurs âmes prennent le maquis dans les herbes folles. Mes prisons s’évanouissent lorsque ta peau m’appelle. Mes prisons sont des modèles de sublimes inquiétudes. À mes moments perdus, j’me fais du souci. Des fois, je prie, des fois, je’me réfugie. J’ai des faims de toi difficiles. Terre promise, redis-moi ton nom. Dis-moi en face que tout s’efface…Sommes-nous la sécheresse ? Sommes-nous la romance ? Sommes-nous la noblesse ? Sommes-nous les eaux troubles ? Sommes-nous le souvenir ?

 

Je le savais. Dès le début. Tu aurais dû m’écouter quand je te disais : Faisons envie jusqu’au dégoût. Pas de pitié. Pas de quartier. Faisons envie afin que rien ne meure. Tant que l’on se désire, et avant que l’on se déchire, pour ne pas un jour se découvrir. Tout est si léger. Laissons ça entre guillemets. Faisons les difficiles. Refusons en bloc les sentiments figés. Pour que jamais tu ne m’oublies et avant que l’on ne prenne peur. Restons-en là »

 

Et, imbécile, j’ai encore été traîner dans le fond des asiles pour l’trouver. L’amour fou. Imbécile. Un baiser. Des coups de latte. Un baiser. Des coups de latte. Un baiser. La promesse d’un instant. La descente aux enfers. Mes bras connaissent, mes bras mesurent la distance. Sauve-toi. Sauve-moi. Vertige de l’amour. Marcher sur l’eau. Eviter les péages. Jamais souffrir. Juste faire hennir les chevaux du plaisir.

 

Et pourtant, j’y suis allé. Et me revoilà.

 

J’ai des doutes sur le changement de l’heure en été. J’ai des doutes sur qui coule les bateaux, qui jette les pavés. Des réserves quant à la question d’angle pour le canapé. J’ai des doutes sur la notion de longévité. J’ai des doutes, est-ce que tu en as ? Mes amours, je les ai sur le bout de la langue. Elles me reviennent à chaque frontière. Langues mortes. Langues de vipère. Langues familières.

 

La fermer, se taire. Car chacun vaque à son destin. Petits ou grands, comme durant des siècles égyptiens. Péniblement. À porter mille fois son point sur le i, sous la chaleur et sous le vent, dans le soleil ou dans la nuit. Quelqu’un a inventé ce jeu, terrible, cruel, captivant, les maisons, les lacs, les continents. Comme un lego avec du vent. Ôde à la vie. L’humain est ainsi fait. Dès les premiers rayons du jour, ses mains sont gantées de velours. Ses yeux se teintent de pastel, ses mots retrouvent un goût de miel. Mais quand descend le crépuscule, milles démons le manipulent. Il a des envies de cruautés, un besoin de férocité.

 

J’ai des doutes, est-ce que tu en as ?


Un jour, je t’aimerai moins. Jusqu’au jour où je ne t’aimerai plus. Un jour, je sourirai moins. Jusqu’au jour où je ne sourirai plus. Un jour, je parlerai moins jusqu’au jour où je ne parlerai plus. Un jour, je te parlerai moins. Peut-être le jour où tu ne me parleras plus. Un jour, je voguerai moins.

 

Peut-être le jour où la terre s’entrouvrira…

 

Alain Bashung.


Et la terre s’est entrouverte. Il ne parlera plus.


Cette « lettre » est une libre adaptation de chansons d’Alain Bashung. Ma manière maladroite de lui rendre hommage. J’aurais adoré le rencontrer. Comme pour Romain Gary, j’assouvis cette envie par le biais d’un texte. Pas de clip. Je ne peux choisir.


Voici la liste des chansons concernées. Ce qui était en italique sont « mes rajouts ».

 

Toujours Sur La Ligne Blanche

Y’a Des Jours

Volutes

L’irreel

Tant De Nuits

Apres D’apres Hostilites

Tant de nuits

Happe

La nuit, je mens.

Je t’ai manqué

Madame rêve

Est-ce aimer ?

Ca cache quekchose

L’imprudence

Mes prisons

Sommes-nous ?

Faisons envie

Imbécile

J’passe pour une caravane

Mes bras

Vertige de l’amour

Osez Joséphine

SOS Amor

Pyromanes

Les lendemains qui tuent

Je me dore

Résidents de la république

Comme un lego

Ôde à la vie

Photo trouvée ici