Olivier en rit encore !

29 juin 2010 1 Par Catnatt

 

Les « … » en rit encore, c’est le récit de rencontres IRL après s’être connus sur le net. Aujourd’hui, c’est Catnatt et Olivier R qui s’y collent. Comme ce sont de grands bavards, deux versions sont proposées : une version courte mais longue quand même et une version director’s cut (version très, très longue qui est la mieux, cela va sans dire :p. La voici, c’est une première partie qui a été rajoutée.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[audio:https://heavencanwait.fr/wp-content/uploads/2010/09/03-Hopscotch.mp3|titles=03 Hopscotch]

 

 

 

J’écris en écoutant en boucle un morceau que va détester Olivier. « Hopscotch » de Cocorosie. J’ai besoin de m’appuyer sur un morceau pour écrire. Parce que c’est une chanson qui lui ressemble, qui me ressemble, qui nous ressemble. Entertainers à crever, l’âme tourmentée. Voix d’enfants, pipeaux, mélancolie légère, danseuses de saloon ou de cabaret, battements de cœur rapides, colliers de nouilles et larmes aux yeux.

 

Tout ça, c’est de la faute à Joey Starr. Je flânais sur Twitter, en quête d’une ânerie à partager.

 

C’est faux. C’était Rone, le premier texte. Olivier, c’est bel et bien un homme, mémoire tampon de poisson rouge.

 

Pardon. Je recommence.

J’effectuais ma veille quotidienne sur Twitter, sur les coups de 07h15-07h45, quand soudain, un message attira mon oeil avisé de baroudeur 2.0. Ce message, posté par un ami de type Benjamin, indiquait un lien vers le portrait d’un certain Joey Starr («Joe l’Etoile», donc) par une certaine «catnatt» («natte de chat», donc), accompagné de quelques mots laconiques encourageant le lecteur à cliquer. C’était très bien vu.

Amoureux du beau, je me ruai, m’attendant à découvrir du semi-caca. Stupéfaction. Je venais de lire l’un des meilleurs portraits de Didier Morville. Mais vraiment. Alors que j’en avais lu, des portraits de Didier Morville. Plein. Rapport à mon affection pour le bonhomme. J’ai cherché à en savoir plus sur cette mystérieuse «natte de chat» (un pseudonyme, de toute évidence, faut pas me prendre pour un con, personne ne se prénomme réellement «natte de chat»).

 

Je me suis mis à suivre un certain Mr Olivier, je ne sais plus pourquoi. Un certain club des muppets, des mecs qui tirent la tronche à chaque fois qu’on ose l’ouvrir sur la musique. J’ai rigolé. Instantanément, j’ai ri avec lui, découvert un nouveau copain de jeu ! Je sais, je suis très infantile. Je me désespère moi-même.

 

J’ai dû batailler ferme pour obtenir de haute lutte, après environ 3 minutes et cinquante secondes, la participation de l’étonnante «natte de chat» à la Useless Playlist de mon site préféré : le mien.

Il faut vous dire que j’ai à peu près le même rapport avec les jolies plumes qu’un producteur de film pornos gonzos avec les jeunes ukrainiennes fraîchement débarquées de leur pays natal : je leur saute dessus. La seule différence c’est que là où un producteur de pornos gonzos accoste avec un « J’aime beaucoup ce que vous faites au niveau de votre physique sexuellement engageant. Acceptez-vous de jouer dans des films de qualité pour adultes consentants, les éjacs faciales et la double pénétration ? », je préfère me contenter d’un sobre «Hé, ça te dirait d’écrire un bidule pour la Useless Playlist ?».

C’est plus adapté.

 

En fait, j’ai très vite compris que Monsieur Olivier, c’était un peu comme Mme Claude. Un cheptel de poules, un genre de fan-club, ses tweets sont attendus, tu as toujours une fille ou un mec d’ailleurs, pour lui répondre. Olivier sait charmer les gens. Spontanément. Et avec le temps, il a appris à maîtriser sa partition. D’une nature, il a su faire un atout. Un mec intelligent, en somme. Par contre, il est beaucoup plus bavard que moi, vous avez remarqué ?

 

Alors c’est ce que je fais avec «natte de chat». Direct. 140 signes sur Twitter et l’affaire était réglée. 18 heures plus tard, je reçois ceci.

Paf.

Comme c’est très joli slash émouvant slash toutes ces sortes de choses, je verse une larme discrète, qui coule sur ma joue burinée par les embruns. Je fais lire la chose à la femme qui partage ma vie, et une larme pas discrète du tout coule sur sa joue au teint de pêche, douce comme une promesse mais je m’égare.

 

J’ai aimé sa réponse, spontanée. J’aime savoir ce que les gens ont dans le ventre. Vite. Olivier a exposé ses émotions naturellement et je crois maintenant savoir pourquoi. Toxicos du battement de coeur, nous aimons nous faire attraper par surprise.

 

Le lendemain, je mets en ligne la chose. Avec une boule dans la gorge. J’écris un portrait de Nathalie. Je dis des choses, un peu. Pas trop sûr. Pas envie de trop m’avancer. Pas envie d’écrire des sottises. Je suis censé être fort au petit jeu du portraiturage d’inconnus. Mais je suis censé ne pas pleurer lorsque je reçois un texte. Et puis cette évidence, déjà : j’aime bien cette fille. Je ne la connais pas mais je l’aime bien. Ce texte était beau. Le plus beau sur mon site ? Merde j’en sais rien. Oui, non, peut être. Celui qui m’a tiré une larme (ou deux, je n’ai pas compté), assurément.

Jusqu’ici, Catnatt / Nathalie, c’est une fille dont je ne sais pas beaucoup de choses, sinon qu’elle a un pouvoir mutant de type lacrymal. Ça n’en fait pas encore une perle rare mais c’est un bon début. C’est flou après, ou avant.

 

Pourquoi je me dis que j’aime ce type ? Ça va, j’ai l’habitude, on s’amourache sur le net pour mieux se rejeter. Des « je t’adore » et des « à jamais », pitié, avec pour toute issue, une médiocrité décevante. Pourquoi j’espère ?

 

Des discussions sur Twitter. Le réseau social le moins sociable du monde. Des rires à distance. Du 140 signes. Mais du 140 signes agréable. Twitter c’est ce qu’on veut en faire. Une cour de recré pour grands, par exemple. Dans cette cour de recré, @catnatt s’avère fort rigolote. Mais c’est du réseau social, tout ça. Du personal branding potentiel. Je le sais, c’est mon boulot. Vous êtes ce que vous voulez que les autres voient. La Catnatt joueuse et jamais en retard d’un wagon cocasse n’est pas celle qui m’a fait pleurer à mon corps lacrymal défendant.

Pas vraiment. Alors qui est-ce ?

Mais il y a aussi ces échanges privés. Des choses intelligentes. Et ce n’est pas moi qui les écris. Des trucs simples aussi. Des trucs qui se disent quand on écoute quelqu’un d’autre que soi. Et Catnatt devient Nathalie. Nathalie écoute mes 140 signes. Ça existe encore ça ? Pas vraiment. Alors qui est-ce ? 140 caractères, c’est peu. C’est suffisant. Depuis combien de temps n’ai-je pas rencontré une Amie majuscule ? Depuis Laurence, je crois. La garde rapprochée. Pas facile les Amies. Il faut évacuer le doute, devenir un copain asexué. Je ne sais pas faire ça. Séduire c’est rigolo. Et Nathalie est encore cette jeune femme douée pour les mots qui font snif, doublée d’une amusante compagne de jeu en ligne. Et je me demande si une amitié est possible.Est-ce que j’ai besoin d’une amie de plus ? Et pourquoi je me demande ça ? Parce que ça semble tellement facile. Il y a des êtres humains qui vous sont des évidences. Et cette façon de balayer d’un revers de main ces ambiguïtés dont je me suis fait une imbécile spécialité dans mes rapports aux personnes de type féminin. Ça fait du bien, ce poids en moins. On peut tomber le masque.

 

Un homme. Une femme. L’ambiguïté. (Soupir lassé). Olivier hastag, Olivier précise, Olivier prévient, chat échaudé qui craint l’eau froide des femmes sans subtilité. Nous sommes deux grands joueurs en la matière, manière de se rassurer, un peu enfantine. Créer un possible, l’instant fragile où rien n’est dit, l’ambiguïté, pour mieux reculer. Trop semblables, nous abattons nos cartes, question de liquider cette chose encombrante, qui nous empêche d’avoir vraiment accès à l’autre, à l’intimité et l’inconditionnalité… L’amitié ? L’ambiguïté ? Viens plutôt jouer à la marelle, hopscotch, avec moi, c’est bien plus marrant, en fait.

 

Et puis la soirée.

C’est pas pour me vanter, mais j’ai fait de redoutables progrès en matière de soirées avec plein de monde dedans. Je partais de loin. De la timidité maladive circa 17 ans. Ambiance «comment je vais mettre mes bras ?», ce genre. Et puis il y a eu Paris, les fêtes, les open bars, ce mode pilotage automatique social : un verre dans une main, une clope dans l’autre, des bisous, des poignées de mains, des «Hey, ça va toi ?», des rires sans conséquences, de l’instant éternel, de l’éphémère définitif.

 

Malgré les apparences, je suis quelqu’un de fondamentalement timide. Mais les années passant, j’ai des méthodes de défense, dont « je débarque en faisant le plus de bruit possible ». Occuper le plus d’espace tant je vacille. Méthode paradoxale, j’en conviens, mais qui a le mérite de noyer ma nervosité, mon envie de fuir en courant, la question qui me taraude à chaque fois « What the hell am i doing here ?! »

 

Avec l’âge, on sort moins mais les réflexes restent. Avec l’âge, les réflexes restent mais on a moins de temps à perdre. Repérer les gens sympas. Vite. Passer du temps avec eux. Les connaître un peu mieux. Repérer les cons, vite. Zapper les cons, vite. Pas le temps pour les pénibles.

Je ne sais pas ce que signifie BAM #3, Benjamin va m’en vouloir. Ce que ça signifie : une soirée avec des blogueurs musique dedans. Plein. J’aime bien l’idée. Je débarque. J’ai fait la BAM #2, c’était un semi fiasco social amusant : vous croisez sans les voir des types que vous adorez online. Vous croyez reconnaître des types que vous ne connaissez pas. Et, tout de même, vous mettez quelques visages sur quelques noms. Ensuite vous êtes ivre. Chance, les blogueurs musiques sont sympas. Si. Du coup, c’est plaisant.

Alors BAM #3, avec cette double promesse : croiser encore plus de gens sympas et rencontrer la fameuse Catnatt, «natte de chat».

Je suis presque en avance tellement je ne suis pas trop en retard. Terrain semi-connu. Je ne suis pas un blogueur musique moi, hein. Je suis Olivier. J’écris des choses quand j’ai le temps. Ceci n’est pas mon monde. Ou pas beaucoup. Mais j’aime bien ce monde qui n’est pas le mien. Les gens y sont agréables. Des têtes familières. C’est fluide. Il fait beau, la terrasse est agréable aussi. Je suis de joyeuse humeur non autiste. Vite, des rigolades. Arriver seul dans une soirée, c’est comme avoir oublié que l’on peut nager là où l’on n’a pas pied. Quelques secondes d’anxiété vite oubliées si l’eau est bonne. Merde. Pas de Catnatt. Enfin j’en sais rien, je suis nul en visages. J’imagine une fille moyen fun mais sensible / censée / pleine d’esprit. Je discute avec quelqu’un de drôle. J.S. Oui, sûrement J.S. Et d’autres. De bons moments. À cette minute, la vie est belle. La soirée est belle. Ça arrive, parfois.

Des têtes arrivent. Connues, reconnues, pas connues. Salut, enchanté, hey, ha c’est toi. Vitesse de croisière. Une grande fille avec un panier en osier et des yeux clairs. Elle irradie. Certaines personnes ont ce Mojo. Elles entrent et irradient et le monde est sur Pause. Ça doit être le charisme doublé d’un truc show off. J’en sais rien. Elle irradie. Mon radar personnel fait des clics clics clics. Cette fille est cool. Tu sais pas qui c’est mais elle est cool. Vous voyez ce que je veux dire ?

 

Alors je rentre. Je m’arrête au bar, choper un verre, question d’avoir une attitude. Fumer. Boire. Les deux mains occupées, pour ne pas laisser le vide tout envahir. J’arrive dans la cour, je reconnais des gens, je salue rapidement. Vite ! Trouver un point de chute. Delphine, je crois. Je commence à faire ce que je sais le mieux faire : la crétinette. Je raconte des conneries, j’ai mon panier dans lequel j’ai fourré des tas de trucs. Un panier parce que je raffole de Jane Birkin dans les années 70. En déconnant, et à voix haute, je remarque que j’ai l’air d’une caricature.

 

Elle se rue vers un groupe de gens debout et pose son sac en osier rigolo à côté de moi. Je fais style je m’en fous alors que non. Elle irradie et parle un peu fort, comme quelqu’un qui arrive et qui a besoin d’arriver, vous voyez ? Elle dit un truc drôle. Elle dit «Avec mon numéro des Inrocks qui sort du sac, j’ai trop l’air de me la jouer blogueuse musique.» Et c’est drôle parce que c’est vrai qu’il y a un numéro des Inrocks qui sort de son sac en osier. Je me retourne en souriant léger, juste pour moi. Parce que je me demande si c’est volontaire, ce truc des Inrocks.

Et je décide que non. Ce serait dommage.

 

Je l’ai bien vu, enregistré sa présence comme ça, un peu désinvolte, l’attitude nonchalante des Cary Grant. Je marche au radar, je suis myope et je vois tout. Il est sur ma droite, là où je vais.

 

Et je fais quelque chose que je ne fais jamais. C’est parti tout seul. Rien de prémédité. Je dis que j’osais pas le faire remarquer mais que oui, ça va se voir, son truc des Inrocks dans le sac en osier. Je ne me souviens plus de la phrase exacte. Ça n’a pas d’importance. Non. L’étonnant, c’est que je m’invite dans la boutade d’une inconnue. Je ne suis pas du genre à m’inviter. Trop d’orgueil pour ça, voyez-vous. Il faut venir me chercher.

Mais là non. C’est parce qu’elle irradie ? Pourquoi j’ai dit ça ? C’était spontané, alors je ne me suis pas posé la question de la réception. J’ai émis. Avec le risque de silence gêné. Adressez la parole à un(e) inconnu(e). Vous sautez dans le vide et vous n’êtes jamais certain d’avoir un parachute. Pas vrai ? Elle se tourne vers moi et ses yeux sont tout de même très bleus, bleu piscine. Et je sais que c’est amusant ce moment. Elle est debout, je suis assis. Alors elle me toise, forcément. C’est une question de positions. Mais elle me toise avec un sourire moqueur / bienveillant. Alors j’essaie de faire le même sourire moqueur / bienveillant. Je dis «j’essaie» parce qu’en général, ça donne un sourire moqueur. Le sourire de celui qui se fout de votre gueule. Et l’effet est raté.

 

Il me regarde. Je le regarde. J’aime bien ces instants suspendus. Je le sens un peu déstabilisé. Je le sens, je le respire car comme toujours, Olivier ne laisse rien paraître. Il est séduisant. Vraiment séduisant, de ceux que ne jalousent pas les hommes, qui imposent un respect, une distance.

 

Evidemment, ça flotte. Je lis le « T’es qui toi ?» dans les yeux piscine. C’est drôle, parce que je m’en fous un peu. Je suis de bonne humeur. Le temps est suspendu. Les silences : des instants amusants dont on ne peut deviner l’issue. Tout est si prévisible. Offrons-nous quelques secondes de suspens. Faire durer. Que ça devienne gênant. Ou pas du tout. Pas d’enjeu. Pas question de rompre le silence. Je pourrais rester comme ça longtemps, peut être, mais je n’en ai pas le temps. Un doigt pointé, les yeux piscine qui plissent puis triomphent :

 

Je le regarde, l’observe et je sais qui il est. C’est une évidence. Ca ne peut être que lui. Cary Grant sur twitter.

«Monsieur Olivier !»

 

Ha, oui, c’est moi, ça. Ce «Monsieur» collé à mon prénom. Bien fait pour ma gueule. Personal Branding, dirons-nous. Ha merde. Elle a fait ça comment ? Il en existe, des connards imbus qui ne s’étonnent pas d’être reconnus. Ils ont bossé leur marque et récoltent. Pas mon cas. Alors je suis étonné, très, mais je prends soin de ne pas avoir l’air de l’être trop. J’acquiesce et j’attends. Je ne sais pas qui est cette fille piscine irradiante. Je pourrais répondre «Et tu es… ?» mais voilà quelque chose de tellement minable que c’est impensable. Alors j’attends et elle dit «Catnatt ! »

Et je sais que le hasard n’existe pas. Ma mâchoire est tombée, je l’ai ramassée et j’ai ri pour de vrai. Cette joie. C’est elle. Elle est formidable. Pas du tout le truc que vous redoutez quand vous tentez d’imaginer un être humain et que vous vous préparez au pire.

 

Parfois, ça arrive les coups de foudre amicaux. Il y a un film que j’adore de Diane Kurys. « Coup de foudre », une histoire d’amitié entre Miou Miou et Isabelle Huppert. Eh bien, c’est pareil avec Olivier. C’est ma copine. Ma copine éternellement en chemise blanche, et veste kaki. L’élégance chevillée au corps. Mon Cary Grant personnel. Lucide et bienveillant.

 

C’est un joli moment. C’est rare les jolis moments. Je sais que je me le suis dit. En vieillissant, ce sont des choses que l’on apprend. Repérer les jolis moments. Les garder.

Très vite, Je lui parle de son texte si beau. Je lui parle de mes larmes. Et tout est simple. Et ce qui n’est pas dit est dit quand même. Et l’affaire est entendue : Nathalie sera importante. Il aura fallu environ 45 secondes. C’est la durée moyenne nécessaire à un être humain normalement constitué pour se faire une opinion définitive sur un autre être humain normalement constitué.

En 45 secondes, vous avez un avis.

Parfois, souvent, vous vous mentez. Vous tentez de vous faire croire que l’imbécile heureux qui vous fait face mérite votre attention. Vous espérez que la connasse autocentrée se révélera délicate et attentionnée. Mensonges. En 45 secondes, vous savez. Votre lumière rouge personnelle, celle qui vous crie alerte, s’allume ou ne s’allume pas. Le « Go» clignote en vert massif, ou ne clignote pas. En 45 secondes vous savez.

 

J’avais dit dans un mail, la veille, certaines choses que je ne voulais pas prononcer face à face. Rapport à un texte qu’Olivier m’avait demandé et permis une réconciliation entre une certaine forme d’écriture et moi. Mais il me met à l’aise immédiatement. Je le remercie encore. Il rigole avec son rire un peu particulier. En 45 secondes, je sais tout ce qu’il y à savoir sur lui. Les contradictions, les errances, l’âme à vif.

 

On ne passe pas forcément toute la soirée ensemble. Je me souviens qu’il m’a dit : « Oh moi, je reste là, je veux rigoler » ou quelque chose dans ce goût-là.

C’était il y a 3 mois.

Toute la soirée, j’ai découvert une copine et c’était comme si nous nous étions quittés la veille ou comme si nous nous connaissions depuis des lustres.

 

De déconne en connerie, d’écrit en émotions, j’ai eu quelques dialogues avec Olivier avant de vraiment mettre un visage sur le personnage. Avant qu’il ne rentre dans ma vie et s’y installe. Il est exactement comme je l’imaginais. Une pétition absurde, un sauvetage, une useless playlist. Je crois que nous sommes contents de nous rencontrer en vrai. Alors, on ricane. Le principe, entre nous, c’est que je pars en cacahuète et qu’il surenchérit. Ou le contraire. Une complicité immédiate. Complicité de joueurs de pipeau, Romain Duris en puissance. Son sourire ravi. Sa manie de ne pas vraiment vous regarder dans les yeux. Sa manière de pencher la tête sur le côté, de se reculer comme ça, comme si tout l’agressait un peu. Comme s’il se tenait à distance, un peu à côté du monde.

 

 

 

Cette complicité ? Le mot en vaut un autre. «Complicité». Oui, c’est ça : des bêtises, beaucoup. Comme des mômes. Des hin hin.

Les heures passent à une vitesse folle. Je ne me rappelle plus de tout. Mais j’étais heureux. On finit par sortir. Je lui dis que nos copains vont s’imaginer des choses en nous voyant partir ensemble. Elle fait hin hin. Et moi aussi je fais hin hin. C’est une blague. Une vraie. Pas un appel du pied. Ou alors c’est un test, histoire d’être certain que rien ne va entacher tout ça. J’ai bien une idée sur la question, mais c’est personnel, ces choses.

 

Les gens n’ont aucune imagination et un net penchant pour les relations tiédasses (Soupir). Les relations fortes sont tolérées en amour parce qu’on tombe (amoureux), parce qu’on perd (la tête). Indulgence pour les fous. Je fais partie des humains beaucoup plus doués en amitié qu’en amour, croyez-moi… Olivier et moi, c’est une relation forte. Oui. De l’amitié pure.

 

On marche quelques mètres et un taxi passe et je lève le bras et elle court vers le taxi, morte de rire, en me précisant qu’elle me le pique, que c’est normal. Et ça me fait marrer. Je regarde la bagnole s’éloigner, la nuit est belle, je pourrais presque rentrer à pied et je me demande si je la reverrai, Nathalie.

 

On se barre en même temps. Naturellement. Je lui vole son taxi sans même lui taper une bise pour lui dire au revoir. C’est pas grave. On va se revoir, je le sais.

Olivier fait partie des rares personnes pour lesquelles j’ai eu un coup de foudre absolu. Je lui ai confié mon roman sans hésitation. Il m’a confié le sien. Comme un pacte. Comme un serment de gosses. L’humanité chevillée au corps. Notre territoire commun, c’est la pudeur. Le plus show off des grands pudiques. La fragilité bien planquée. Olivier, c’est une promesse qu’on s’est faite. Le plan B en cas de Radiohead trip. Mon « Géo Trouvetout du brain ».

 

Parfois les moments de grâce sont éphémères. C’est même ce qui les rend précieux.

Chérir les belles rencontres.

Parfois ils durent. C’est même ce qui les rend indispensable.

C’est même le sens de la vie

En 3 mois, Nathalie m’est devenue indispensable.

Olivier est ma part d’enfance

Parce que tout est là : les fêlures, les vrais mots, ceux qui sortent sans calcul, la pudeur, la franchise.

Les silences, surtout les silences

Il n’y a que Nathalie qui est autorisée à me traiter de sac à merde, de connard, de putasse, («putasse», moi …) de quiche, et autres affectueux surnoms.

Une infinie tendresse

Il y a le respect aussi. Cette fille là mérite le respect. Pour une raison simple : elle est capable de vous expliquer pourquoi elle ne le mérite pas toujours.

Olivier et moi, meilleurs que ce qu’estiment nos ennemis et pire que ce qu’envisagent ceux qui nous aiment.

 

Un jour elle m’a dit : «On est pareils, tous les deux : des Enfants Perdus …» Et j’ai répondu que oui mais non. Qu’elle valait dix fois mieux que moi, que j’étais un Peter Pan qui avait besoin de sa Fée Clochette, tandis qu’elle réussissait l’impensable : être la fois la Fée Clochette et Peter Pan. Je lui dis que sans ma Fée Clochette, la mère de ma fille en l’occurrence, je serais déjà mort ou pire.

 

Et je n’avais jamais dit ça. A personne.

Et elle a dit : «Toi, tu vas être important, toi…»

 

Je l’ai fait pleurer. Il m’a fait pleurer.

 

Et ce jour là j’ai su que si ce n’était pas de l’amitié, ça commençait bigrement à y ressembler.

 

Olivier est ma copine. Mon amie avec un e. Entertainers à crever, l’âme tourmentée. Voix d’enfants, pipeaux, mélancolie légère, danseuses de saloon ou de cabaret, battements de cœur rapides, colliers de nouilles et larmes aux yeux.

 

Texte co-écrit par Catnatt et Olivier