Cher Monsieur Sarkozy

20 octobre 2011 14 Par Catnatt

 

Nina Farrington

Je regardais la une de France soir. Je regardais la photo de Kadhafi mort. A quel point ça me mal à l’aise. Et puis, à côté, il y avait vous, Monsieur le Président.

 

Monsieur Sarkozy.

 

Vous qui avez reçu ce type, là, qui va faire toutes les couvertures du monde. Celui qui, hier, installait sa tente à l’Elysée et dont aujourd’hui tout le monde salue le décès.

 

La roue tourne vite, n’est-ce pas ?

 

Oh, vous avez eu vite fait de retourner votre veste. Vous aviez raté le train de la Tunisie, fallait pas louper celui de la Libye. Pourtant, la situation des droits de l’homme, c’était pas spécialement ce qui vous préoccupait en décembre 2007. C’est marrant non, la symbolique ? Vous avez démarré votre mandat en recevant avec les honneurs ce dictateur et vous le concluez avec sa disparition.

 

C’est toute une époque qui s’achève.

Je regardais votre photo en bas, à gauche. Vous, Monsieur Sarkozy.

 

Oh la photo n’a rien d’extraordinaire en soi, vous n’êtes ni à votre avantage ni à votre désavantage. De bleu marine vêtu, le nouveau noir. Je pensais à votre fille Giulia Sarkozy, une petite française avec un prénom et un nom venus d’ailleurs. Et je pensais aussi que vous étiez un des rois de la stigmatisation de l’immigration.

 

Isn’it ironic ?

 

Vous incarnez exactement tout ce que je déteste, Monsieur Sarkozy. C’en est fascinant. Jamais aucun président n’a suscité autant de sentiments ambivalents et violents. On vous aime irrationnellement et l’on vous déteste tout autant pour les mêmes raisons.

 

Ca n’a pas grand-chose à voir avec l’individu. Après tout, je ne vous connais pas. Non, ça n’a pas grand-chose à voir avec vous personnellement, je pourrais même dire que ce n’est pas vraiment de votre faute. Mais en fait, si. Ce n’est peut-être pas vous, mais vous avez voulu l’incarner.

 

Vous avez pensé qu’il était dans l’air du temps d’incarner la droite décomplexée, cette droite qui dit tout haut ce que soi disant tout le monde pense tout bas, le fric, l’indécence, l’affairisme, les affaires, les rolex et les bateaux, la France aux Français qui se lèvent tôt, genre de Bernard Tapie de Neuilly.

 

Vous avez cru être en avance, vous êtes en retard de 30 ans.

 

C’est con.

 

Parfois je me dis que l’histoire entre vous et la France, c’est juste l’histoire d’un quinqua qui craque sur une pétasse. Vous voyez ? Son entourage est accablé par ce choix mais ça brille, ça virevolte, ça fait du bruit, c’est en mouvement perpétuel, des envies, toujours des envies, un tempérament incroyable, une nouvelle jeunesse comme on dit.

 

Et puis ce quinqua commence à fatiguer. C’est bien mignon les jeunettes mais qu’est ce que ça bouffe comme énergie, hein ? Il finit par se surprendre à regretter Bernadette. Ou Danielle. C’était pépère, certes mais c’était rassurant. Et puis la culture ce n’est pas son rayon à Mademoiselle. Elle est incollable sur l’avenue Montaigne, elle, c’est son truc.

 

Le quinqua se pose des questions. Il a peur. Revenir en arrière ? Cette charmante petite pétasse lui a seriné qu’il se ferait chier comme un rat mort. Elle sent que ça tourne au vinaigre. Comme elle n’est pas complètement demeurée, elle lisse ses attitudes pour un temps. Elle a un peu vieilli ; un cheveu blanc.

 

Le quinqua hésite.

 

Elle se demande si elle ne devrait pas se barrer. Si j’étais elle, je ferais mes valises. Je me ferais discrète pendant quelques temps. Ne pas être trop avide, c’est un signe de bêtise. Et je reviendrais en 2017, parée de toutes les vertus. Je serais encore jeune et les gens ont la mémoire courte.

 

Créer le désir.

 

Je regarde la photo et je me demande si vous seriez capable de ça.

 

Y pensiez-vous hier soir en vous couchant ? Méditant sur le sort de ceux qui furent grands et qui chutèrent ? Avez-vous regardé par la fenêtre de votre chambre à l’Elysée qui doit donner sur les jardins, en souvenir de ces cinq jours où un dictateur se prélassa au sein de notre République ?

 

Je regarde la photo et je me demande à quoi vous pensiez hier soir, Monsieur le Président…

 

« Les grands hommes font leur propre piédestal ; l’avenir se charge de la statue. »

Victor Hugo