Bilan d’écriture 2011

1 janvier 2012 4 Par Catnatt

Photographer/Studio: Gifford, Ralph

 

Parlons peu, parlons numérologie. J’aime beaucoup ce concept de cycles de vie basé sur les chiffres. Non mais sans déconner. Donc, 2011 année 9, fin d’une période qui aura démarré en 2003 avec, comme par hasard, le départ de Bordeaux, la séparation avec mon ex-mari, bref a brand new life. Et aujourd’hui 2012, année 1, on ne prend surtout pas les mêmes et on ne recommence pas. Du moins pas comme avant. Essayer de faire mieux. Je suis toute excitée face à ces nouvelles perspectives inconnues. Un cycle pour se remettre en question et le prochain pour se réaliser ?

 

L’année passée a été essentielle pour moi. Je l’avoue, je suis relativement égocentrée. Et il est ironique de constater que la sélection des dix billets (Tradition commencée l’année dernière) porte ce phénomène. Je me suis mise en recul, et ça m’a fait du bien. En ce premier jour, je souhaite m’impliquer un peu plus tout en m’occupant toujours de moi. Je n’en ai pas fini avec ces ajustements psychologiques.

 

 

Je refais le match 2011 en commençant par « White Lake ».  Un texte publié chez @_Ulrich_, un ami cher à mon cœur, celui qui m’a le plus poussé dans mes retranchements en terme d’écriture. J’aime ce texte car il est court (inhabituel chez moi) et que la phrase retentissante a été un leitmotiv. Elle m’a poursuivie des semaines durant et continue encore. Une phrase importante.

 

Le lac s’étend,

troublé, dérangé, des frémissements liés à un souffle de vent soudain. Elle se tourne doucement vers lui, caresse sa joue, arrache un brin d’herbe et retourne à ses pérégrinations, longues, trop longues errances.

 

 

 

Un peu de polémique ne nuit pas. « L’abstentionniste, ce soumis, ce nouveau riche », billet publié chez Izine me vaudra un torrent de commentaires assez agressifs et peut-être mérités. Pas tant que le propos ait changé, je persiste et je signe, mais j’aurais du l’écrire plus posément. Pour autant, je le garde ainsi. Il faut parfois frapper vite et fort. Même mal…

 

« Si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupera de toi ». Cette phrase croisée au coin d’une vidéo me trotte dans la tête. Elle est tellement vraie. Je ne comprends décidément pas qu’on n’utilise pas son droit de vote.

Nous sommes quasi à un an de la présidentielle, et les enjeux sont les mêmes concernant les abstentionnistes. Beaucoup d’entre eux, déçus de la classe politique, ont baissé ou baissent déjà les bras : « tous les mêmes », « ça ne sert à rien ». Je trouve ça aberrant. N’est-il pas absurde que ceux qui reprochent une absence de changement soient les mêmes qui fassent preuve d’un cynisme absolu, ce compagnon de route d’un certain type d’immobilisme ? Pourtant, à mon sens, les élections 2012 sont majeures, car elles entérineront ou pas un certain type de politique.

 

 

Le 18 février 2011, c’est l’acte de bravoure. Nul ne sait combien ce fut difficile. Et je ne peux toujours pas relire ce fameux billet, publié sur Voldemag, « Quand j’étais petite ». Je pense qu’il y réside toutes mes problématiques et toutes mes contradictions. Il n’est finalement pas loin de tout ce qu’il y à savoir sur moi.

 

L’odeur de Maman si particulière en été, en bord de mer, mélange de crème solaire Clarins, de Shalimar et de sa peau salée, ma joue posée sur son épaule, ma tête enfouie dans sa nuque, effluve qui me bouleverse le cœur quand je crois la sentir, mais c’est une erreur, jamais plus cela n’arrive.

Quand j’étais petite, Maman disait à qui voulait l’entendre qu’elle ne serait jamais vieille, jamais flétrie. Elle souriait, mutine quand elle disait ça, je percevais une certaine coquetterie. Maman disait qu’elle ne serait jamais vieille parce qu’elle mourrait quand sa dernière fille aurait 16 ans.

 

 

Parce qu’il en faut bien un pour évoquer cette complicité avec celui que je considère de plus en plus comme mon frangin @Mrolivier, ce sera « Le plumage, le ramage et Radiohead », texte qui continue à me faire beaucoup rire. Je me sentais un peu escroc sur les bords en l’écrivant, je n’ai pas de légitimité professionnelle en ce domaine, mais au vu des réactions sur Voldemag, j’ai touché un point sensible.

 

Car aussi dingue que cela puisse paraître, la majorité des musiciens aiment vraiment ce qu’ils créent. C’est aberrant non ? Et ils le défendent, y compris en utilisant le marketing. C’est bien sur internet qu’on rabâche, créer ne suffit plus, il faut avoir la fibre commerciale ? Comment se retrouve-t-on à reprocher à Radiohead d’avoir fait un coup de buzz ? Faut-il être un peu concon tout de même pour bavasser du soir au matin sur les techniques de médiatisation et tirer à bout portant sur ceux qui l’utilisent, alors qu’en fait la tare c’est d’être d’ors et déjà connu ?

 

 

En mars, je continue la série « Les Danaïdes » chez @_Ulrich_. Ce sera « Glorious Land ». Cette chanson de PJ Harvey est peut-être celle que j’ai le plus écoutée en 2011. Elle est importante. J’ai essayé de faire coller la fiction et la réalité. J’ai lu et lu des articles traitant de la guerre en Afghanistan et des traumatismes de ces soldats qui font la guerre alors que le monde ne veut plus trop en entendre parler.

 

Il serre contre lui son arme et caresse machinalement sa lunette de tir. 2Cor4:6. Il connaît par cœur sa signification. On lui a expliqué rapidement ce que signifiait ce code, inscrit par le fabriquant. Une citation biblique. 2Cor4:6 : « Car Dieu – qui a dit : La lumière brillera du sein des ténèbres ! – a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. Il pense à l’ouvrier qui a fabriqué ce qu’il tient si fort dans ses mains. Conneries ! Il note mentalement de passer remercier la direction d’avoir eu la délicatesse d’importer Dieu là où il n’existe plus.

 

 

En mai, toujours @_Ulrich, me demande de participer à ses chromatiques. Le thème ? La révolution. Je me dis que tout le monde m’attend au tournant, que ce sera forcément politique. Je décide de prendre un contrepied, de tenter d’être là où l’on ne m’attend pas. Surprendre. J’aime bien ce verbe. Alors ma révolution sera l’orgasme. « Et le corps, et le cerveau et le cœur ».

 

« Et l’ivresse,

Et la chute,

Et le vide,

 

Une respiration qui brutalement s’accélère,

Un visage qui se crispe et se détend,

Le sang qui afflue, bouillonne d’ardeur, se répand, »

 

 

En septembre, c’est la rentrée littéraire. Anthony de @Playlistsociety nous propose sur ce site de la faire à notre façon. Ce sera « Du domaine des murmures » de Carole Martinez pour moi. Un livre important. Je ne désespère pas d’interviewer l’auteur d’ailleurs. Ce qui me fascine le plus dans ce bouquin ? Le prodige de rester populaire tout en écrivant divinement bien. Si je devais définir un idéal de littérature, ce serait ça. C’est aussi un texte important car ce sera la première fois que nous allons « bosser » ensemble sur mes textes avec Benjamin, le rédac chef de Playlist Society. J’ai besoin qu’on me corrige. Pas tant que je manque de confiance en moi en la matière mais surtout parce que je ne crois pas que l’on accouche seul d’un texte abouti. En tout cas pas moi. J’aime les regards extérieurs et intransigeants. Et Benjamin est un merveilleux rédac chef pour ça en plus d’être un ami formidable.

 

« Du domaine des Murmures », c’est le destin d’une jeune fille qui voulait être libre et qui choisit l’enfermement total pour l’être. L’histoire d’une naïve qui voulait dominer les hommes par le pouvoir de Dieu, seul au-dessus de tous, imbattable. « Du domaine des Murmures », c’est la redistribution des pouvoirs, quatre libertés contées : C’est Esclarmonde qui refuse son destin et s’en crée un autre par la grâce de Dieu : le pouvoir spirituel. C’est Bérangère qui s’émancipe de son passé, s’offre à la vie, hymne à la sensualité et à la magie : le pouvoir sexuel, « Elle avait brisé les invisibles chaînes qui l’entravaient depuis l’enfance, cette tenue qu’on lui avait imposée, et la géante s’offrait désormais aux frôlements du vent, à la fraîcheur des sous-bois, aux langues de soleil. Il lui arrivait de jouir du paysage ou même d’une petite brise égarée sous ses jupes –voluptés solitaires – de s’accoupler avec le monde le temps d’un courant d’air ». C’est Douce à qui l’on offre la liberté de diriger le domaine et qui se mure dans un autoritarisme sans pitié pour que nul ne la remette en cause : le pouvoir temporel. Et c’est Jehanne, la serf qui finalement sera la plus libre, ni enchaînée à Dieu, ni au temps, ni au sexe, pas de pouvoir : juste l’amour et le libre-arbitre. Quatre libertés qui rythment le château : « Il me semblait parfois que les Murmures s’étaient définitivement dégagés du pouvoir des hommes, et que Bérangère, Douce et moi-même tenions désormais, chacune dans notre domaine, les fils du monde ».

 

 

Du point de vue politique, le texte important de l’année sera l’interview de Bastien François : « Le retour de la démocratie passera par la 6e République ». D’abord parce que j’aime son concept de 6ème République. Ce fut un moment passionnant et j’ai beaucoup appris. Je suis fière de ce texte et de mes schémas. Un peu bêtement, comme une gamine qui a réussi à colorier sans déborder pour une fois. Et puis la collaboration avec @vogelsong. C’est un excellent correcteur lui aussi, proposant des modifications judicieuses. Celui qui l’emploiera comme rédac chef ne le regrettera pas.

 

Instaurer grâce à des institutions une exubérance démocratique, c’est cela le but de Bastien François. Je rajouterai pour ma part que la France est un grand pays, patrie des droits de l’homme et de ce qui s’approche le plus d’une démocratie. Mais tout cela a été dévoyé. Nous sommes en oligarchie. Ce que je trouve formidable avec le projet de Bastien François et de ses compagnons de route, c’est que si la 6e République était instaurée, la France aurait réinventé la démocratie au sein du XXIe siècle.

 

 

L’échec de l’année. Je n’ai pas compris. Enfin, si. Tout le monde s’en foutait et probablement que le monde avait raison. Un texte de commande chez Arbobo. Très rentre-dedans Arbobo en matière d’écriture. Il m’a vraiment poussée, lui aussi, dans mes retranchements. Mais il avait raison. Je crois qu’il n’y a pas de hasard si mes textes préférés ont été le fruit d’une collaboration même si j’écris seule dans mon coin. Donc l’échec de l’année, le texte mal-aimé et que pourtant, je trouve abouti. Parfois, la rencontre entre le lecteur et l’écrivant ne se fait pas, et il ne sert à rien de crier à l’injustice. Déjà, j’ai pris beaucoup de plaisir. Le plaisir, cette denrée rare… Et Dieu seul sait que j’en ai eu cette année. Alors « à jamais silencieuse » restera mal-aimé sauf dans mon cœur. En l’évoquant ici, je lui donne peut-être une seconde chance.

 

« Rappelons nous du temps où nous étions dépourvus de langage ; lorsque les émotions ne formaient pas de syllabe. Aucun de nous n’avait d’histoire, ni de prénom, ni de voix. C’était les regards et le silence et les corps qui bougeaient. C’était tout et ça n’avait pas de fin car l’imagination n’en a aucune.

Les mots mettent des limites et le silence les repousse au loin.

Et puis à force de se côtoyer, la syntaxe s’est mêlée au désir ; mais toujours à contretemps.

Ce sont ses doigts sur ma nuque dégagée, un geste qui lui échappe, plus fort que lui.

Ce sont mes doigts dans ses cheveux ébouriffés, un geste qui m’échappe, plus fort que moi.

Sans jamais qu’il y ait d’aveu. »

 

 

Et puis, pour clôturer l’année en beauté, la belle rencontre. Celle où je me suis fait avoir sans qu’il l’ait fait exprès. Daniel Darc pour Playlist Society. J’ai oublié de l’interviewer, je l’ai simplement écouté. J’avais échafaudé moult théories à son sujet qui se sont toutes écroulées en le rencontrant. Un être humain rare pour ce que j’en ai aperçu. Je suis très fière de ce texte. Vraiment. Oui, je sais que ça fait prétentieux mais je m’en fous. Chaque interview, chaque texte me fait progresser quoi qu’il arrive et j’adore ça. Dans cette quête éperdue de l’apaisement, entre moi et moi, chaque mot est une pierre angulaire de paix.

 

J’ai trop écouté Daniel Darc, j’ai oublié de prendre des notes ; j’ai oublié l’interview. C’est un compliment. Lui qui en a tant dit, chanson après chanson, est d’une pudeur paradoxale. Je n’ai rien emporté, ou si peu, un regard clair, un sourire enfantin, quelques impressions fugaces, quelque chose de fantomatique, une légèreté fragile. Darc reste une énigme, il ne me reste que des points de suspension. Le combat toujours perdu de l’humanité, l’entière mise à mots d’un être est impossible :

«Si seulement tu savais mes nuits… Rien. Si seulement tu savais mes rêves… Rien. Si seulement tu savais mes rires… Rien. Si seulement tu savais mes joies… Rien. Si seulement tu savais la taille de mon âme…»

 

Si seulement je savais… »

 

 

Ce sera le mot de la fin pour cette année. « Si seulement je savais… ». 2012 me reste inconnu et j’ai hâte de découvrir. Encore et encore. Des êtres humains, des livres, des moments, et moi.

 

Surtout moi. Quand je vous disais que j’étais égocentrée…

 

(Et oui j’ai changé de thème wordpress. En espérant que celui-ci vous plaise autant qu’à moi. C’est mon nouveau joujou que je me suis offert pour la nouvelle année :p)

 

 

Un grand merci à tous les rédacs chef qui m’ont consacré du temps. Voici la liste des billets sur leur lieu d’origine.

Sur Shot By Both Sides

http://www.shotbybothsides.org/white-lake/

http://www.shotbybothsides.org/glorious-land/

http://www.shotbybothsides.org/et-le-corps-et-le-cerveau-et-le-coeur/

Sur Piratages (Vogelsong)

http://piratages.wordpress.com/2011/11/14/le-retour-de-la-democratie-passera-par-la-6e-republique/

Sur Playlist Society

http://www.playlistsociety.fr/2011/09/du-domaine-des-murmures-de-carole-martinez/16330/

http://www.playlistsociety.fr/2011/12/daniel-darc-rencontre-au-polichinelle/17604/

Sur Arbobo

http://www.arbobo.fr/a-jamais-silencieuse-une-semaine-en-silence-4/

Sur Voldemag

http://voldemag.fr/quand-jetais-petit-e/quand-catnatt-etait-petite

http://www.voldemag.fr/coups-de-gueule/le-plumage-le-ramage-et-radiohead