Ma colère, Madonna

4 février 2012 14 Par Catnatt

Portrait de Dorian Gray

 

En 1984 ou 85 (le temps que cela arrive en France), j’avais 13, 14 ans et je t’ai instantanément adoré, Madonna. J’étais folle de « Borderline » et évidemment, j’avais ton 33 tours « Like a virgin » chez moi. J’imagine que mes parents étaient moyennement ravis, mais confusément, je savais qu’aimer ton travail était loin d’être contradictoire avec mon féminisme enraciné (Thanks Mum !)

 

Les années ont passé, tu étais l’icône libre par excellence. Je te suivais de plus ou moins près, mais le tour de force que tu jouais te valait mon admiration. Pas fan de base, mais supporter d’une façon de vivre, indépendante et provocante. Pas forcément de la provocation vestimentaire d’ailleurs ; je trouvais que tu appuyais là où ça faisait mal avec une régularité confondante, ce qui n’était pas le cas de Michael Jackson ou de Prince (où sont les femmes ?).

 

Ton livre de nus, tes histoires d’amour et avec des hommes et avec des femmes, tes enfants, ta chanson soi-disant pro avortement (autant dire un suicide social aux US), ta culotte à la tête du Président (Qu’est ce que j’ai rigolé), un clip soi disant satanique, la masturbation, l’Amérique, l’opposition politique… Ton parcours, loin d’être parfait – ce n’est pas le propos ici – est jonché de combats sociaux. Musique et contestation ; une icône pop, pop comme populaire, comme peuple. Peuple certes féminin dans la plupart de tes interpellations.

 

Si musicalement, tu as eu quelques errances, « Ray of light » et surtout « Music » sont, pour moi, des albums indispensables. Je t’ai souri en me disant : « Madonna, ma chère Madonna, tu vieillis en même temps que moi, certes un peu plus vieille, mais enfin, tu ne fais pas seulement dans la provoc, tu sais produire des albums de qualité ».

 

Qu’est-ce qui s’est passé ? Sans déconner, Ma, qu’est-ce qui s’est passé ? 2005, tu as 47 ans. Ta fille grandit, et on le sait toutes, c’est un moment délicat, pas simple à négocier entre une jeunesse qui s’affirme et une maturité qui se cherche. Alors « Confessions on a dance floor ». Je n’aime pas mais je me dis que c’est peut-être l’album du virage.

 

Perdu.

 

promo apparemment de MDNA

« MDNA ». Le clip « Give me your lovin ». Toi, si intelligente, reniflant l’air du temps comme peu savent le faire, tu nous sers des images d’une Madonna comme un Dorian Gray, espérant peut-être tutoyer l’éternité. (En plus réclamer, c’est mal élevé entre nous… A croire que vivre en Angleterre n’a eu aucune influence sur toi, ma parole :p )

 

Je ne comprends pas. J’aurais aimé que tu aies la classe d’une Charlotte Rampling. J’aurais aimé que tu incarnes, comme tu as symbolisé la jeune fille libre, la jeune femme triomphante, la femme de 50 ans, sexy mais pas vulgaire, suggérant plutôt que déballant. La femme qui ne se met pas sur le même pied que des gamines, mais se joue des codes. J’aurais aimé que tu nous démontres, comme tu l’as toujours fait, qu’une femme, quel que soit son âge, peut déjouer les pièges qu’une société dirigée par des hommes lui tend. Hélas, tu es tombée à pieds joints dans la chirurgie esthétique grossière, l’exhibition ridicule, la course contre le temps perdue d’avance.

 

Tu as perdu.

 

Madonna, je t’aime depuis bientôt 30 ans, serions-nous au bord de la rupture ? Ca compte tant que ça que les jeunes générations te voient frétiller sur des tubes de plus en plus tapageurs ?

 

« Si je demeurais toujours jeune et que le portrait vieillisse à ma place ! Je donnerais tout, tout pour qu’il en soit ainsi. Il n’est rien au monde que je ne donnerais. Je donnerais mon âme ! »

 

« « En perdant la beauté, petite ou grande, on perd tout. La jeunesse est le seul bien qui vaille. »

 

(Oscar Wilde, « Dorian Gray »)

 

Es-tu tellement dans une tour de verre que personne n’est capable de te dire que le sommet après lequel tu cours, c’est celui d’une jeunesse enfuie ? Es-tu assez con pour poursuivre une chimère ? Tu me déçois, Madonna. Oh, je sais bien que tu t’en fous, mais tu n’es plus un « modèle ». Tu es une star vieillissante, un peu ridicule, un peu pathétique. Les mots sont durs mais ils sont proportionnels au degré de mascarade que tu nous infliges.

 

Pire ! Ce que je t’attribuais de profondeur… Etait-elle feinte ? Parce que la question qui se pose au stade de notre relation, c’est : Est-ce qu’on s’est tous planté sur ton compte ? Peut-être n’as-tu toujours été qu’une exhibitionniste soucieuse de nous montrer ta culotte le plus régulièrement possible ? Point barre. Pas une guerrière, pas une femme de tête, juste une petite ambitieuse qui sait que le cul fait tourner le monde. Pas de combat de société ;  pas de liberté, surtout pas, juste un asservissement bien dissimulé aux codes machistes.

 

Quelle déception !

 

Ma colère, Madonna.

(Bon courage à Lourdes, ça doit pas être facile tous les jours…)