Je suis neuro droitière (part 1)

24 mars 2012 54 Par Catnatt

 

A tous ceux et celles qui penseront que ce billet est follement prétentieux, rassurez-vous, je me le suis dit à peu près 45 fois avant vous. Faites-moi grâce de vos commentaires, ça turbine assez dans ma tête. En fait, vous y êtes déjà. Dans ma tête…

 

Je suis, apparemment, ce qu’on nomme une suréfficiente mentale, c’est le terme le plus juste trouvé par Christel Petitcollin pour désigner ce que je suis. Je vous arrête tout de suite, il ne s’agit pas de débarquer en criant à la face du monde : je suis surdouée ! Même si l’auteur du livre que j’ai lu pense qu’il s’agit de ça mais que c’est juste un terme que nous, les suréfficients mentaux réfutons, je pense qu’elle fait fausse route. Être surdoué impliquerait que j’ai des capacités hors normes qui seraient potentiellement productives pour la société. Il n’en est rien. Ce que je suis ne sert pas à grand-chose. Je passerai un test de QI, le résultat serait déprimant, j’aurais le QI d’un bulot. J’ai essayé plusieurs fois, je ne vois absolument pas où ils veulent en venir. Je n’ai jamais terminé car je ne comprends carrément pas les questions et leur intérêt. Or la société a produit ce test. C’est cela dont elle a besoin puisque c’est une société de normo pensants. Rien de péjoratif dans ce terme, c’est juste que à peu près 80% des gens fonctionnent globalement avec leur cerveau gauche. C’est la norme. Moi, c’est le cerveau droit qui domine, je suis neuro droitière. Je vis dans un monde totalement inadapté à ce que je suis. Ou plutôt, je suis inadaptée à ce monde. Je suis en décalage permanent.

 

« Tu prends les choses trop à cœur ».

« Tu es une dramaqueen ».

« Allez, n’y pense plus ».

« Tu es trop… » (Mettez n’importe quel adjectif)

 

J’ai longtemps cru que ce côté ultrasensible était dû à : la jeunesse, mon histoire familiale, les hormones, tout et n’importe quoi. Sauf que j’ai vieilli, que je me suis fait prendre en charge psychologiquement et que rien ne change. Même si cette histoire de suréfficience mentale est fausse, en l’espèce elle me rassure. Elle pose des mots sur un malaise permanent. Ce sera ma façon de négocier avec le monde dorénavant.

 

Je vous donne un exemple du bouquin : « Vous êtes sur un passage clouté, sur le point de traverser la chaussée. Un chauffard passe en trombe et vous frôle. Cela vous donne un coup au cœur et l’idée qu’il aurait pu vous renverser vous traverse évidemment l’esprit. Jusque-là, rien d’anormal, tout le monde aurait réagi ainsi. On respire et on reprend le cours de sa vie. »

 

Les normo pensants en restent là. Pour moi voilà ce qui se passe : « Et si j’étais mort ? Mes papiers sont-ils en règle ? Vous voilà en train d’explorer mentalement vos obsèques. L’idée de vos proches éplorés vous fait frémir d’horreur et vous réveille. « Allons je n’aurais pu n’être que blessé ». Et c’est reparti : le samu, l’hôpital, l’arrêt de travail. » Cette espèce de machine infernale, c’est ce que je vis en permanence. Je me suis enterrée à peu près 12 milliards de fois, ne parlons pas de mes enfants. Chaque événement est vécu non pas en tant que tel mais en tant que scénario potentiellement réalisable et ce du début – je peux remonter dans le passé – jusqu’à la fin – je vais jusqu’au bout, à savoir ma mort inéluctable. Avant, ça pouvait aller jusqu’à la crise d’angoisse et je voyais bien que mon entourage trouvait que j’en faisais beaucoup trop. J’épuise mon entourage. Avec le temps, j’ai réussi à m’entourer de gens bienveillants d’une part et d’autre part à ne pas communiquer tout ce qui se passe dans ma cervelle de « surchauffée du bulbe ». Si je vous épuise, sachez que pour moi c’est pire. Je m’épuise encore plus car je ne me fais grâce de rien tandis que vous, si. J’ai réussi grâce à une certaine discipline à stopper ce déchaînement. Je voyais bien qu’on me trouvait quelque peu ridicule.

 

Ne plus penser de cette façon-là ? C’est totalement impossible, j’y ai renoncé. Je ne fais que la planquer du mieux que je peux. J’ai juste mis au point, sans le savoir, ce que l’auteur nomme des ancrages. Ecouter une musique enjouée par exemple, de façon à ce que mon cerveau soit entraîné ailleurs. Internet a littéralement changé ma vie. J’y reviendrai.

 

« Scientifiquement », c’est quoi l’histoire ? « Roger W. Sperry (20 août 1913 – 17 avril 1994) est un neurophysiologiste américain reconnu par ses travaux sur les connexions entre les hémisphères cérébraux, qui lui ont valu un Prix Lasker en 1979 et le Prix Nobel de médecine en 1981. Il décrit notamment le rôle singulier de chaque hémisphère cérébral dans la perception du langage et de l’espace, dans la reconnaissance des visages, les jugements de valeurs, le raisonnement ou l’affectivité. Il va jusqu’à formuler l’hypothèse que chaque hémisphère disposerait de fonctions propres, voire d’une conscience propre. » (source wikipédia)

 

Ca s’arrête là, car les théories sur le cerveau gauche et le cerveau droit ne sont que des constatations d’après ce que j’ai compris. Alors vous pouvez parfaitement refuser de croire ce que je raconte. L’ironie du truc, c’est que j’ai commencé par faire pareil.

 

Je commence dans ce billet par vous expliquer comment cette bécane fascinante qu’est le cerveau fonctionne avec cette histoire d’hémisphères :

 

« Le cerveau gauche est linéaire, méthodique, verbal et numérique. Il sait nommer, décrire, définir. Il peut utiliser les nombres et leur arithmétique. Comme il est analytique, il découpe les ensembles et les traite étape par étape et élément par élément. On le dit aussi symbolique, abstrait, rationnel et logique.

 

Le cerveau droit vit l’instant présent. Il privilégie l’information sensorielle, l’intuition et même l’instinct. Il perçoit les choses de façon globale et peut restituer un ensemble à partir d’un seul élément, même mineur. Souvent, il sait, mais ne peut expliquer comment il sait. Affectif, émotionnel, donc irrationnel, il se sent appartenir à la famille humaine et même au monde du vivant. Cela lui donne une vision altruiste et généreuse. »

 

Dois-je compter le nombre de fois où mon père s’est gentiment foutu de ma gueule en me lançant ironiquement, et ce depuis l’enfance : « Toi, tu es une petite sœur des pauvres ». Sans qu’il comprenne pourquoi il avait hérité d’une enfant que l’injustice rendait à moitié dingue.

 

« Le langage du cerveau droit est dit analogique. Composé de figures, de symboles et de métaphores, il est aussi le langage de la synthèse, de la totalité. C’est aussi le langage de l’humour, des associations de sons, des ambiguïtés, des calembours et des jeux de mots, des confusions entre sens littéral et métaphorique. Il peut être déroutant pour un cerveau gauche. »

 

« L’hémisphère droit du cerveau est non verbal, holistique, synthétique, visio-spatial, intuitif, intemporel et diffus. Il possède une vue d’ensemble des choses, détermine les objectifs et passe du concret à l’abstrait, bref il gère le pourquoi. Les mots qui caractérisent sont : expériences, émotions, images analogiques, musique, perception systémique, réflexion (alimentée de faits vécus), intuition, globalisation, solution, nouveauté, inconnu, mode complexe. »

 

Je passe mon temps à gérer des pourquoi à l’infini. C’est épuisant. Ca fait plus d’un an qu’on me parle de tout ça et que j’évite la question. Ca a commencé avec @bacicoline qui avait lu « Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués » de Béatrice Millêtre. Elle est comme moi, c’est une surréficiente mentale. C’est pour ça qu’on s’entend aussi bien, je crois. J’avais commencé à le lire mais je crois que je bloquais totalement sur l’idée. C’est Isabelle, ma journaliste préférée, (suréfficiente mentale également à croire qu’on se cherche tous perdus au milieu des normo pensants :))  qui est revenue à la charge avec un livre, « Je pense trop » de Christel Petitcollin. Toutes les deux m’ont dit « Mais c’est toi ! »

 

Avant-hier soir j’ai appelé Isabelle. La première chose que je lui ai dite, c’est « La dame, elle me parle. Elle raconte des trucs sur moi ! »

 

Paradoxalement, ça m’a foutue dans une panique invraisemblable. J’ai longtemps espéré changer. Si j’en crois ces différents bouquins, je suis prise au piège. Je peux tout essayer, je ne peux pas changer de cerveau. (Oui, je vous vois au fond, il y a la lobotomie, j’y ai pensé, merci beaucoup !). J’adorerais être une normo pensante pour la bonne et simple raison qu’ils représentent à peu près 80% de la population et que le monde, du moins, les sociétés occidentales sont faites sur mesure pour eux.

 

Je compte faire une série de billets sur le sujet, sur les conséquences que cela a pu avoir dans ma vie. Pas tant que je pense que cela puisse vous intéresser… Pour moi, tout simplement. Je vais tâcher de remettre en perspective un grand nombre de choses en prenant l’angle du neuro-droitier. J’ai besoin de comprendre, d’éliminer les pourquoi et ma seule méthode, c’est de les mettre noir sur blanc ici. (Le journal intime ne compte pas, je m’en expliquerai un jour)

 

Le plus drôle de cette histoire, c’est que j’ai compris pourquoi un jour j’avais décidé d’avoir un blog. Outre l’égo, la mode, le temps, cela a représenté une solution inespérée pour moi. Je cite à tout bout de champ cette citation de Romain Gary à propos de mon rapport à l’écriture : « Je ne peux pas ne pas écrire. C’est un besoin organique, si je n’écris pas, je suis malade. C’est pour moi une sorte de procédé d’élimination, vous comprenez ? ». J’ai longtemps cru que c’était fort prétentieux de ma part d’oser penser que la mécanique était la même pour Gary et moi.

 

Je sais, à présent, que l’élimination est réelle. Mon cerveau, en permanence, encombré par toutes sortes de pensées, de pourquoi a juste trouvé le moyen d’évacuer provisoirement le trop-plein. Quand j’écris un billet, je crois que c’est parce que j’en suis arrivée à un point de saturation cérébrale par rapport à un sujet donné. Il faut que je crache, que je vomisse, que j’élimine l’excès. Le sujet en question a tout envahi. C’est littéralement devenu une obsession. Ce qui donne fatalement des billets lyriques, plein d’emphase, émotionnels. C’est un style qui ne plaît pas à tout le monde et je comprends parfaitement pourquoi. Je n’aurais, par exemple, jamais pu devenir journaliste.

 

Coïncidence, je vais beaucoup mieux depuis que je traîne sur l’internet mondial. Et apparemment, cela va aller de mieux en mieux…

 

Source :

« Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués » de Béatrice Millêtre

« Je pense trop » de Christel Petitcollin