Je suis neuro-droitière (part 3)

13 mai 2012 10 Par Catnatt

La première partie ici (Présentation du « concept »)

La deuxième partie ici (Enfance et adolescence)

 

Dans ce billet, j’aborde la vie professionnelle et internet. Comment négocie-t-on avec la surefficience mentale et ces deux institutions ? La bonne blague…

 

Mon cv ne ressemble à rien ou alors au point où j’en suis, il démontre une capacité d’adaptation phénoménale. J’ai travaillé et pas nécessairement dans l’ordre dans les secteurs de l’immobilier, de la restauration, de la communication, du jeu vidéo / informatique, de la post-production et même le secteur aquatique (Ceci est une joke). Ce sont avant tout des rencontres humaines. Je comprends vite. D’ailleurs, je me rappelle très bien l’avoir sorti à un recruteur qui m’opposait mon ignorance : « J’apprends très vite, j’ai besoin de ce job, je vous garantis que je suis opérationnelle très rapidement ». Et c’est vrai. Il suffit que je veuille apprendre vraiment quelque chose pour y arriver. J’ai une capacité à régler les problèmes (des autres) assez phénoménale. J’aurais été une documentaliste fantastique.

 

Je n’ai jamais rédigé une lettre de motivation de ma vie. Mes jobs ou je les ai rencontrés par relations ou j’ai débarqué en disant que j’avais besoin de bosser. Ce fut aussi simple que ça.

 

Quand j’ai quitté mon ex-mari, j’ai mis très exactement quinze jours à retrouver du taf. Attention, pas un job mirobolant, mais de quoi nourrir mes gosses. Pas de quoi me loger, faut pas déconner, heureusement que ma sœur m’a dépannée. Mais bref, il n’y a jamais eu aucun plan de carrière et je dois bien avouer que je ne suis pas ambitieuse. Oui, je sais, ça ne se fait pas de dire ça. Mes deux seules ambitions professionnelles en fait sont d’obtenir de quoi vivre correctement avec les enfants et me lever tous les jours contente d’aller au travail. Je n’espère aucune espèce de reconnaissance à travers un travail à part celui de le faire correctement. Enfin… Ca n’est pas aussi simple. J’ai une troisième ambition : bosser pour quelqu’un qui me fait tripper et qui comprend mon mode de fonctionnement relativement atypique. Je suis une super assistante. Je le dis sans aucune prétention malgré ce que certains vont penser. Je sais ce que je vaux maintenant ; au stade où j’en suis, je suis capable de diriger une pme. Je le ferai si cela s’avère nécessaire mais ma préférence va à un job où j’assisterai une personne beaucoup plus ambitieuse que moi et pour laquelle j’aurais une vraie estime. J’ai de la chance, actuellement, c’est ma situation professionnelle. Cela fait 8 ans que je me lève contente d’aller bosser et si, parfois, j’ai ressenti une certaine lassitude (mon job est très administratif et relativement répétitif), j’ai automatiquement demandé à prendre quelques jours, ce qui m’est accordé, pour revenir en forme. Je sais ce que cela vaut dans une vie. C’est immense et précieux.

 

Il serait temps de réhabiliter le manque d’ambition. Ce n’est pas nécessairement une tare. Qui plus est, c’est nécessaire, tout le monde ne peut pas faire partie des cadres dirigeants. Les surefficients mentaux sont incapables de fonctionner de la sorte. Du moins, beaucoup d’entre eux. Il faudrait valoriser l’épanouissement au lieu d’encenser « l’avidité ». Chacun à sa bonne place sans que l’on soit jugé négativement pour autant. Vœu pieu… J’aurais été une merveilleuse directrice des ressources humaines si j’étais dans une entreprise avec une vraie… politique de ressources humaines. Est-ce que ça existe ? Ca était ma spécialisation d’ailleurs dans mes études de communication.

 

J’ai une relation de profonde confiance mutuelle avec mon boss et même quand je ne comprends pas très bien où il veut en venir quand il prend certaines décisions, je pars du principe qu’il sait ce qu’il fait. Et je n’ai jamais été déçue. Je pense pouvoir affirmer que l’inverse est vrai. Je crois vraiment que mon patron part du principe que je sais ce que je fais. Que j’ai une raison valable même s’il n’est pas forcément d’accord avec elle. Je suis toujours tombée sur des boss qui m’ont laissée agir en électron libre et si ce n’était plus le cas, je partais. L’avantage de ne pas avoir des ambitions démesurées ou un plan de carrière, c’est de pouvoir trouver un job plus facilement si j’ose dire. Disons que j’ai plus de liberté que certains cadres supérieurs qui n’ont plus le choix au bout d’un moment que grimper et encore grimper. Ca ne m’intéresse pas de grimper, c’est autre chose qui me préoccupe : mon système de valeur.

 

« A bien écouter les surefficients mentaux, leur système de valeur est le seul qui vaille. (…) L’autre inconvénient de ce système de valeur est qu’il risque de se suffire à lui-même et prévaloir sur les règles et les lois en vigueur. Si une règle ou une consigne paraît injuste, illogique ou arbitraire, le surefficient mental ne pourra pas s’y plier, quoi qu’il lui en coûte par la suite. » Je n’ai jamais eu le moindre état d’âme à partir en claquant la porte si j’étais fondamentalement en désaccord. C’est pourquoi, il est fondamental pour moi de travailler avec quelqu’un pour qui j’ai de l’estime parce que ça permet de négocier avec mon système de valeur. Il ne prendra pas le pas, je partirais du principe qu’il y a une raison qui m’échappe et que je finirais par comprendre.

 

« En revanche, il acceptera la sanction pour avoir transgressé la règle. Il est prévu dans le système de valeur qu’on doit faire face à ses actes et les assumer. Avec cette clairvoyance qui les caractérise, les surefficients mentaux perçoivent l’absurde, le danger, le manque de fraternité ou l’injustice là où personne ne les captera. Leur révolte passe alors pour une lubie ou un caprice. Frustration garantie. » Je le sais pour l’avoir vécu, mon patron me l’a dit un jour : « Ne fais pas l’enfant. » Pour autant, il m’a toujours écoutée, j’ai toujours pu parler franchement et cela aussi est précieux.

 

Je suis pleinement consciente et convaincue que la vie, le travail est une affaire de droits certes mais aussi de devoirs. « La sureffience mentale s’accompagne en principe d’une honnêteté absolue et un respect scrupuleux des règles. Sauf quand le surefficient mental considère que le règlement est stupide ou que cette loi particulière est mal faite. Il est curieux d’observer à quel point ces incertains qui doutent toujours de tout peuvent rester intraitables avec ce qui compose leur idéalisme. » Au boulot, ils ont pu le constater plusieurs fois, je peux piquer des colères monumentales. J’ai la chance aussi de travailler avec des personnes, toutes de fortes personnalités, qui ont finalement compris mon mode de fonctionnement. Je crois qu’ils ont appréhendé mon système de valeurs et mon sens aigu de la justice.

 

« Enfin, le rapport à l’autorité est souvent délicat. Dans ce système de valeur où la jalousie, l’envie et les jeux de pouvoir n’existent pas, il est normal de traiter avec les gens d’égal à égal, quel que soit le grade ou la fonction de l’autre. Les surefficients ne se laissent impressionner que par la droiture, le courage ou une compétence avérée qu’ils admirent et applaudissent sincèrement. Sinon, ils auront la même attitude avec la standardiste qu’avec le PDG. (…) Le respect de la voie hiérarchique n’a aucun sens pour eux. » C’est exactement ça. On pourrait punaiser l’organigramme de la société devant mes yeux en permanence que je n’arriverais pas à l’appréhender, ça n’a strictement aucun sens pour moi. J’adore avoir un job où je peux aider à ma manière les talents à s’épanouir, à voir une société évoluer dans le bon sens. Ceci est mon talent. Mais je ne supporte que l’autorité justifiée par la compétence. Je ne suis jamais restée très longtemps dans mes différents jobs parce qu’au bout d’un moment je m’ennuyais une fois que je maîtrisais le taf. Surtout lorsque je ne pouvais plus mettre mes compétences au service de l’entreprise. Si cela fait 8 ans que je reste là où je suis, c’est que ça m’éclate de voir le groupe évoluer et parce que je n’ai qu’un seul supérieur hiérarchique : le big boss et c’est tout.

 

Si j’arrive à trouver un équilibre, un réel épanouissement dans ma vie professionnelle, c’est que par ailleurs, j’ai trouvé un lieu, un loisir où je peux exprimer mes autres « compétences », ma soif d’apprendre et de découvrir des choses inconnues : l’internet mondial.

 

Si on m’avait dit le jour où j’ai quitté mon ex-mari – mes deux enfants sous le bras, pas un rond et trois valises – que j’interviewerai Mirwais, que je rencontrerai Castelbajac dans son studio de création, que je dînerai avec Joey Starr… J’aurais éclaté de rire. J’étais une provinciale qui revenait à Paris, quelques relations maintenues mais finalement pas grand-chose.

 

En 2007 mes enfants avaient 8 ans et 4 ans. Pas les moyens de sortir comme je voulais ni ceux de payer une baby-sitter. Internet fut une porte de sortie pour moi à l’époque où ma vie était très réglée et me laissait peu de marge de manœuvre. J’avais un endroit à moi, sinon je n’étais plus que salariée et mère de famille les ¾ du temps. Rapidement irrespirable si vous voulez mon avis.

 

J’aimais écrire. J’aimais la musique. Internet m’a permis d’assouvir ces deux besoins de manière très gratifiante. Par ailleurs, c’est devenu une façon d’analyser mon rapport au monde à coup de billets introspectifs. Mais je ne vais pas revenir là-dessus, je l’ai déjà fait abondamment.

 

Ce qui est intéressant dans le cadre de la surefficence mentale et internet, c’est que ce fut la meilleure école pour apprendre à canaliser tout ça. Sur le web, mes réactions exacerbées ont engendré parfois des réactions d’une violence assez spectaculaire. J’en ai pris plein la gueule, parfois à juste titre, parfois non. Ce que je veux dire, c’est qu’internet ne se pliait pas à mon système de valeur. Bizarrement :p. J’avais rencontré une force d’opposition qui me fascinait. J’ai reçu des menaces diverses et variées, une lettre avec accusé de réception d’un avocat dans ma boîte aux lettres, des demandes de suppression d’un de mes sites à mon hébergeur, des insultes, des trolls. Bref tout ce qui fait que ce lieu peut être source de « violence ». A coup de baffes dans la gueule, j’ai fini par lâcher prise sur un certain nombre de points. J’ai travaillé « mon indifférence ». J’ai beaucoup appris. J’ai appris à ne plus systématiquement répondre. J’ai appris que les normopensants ne pouvaient pas comprendre mes réactions. J’ai appris à négocier avec la faux-culterie monumentale de certains et à en rire. Surtout en rire. Internet fut la meilleure école ever pour canaliser mes aspects too much. Je n’ai pas vraiment changé pour autant, j’ai juste appris à passer outre, j’ai appris que cela ne servait souvent à rien d’essayer de démontrer à quelqu’un qu’il était injuste.

 

Je suis même certaines personnes sur twitter, des personnes avec lesquelles je ne partage quasiment rien : ni opinion, ni système de valeur. Tout ça pour apprendre à vivre avec la différence. Parce que ça me fait flipper de m’enfermer dans une communauté de gens qui pensent pareil. C’est un entraînement permanent au lâcher prise et je crois que c’est nécessaire dans mon cas sinon je me radicaliserai. Je bondis toujours autant mais j’ai appris à rédiger un commentaire furibard – session défouloir – et à ne pas le poster. J’ai appris à ne plus me rendre malade – car je me rendais réellement malade – parce que quelqu’un ne m’aimait pas ou ne me comprenait pas.

 

Oui, internet a été et continue d’être une merveilleuse école pour moi. Je dérape encore, je suis fondamentalement une sentimentale, tout passe par l’affectif chez moi, et c’est toujours une déception quand quelqu’un que j’aime bien ne se comporte pas comme je l’avais envisagé ou ne m’apprécie pas. Mais le web et son zapping permanent m’ont appris à zapper moi aussi. Cela m’affecte mais moins longtemps et moins profondément. Et cela m’a beaucoup servi dans la vie réelle. C’est devenu une discipline à défaut de devenir ma véritable nature, ça j’y ai renoncé, je ne changerai pas.

 

Un surefficient mental doit mettre en place un contre système pour arriver à survivre dans un monde de normopensants. Sa nature profonde le décale en permanence mais il existe des tas d’outils pour s’intégrer de manière satisfaisante.

 

« Parfois, le surefficient mental se réfugie dans une passion, un centre d’intérêt exclusif : les chevaux, les dinosaures, le cosmos… Plus rien ne compte que cette passion qui lui occupe son esprit, lui fait oublier ses misères. La lecture, le cinéma et internet sont également des supports d’évasion très prisés qui peuvent parallèlement combler sa soif d’ailleurs et de connaissance. »

 

J’ai trouvé un équilibre. Mes enfants m’ont structurée, je ne pouvais pas leur faire subir mon anarchie émotionnelle et mon travail au service de quelqu’un de brillant m’a apaisé. Internet m’éduque en permanence. Ma surefficience mentale s’épanouit au sein d’un canal défini. Je l’ai domestiquée. Il est impératif que dés lors que vous avez compris que vous faites partie de cette catégorie-là de trouver le moyen de la laisser s’exprimer dans un lieu précis. Elle est devenue du coup une qualité, non plus un handicap. Elle s’exprime dans la relation exceptionnelle que j’ai avec mes enfants. Elle s’exprime dans le cadre du travail dans l’aide que je peux fournir aux uns et aux autres. J’aime aider. Elle s’exprime dans mes écrits et mes prises de position sur internet. Et autant, j’ai longtemps trouvé que c’était un cadeau empoisonné, autant à présent, je sais combien c’est un atout en matière de relations humaines et de créativité. Si les entreprises se penchaient sur ce sujet et appréhendaient ce genre de personnalité, ils trouveraient dans les surefficients mentaux de merveilleux collaborateurs. Car nous sommes utiles à la société, nous sommes le grain de sable positif dans un système rationnel, trop rationnel, nous sommes la part humaine au sein de la rentabilité. Nous sommes ce qui fait qu’une société reste humaine et bienveillante.

 

Aujourd’hui après avoir compris que j’étais ainsi faite, après avoir été prise de panique à l’idée que j’étais dans une prison mentale, aujourd’hui je sais que je peux apporter beaucoup au monde à mon tout petit petit niveau. Tout cela a un sens.

 

Et Dieu seul sait que toute ma vie, je n’ai eu qu’une seule ambition : donner un sens à ma vie.

 

 

 

Source :

« Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués » de Béatrice Millêtre

« Je pense trop » de Christel Petitcollin