Je suis neuro-droitière (part 4)

19 mai 2012 30 Par Catnatt

La première partie ici (Présentation du « concept »)

 

La deuxième partie ici (Enfance et adolescence)


La troisième partie (Travail et internet)

 

 

Avant d’attaquer la séquence sphère amoureuse, j’aimerais bien faire un point route. J’ai discuté brièvement avec quelqu’un via dm au sujet des neuro-droitiers. Sa formation est celle d’un neurobiologiste. Il est, apparemment, neuro-droitier. Il semblerait que d’un point de vue scientifique, ce concept tienne la route mais comme il le soulignait, peut-on ranger l’intelligence dans une case ? Et que se passe-t-il après ?

 

Il parle de « douance » dans ses billets, je parle de suréfficience mentale dans les miens. Le seul dénominateur commun en terme de vocabulaire, c’est les normopensants. Il y a quelque chose qui me gêne profondément dans tout cela. Parce qu’il est sous entendu quand même une sorte de hiérarchie. Comme si les neuro-droitiers étaient quelque part supérieurs alors que je suis fondamentalement convaincue que c’est faux. Cela pourrait être comparé aux hommes et aux femmes. Nous avons un mode de raisonnement différent (Epargnez moi l’éternel débat la différence est-elle vraiment genrée ou sociale, s’il vous plait) mais nous sommes sur un pied d’égalité. Concernant les neuro-droitiers, tous les mots qui les désignent sont « sur » : Surdoués, suréfficience. Je trouve ça complètement idiot. Et si je continue mon parallèle –certes hasardeux – avec les hommes et les femmes, au même titre que nous vivons dans des contrées fortement marquées de patriarcat, nous vivons dans un monde de normopensants. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Pour l’instant, c’est ainsi, les neuro-droitiers peinent à faire entendre leur voix mais l’évolution opère, j’imagine.

 

(MAJ de 19h12 D’ailleurs, si l’on y réfléchit vraiment, est-ce que finalement les qualités que l’on dit féminines ou masculines pourraient être juste une histoire d’hémisphères ? J’en sais rien, je ne suis pas une spécialiste du sujet mais ça pourrait être une piste intéressante, non ? )

 

Il serait juste de parler de neuro-gauchers et de neuro-droitiers tout simplement. Et encore. Cela s’avère insuffisant puisque je rappelle à la foule en délire que bien que dominés par une hémisphère, l’autre continue de fonctionner. Nous nous en servons. Enfin… J’espère ^^.

 

Et après ? Voilà, vous avez réalisé que vous êtes neuro-droitier, à savoir que votre grille de lecture du monde, de votre vie, se fait essentiellement par l’hémisphère droit de votre merveilleux petit cerveau. Bien. Je crains que suite à l’enthousiasme de la découverte succède une période de doute. C’est bien là tout le paradoxe du neuro-droitier. Cette personne que j’évoquais tout à l’heure a rencontré Béatrice Millètre. (voir billet ici, c’est très intéressant ou celui-là). Ce qui m’intéresse précisément c’est la réponse qu’elle lui a faite à la question : « suis-je neuro-droitier ? » : « Après m’avoir longuement écouté elle m’a juste dit “Si vous pensez l’être, c’est que vous l’êtes sûrement” ».

 

Nous sommes à ce moment-là. Mais après s’être grisé de cette explication, viendra implacablement le doute. Car paradoxalement, je crois qu’aucun neuro-droitier ne peut-être sûr à 100% de l’être car sa principale caractéristique est de… tout remettre en doute en permanence. (Et c’est reparti pour un tour…) : « Le cerveau en arborescence est effectivement une usine à fabriquer du doute et des questions ».

 

Cela s’avèrera insuffisant. Vous venez de réaliser comme moi que vous êtes, en fait, dans la merde jusqu’au cou. Vous êtes contents ? Le moment de répit que vous accorde ces billets, ces livres sur les neuro-droitiers – je cesse de parler de suréfficience mentale car finalement je n’aime pas ce terme – ne durera pas. Il vous faudra trouver un autre os à ronger, j’en ai bien peur.

 

C’est bien joli tout ça mais qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Ben pas grand-chose si vous voulez mon avis. Ce que j’essaye d’expliquer dans ce billet, c’est que c’est vous qui déciderez si le fait de vous savoir neuro-droitier va changer quelque chose. Quel type de neuro-droitier êtes-vous ? (Là, il faut lire, je veux bien recopier certains passages mais faut pas abuser). En fait, je sais donc je suis. A partir du moment où vous savez quel type de neuro-droitier vous êtes, vous allez décider ou pas de canaliser ces qualités dans quelque chose qui y correspondra. C’est tout ce que vous pouvez faire. Vous ne cesserez pas de vous prendre la tête, vous avez juste mis des mots sur le malaise permanent que vous ressentez.

 

Je crois que c’est formidable de le savoir mais je suis convaincue que ce n’est pas une fin en soi. Le petit échange avec cette personne me l’a fait toucher du doigt. Trois ans après qu’il en ait pris conscience, il reste quelque part insatisfait. Alors je suggère que vous vous trouviez fissa fissa une passion, une obsession pour canaliser votre mental. Je crois que j’ai de la chance, moi, j’ai trouvé, c’est le blog et ses déclinaisons : musique, politique, interviews, société, ce putain de roman que je finirai bien un jour et puis moi, me, myself and I. Je suis mon propre sujet d’étude. Qui a dit qu’un blog était un truc d’égocentrique ?

 

Ce qui a changé concrètement pour moi ? Je ne me trouve plus anormale. Je ne suis pas au bord de devenir folle contrairement à ce que je croyais ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Le fait que je me prenne la tête toute la sainte journée ? Pas grave. J’ai trouvé comment expliquer simplement aux gens : me demander de cesser de me poser sans arrêt des questions revient à dire à un insomniaque chronique : « Ben, t’as qu’à dormir ! ». Oui, il aimerait bien mais il peut point figurez-vous.

 

Une petite différence aussi, c’est qu’au lieu de me laisser entraîner quand je rumine sur un sujet quelconque, je me suis mise à parler à mon hémisphère gauche. (Et là, vous remontez quelques lignes plus haut en vous disant, ça yé elle devient folle, on l’a perdue…). Hier soir, je me suis donnée un coup de pied au cul mental alors que je ruminais à propos d’une personne. J’ai réussi à stopper toute seule l’engrenage, car en l’espèce il était improductif. S’il m’avait servi à étayer une pensée ou écrire ou Dieu seul sait quoi d’autre, je me serais laissée aller. Mais j’ai analysé toute seule que ce n’était pas le cas d’où l’arrêt. Le fait d’avoir pris conscience de cette caractéristique neuronale m’a permis, je crois, de cesser d’être fascinée par ces spirales. Il y a un plaisir – malsain ou pas – à se laisser envahir par ces pensées insatiables. A croire que maintenant que je sais que l’hémisphère droit me domine, ça m’amuserait d’aller fricoter avec le gauche. Comme je sais à présent que c’est en partie lié à mon cerveau, je peux commencer à contrôler la situation quelque part :

 

« Au cours de l’enfance, quand ils réalisent qu’ils ont un sérieux problème, les neuro-droitiers se créent un tyran intérieur qui ne leur laissera plus aucun répit. Vous le connaissez sûrement ce tyran intérieur. Il vous accompagne du lever au coucher et commente toutes vos expériences de la journée. Il vous dicte ce que vous devez penser de vous, comment vous devez vous sentir et vous impose ses interprétations très subjectives comme étant le reflet exact de la réalité. C’est un envahissement permanent. Ce bavard ne vous laisse aucun répit. Il vous fait perdre votre temps à ressasser le passé, à vous inquiéter pour le futur et à disséquer tous les mots prononcés ou les actes posés, par vous et votre entourage. Il réécrit cent fois la même histoire, avec autant de versions pour vous prouver que vous n’êtes pas une personne compétente et aimable ». En fait, cette série de billet est en train de créer le phénomène suivant : je suis en train de devenir pote avec mon tyran intérieur. Il me fait même marrer par moments. S’il déborde, je fais « appel » à une grille de lecture neuro gauchère. Enfin, j’essaye. De l’humour et de la gauche, c’est cela dont j’ai besoin.(Je crois que je viens de comprendre pourquoi j’étais une gauchiste enragée, je le savais que le salut viendrait de là :p)

 

Un truc très con, j’ai enfin compris pourquoi il était très difficile pour moi de rester dans une soirée. Comme je suis très sensible aux odeurs et aux sons, comme je suis très sensible aux humeurs et émotions des autres – je suis hyperempathique –  il est épuisant pour moi de me retrouver dans ce contexte. Je suis championne du monde toute catégorie pour me barrer sans dire au revoir. C’est juste parce que c’est au-dessus de mes forces. J’arrive à un point de saturation totale, trop d’informations à traiter. La plupart du temps, je suis obligée de me mettre en pilote automatique pour échanger. Incapable de me concentrer car débordée par tout ce que je reçois, ma conversation tourne très vite à « Oui », « Bien sûr », « Merci », « C’est à dire ? ». Je suis littéralement épuisée. Je sais donc, à présent, que je ne suis pas une vieille conne mais simplement une telle éponge que je ne peux pas traiter les infos correctement au delà d’un certain nombre de personnes. Je sais pourquoi ça fait longtemps que je privilégie les déjeuners en tête à tête : tout simplement parce que je peux me concentrer tranquillement sur mon interlocuteur et lui apporter l’aide dont il a besoin éventuellement.

 

Autre point : je m’écoute. Si telle personne, par ailleurs formidable, ne me convient pas, je ne cherche plus à maintenir le contact à tout prix. J’écoute mes intuitions, face à une décision, je prends la première qui me vient à l’esprit car c’est la bonne pour tout ce qui ME concerne. Et uniquement en ce qui ME concerne.

 

Je crois qu’en fait, j’ai cessé de me battre avec moi-même. C’est tout. Je ne serai jamais une personne « classique ». Ma vie ne sera jamais vraiment conventionnelle. Je ferai des choix qui feront bondir mon entourage. Je ne serai jamais stable émotionnellement. Mais je serai capable d’expliquer pourquoi et surtout pourquoi ça me rend heureuse d’être à contre courant. Christel Petitcollin dit « Votre cerveau a besoin que les choses soient compliquées pour être performant ». Cela explique bien des choix que j’ai faits.

 

Ma différence n’est plus un handicap. Etre neuro-droitière, en avoir pris conscience, n’est que le début d’une toute nouvelle aventure. Car au lieu de m’arracher les cheveux sur pourquoi suis-je ainsi et qu’est-ce qui cloche chez moi, je sais que tout va bien. Dès lors, mon regard sur les évènements ne pourra plus jamais être le même.

 

Il faudra terminer ces billets. Il reste celui sur la sphère amoureuse (Vous aurez noté que je prends grand soin d’y aller à reculons) et peut-être un sur la maternité. J’aurais regardé en arrière par ce prisme là. Me tourner ensuite vers le futur, réconciliée avec moi-même. Et trouver un nouvel os à ronger 😉

 

 

 

Source :

« Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués » de Béatrice Millêtre

« Je pense trop » de Christel Petitcollin