De grandes espérances…

16 juillet 2012 18 Par Catnatt

Alors voilà, on fait sa maligne billet après billet, de la musique, de la société et un genre de journal de bord à défaut d’être intime. Mais finalement, si on la joue honnête jusqu’au bout, le blog ne devrait pas servir à détailler uniquement les moments de « gloire » ou de « fortune ».

 

Non, si on joue vraiment le jeu, il faut aussi parler de ce qui est moins reluisant et c’est ce que je vais faire.

 

Il y a quatre ans, je m’engageais dans une entreprise périlleuse, publier chaque dimanche une histoire décomposée en chapitres. Il n’était pas question de roman, c’était très pulsionnel. Au bout de seize semaines, j’avais terminé et j’ai commencé à envisager cet objet un peu étrange comme un brouillon de roman. J’avais, du moins, un squelette mais je l’ai abandonné pendant à peu près deux ans.

 

En 2010, je l’ai fait lire à Olivier et à Ulrich : le retour était identique : « c’est un brouillon mais il vaut le coup si tu le corriges ». Aiguillée par l’un d’entre eux, je décidais de compléter, j’y ai passé à peu près un mois durant l’été. Les retours furent mitigés. Ca ne fonctionnait toujours pas et je m’empressais d’abandonner une année supplémentaire.

 

J’ai un rapport à l’écriture assez charnel, j’en ai vraiment besoin et ça me plaisait bien l’idée d’écrire des romans. Moi, qui me questionne sans répit sur le sens de ma vie, cela me donnait une échappatoire possible à un quotidien sans grandes marges de manœuvres à mon âge. Donc, ce roman, c’était quelque part l’espérance. Mais une espérance suspendue à l’époque. J’étais coincée entre ce premier manuscrit et le prochain, sans impulsion pour le terminer ou le ranger dans un tiroir. Alors le temps a passé…

 

Au cours d’une discussion avec Benjamin de Playlist Society, je lui ai expliqué cette paralysie qui était au bord de se transformer en frustration. Il m’a proposé de le lire et de me donner son avis. J’ai retiré tout ce que j’avais rajouté, corrigé en profondeur les chapitres et je suis arrivée à un roman, à mes yeux, terminé. Benjamin a fait un remarquable travail de correction, tant d’orthographe que de grammaire que de concordance de temps et m’a dit que, pour lui, ça fonctionnait. Céline me consacra du temps également pour finaliser les coquilles. On en était presque à l’œuvre collective ☺

 

La semaine qui a suivi le week-end où nous avons terminé tout ce travail, j’ai été contactée par une éditrice (un grand merci à Isabelle Germain et à François Soulabaille d’ailleurs). Elle l’a lu et l’a fait lire à un ami/collègue pour se conforter dans son avis. L’éditrice m’a dit que c’était très bien écrit mais que le personnage principal n’était pas assez confronté à d’autres, on n’avait que son point de vue. Par ailleurs, il n’y avait pas vraiment d’histoire – c’est un « huit-clos » donc c’est vrai qu’il y a peu d’évolution finalement – et que de toute manière, cela ne correspondait pas à la ligne éditoriale de la maison pour laquelle elle travaillait. Le retour de son collègue que je caricature fut le suivant : passages parfois très touchants mais les allers retours dans le temps sont chiants et la conclusion à chier.

 

L’éditrice m’a quand même suggérée de l’envoyer à d’autres maisons d’éditions, ce que j’ai fait (c’était avant d’avoir le second retour). Là, j’attends de me faire encore cartonner la tronche… ☺

 

Le truc, c’est que là, je tremble un peu sur mes bases. Et si je n’étais qu’une blogueuse ? Et mieux, pourquoi l’enchaînement est-il logique à ce point-là : t’écris sur un blog des fictions, la question du roman se pose inévitablement. Et pourtant, j’ai toujours coutume de dire qu’une bonne blogueuse ne fait pas fatalement un bon romancier, loin de là.

 

Et l’autre truc, c’est que je sais pertinemment que ça me fait le plus grand bien de me faire cartonner. Si « j’ai mal » aujourd’hui, c’est aussi une question d’orgueil. Un orgueil démesuré… Et c’est bien pour ça que je publie ce texte (enfin, je ne sais pas trop ce que c’est).

 

Je réfléchis à clavier haut : Être publié, ça rime à quoi ? Gagner de l’argent ? Non, ça on oublie, personne ne gagne vraiment d’argent en publiant un livre. La reconnaissance ? Certes. Mais je l’ai déjà dans une moindre mesure, si ce n’est par milliers, ça se compte en centaines. Alors, ça rime à quoi au juste ? Qu’est-ce que je cherche exactement ?

 

Pourquoi je n’arrive pas à me satisfaire de ce que j’ai ? Après tout, c’est déjà pas mal d’être une blogueuse et une twittos un chouia reconnue. Mais non, il m’en faut toujours plus. Présentement, je suis coincée dans un no man’s land où je manque de courage quelle que soit l’issue : entamer l’écriture d’un second roman avec cette peur maintenant de me faire encore cartonner. Je ne suis plus aussi fraîche qu’avant :p ; ou renoncer définitivement à l’idée d’écrire et me contenter du blog.

 

Je déteste ces entre-deux, ça me rend très malheureuse en général. Je vais rebondir évidemment. Je vais trancher évidemment. Mais en filigrane, si je suis vraiment honnête, il se passe autre chose, quelque chose qui a tout à voir avec « il ne se passe plus rien » justement. Car ce qui me fait flipper comme une bête c’est cette idée démentielle qu’il ne se passera plus rien dorénavant. Enfin, rien de spectaculaire. Ca a probablement à voir avec la crise de la quarantaine hein, je ne suis pas non plus complètement à côté de mes pompes.

 

Donc voilà, il se passe quoi maintenant ? Rien ? Voilà, j’ai ma petite vie de mère célibataire, salariée, les potes et les petites histoires de chacun, mon blog et ses petits textes, une éventuelle énième histoire d’amour et c’est tout ? Je veux bien mais il va falloir juste me laisser m’habituer, si tant est que j’y arrive ou que je ne trouve pas autre chose.

 

Rien ne peut m’empêcher d’écrire. Un roman, c’est long, c’est fastidieux. Cela n’a rien à voir avec le fait de pondre un billet. Il faut une structure, penser au lecteur et à soi simultanément. Si j’en crois les retours de ces professionnels et si j’en crois ce qui marche sur ce blog, je ne suis pas sûre d’aimer écrire ce que les gens apprécient ou alors par accident. Ca pose question, non ?

 

Quand je regarde les billets qui cartonnent, ce sont ceux qui m’ont pris le moins de temps, le moins d’énergie, quelque chose de très facile. C’est très pulsionnel et ça me prend à peu près trente minutes (Je pense au « paradis des kits kats » ou aux « chiens perdus »). Est-ce que j’ai le syndrome de l’escroc ? A savoir que si je n’en chie pas un minimum sur un texte, il ne vaut pas grand chose ?

 

Pourquoi j’écris ce billet ? Parce que j’espère que la magie s’opèrera à nouveau, le fameux processus d’élimination. J’espère qu’une fois que j’aurais mis ça sur la table ( je ne cherche absolument pas à me faire rassurer, je tiens à être très claire sur la démarche, ce n’est pas ça qui est intéressant), oui, j’espère qu’une fois que j’aurais appuyé sur le bouton « publier », j’aurais vidé mon sac et que je pourrais commencer à envisager les choses autrement.

 

Mais quoi qu’il en soit, l’angoisse latente qui se noue au creux de mon estomac, c’est de n’être rien d’autre que ce que je suis socialement en ce moment. Encore une fois, il ne s’agit ni de pouvoir, ni de célébrité ni de pognon, il s’agit de partir en ayant accompli autre chose que ce que l’on attend généralement de vous. Et oui, il s’agit aussi de mon orgueil démesuré.

 

La vie est un entonnoir ; au départ c’est très large, on se cogne contre les bords mais les choix sont grands. Et puis le temps passe inexorablement, et l’entonnoir se rétrécit. Si l’on se laisse faire, l’on glisse le long des parois sans heurts et sans mal. Mais si on se débat pour tenter de remonter, on finit par se retrouver coincé. C’est cette sensation que j’ai. Je suis dans le tube sans possibilité de remonter et refusant catégoriquement de descendre.

 

Ca sert à quoi cette chute inévitable sans grandes espérances ?