Margaret Thatcher : la Lilith du XXème siècle…

9 avril 2013 11 Par Catnatt

 

Margaret Thatcher est morte et entre ceux qui s’étonnent que ce n’était pas déjà le cas et ceux qui dansent et boivent du champagne sur son cadavre, il y a du monde pour sortir des énormités.

 

Postulat de départ : je n’aime pas Margaret Thatcher. Je n’aime pas ses idées, je n’aime pas ses méthodes, je n’aime pas son entêtement, je n’aime pas son inflexibilité, en bref, je n’aime rien chez cette femme. Mais depuis hier, il y a quand même quelque chose qui me gêne.

 

A en croire tout ce que je lis, n’importe quel ado pourrait croire que Margaret Thatcher était une dictatrice régnant sans partage sur le Royaume-Uni et sur l’Europe entre 1979 et 1990. On est à la limite de la junte militaire. Notez que ça ne la dérangeait pas (voir Pinochet) mais en l’espèce, Margaret Thatcher n’a jamais volé le pouvoir. Elle a été élue à trois reprises sur un programme et les chambres des représentants ont été libres de voter contre ou pour ses propositions de loi. En Europe, que je sache, elle n’était pas toute seule aussi. C’est fou comme c’est pratique de faire porter le chapeau à UNE SEULE personne en dédouanant le les autres. Le TINA, there is no alternative, imposé à tous, le Royaume-Uni, l’Europe et allez pendant qu’on y est, le monde entier, c’est de sa faute. A elle, toute seule. Whaaw… Trop fort…Si c’est le cas, je ne sais pas à qui il faut en vouloir finalement : la volonté de fer de cette femme ou la lâcheté des autres, hein… De fait, quand les conservateurs ont voulu la lâcher, ça était relativement simple, non ?

 

Sur L’IRA, on peut en parler aussi. Ce n’est pas Margaret Thatcher qui leur a fait perdre le statut de prisonnier politique, c’était déjà le cas quand elle est arrivée au pouvoir. Ce que je veux dire, c’est que si elle est bel et bien responsable de la mort des grévistes de la faim, on oublie quand même souvent qu’elle n’a été que l’héritière d’une situation explosive.

 

Pareil quand on évoque la suppression de la livraison de lait aux enfants de 6 à 11 ans. C’est vrai mais on oublie également qu’elle fit voter en même temps une augmentation des crédits dédiés à l’éducation.En bref, il est extrêmement compliqué de trouver de l’objectivité dès qu’on parle d’elle. Ca part en cacahuète systématiquement.

 

Lorsqu’on voit les tweets et statuts facebook sur Thatcher, j’ai quand même la sensation que ce qu’on ne lui pardonne pas au fond, c’est d’avoir été « dure » et… une femme. Actuellement, David Cameron est en train de pratiquer une politique de rigueur au Royaume-Uni. Je doute qu’il existe une playlist dans vingt ans pour lui en foutre plein la tronche. D’ailleurs, je n’arrive plus à retrouver cette phrase dans le Monde datant d’hier qui disait : « Les cercles d’artistes et d’intellectuels seront très largement hostiles à celle que beaucoup, sans la nommer, désigneront d’un « Cette femme ! ». Comme quoi, la haine inspire surtout en musique….

 

Je me trompe peut-être mais je ne vois aucun chef de gouvernement élu démocratiquement s’en prendre autant plein la gueule que Margaret Thatcher depuis trente ans. C’est absolument dingue. Si on pousse le curseur un peu plus loin, le néo-libéralisme sauvage n’aurait jamais existé sans elle. Tout simplement. Je rigole ou bien ? C’est tellement pratique de pouvoir dédouaner ses responsables politiques sur le dos d’un autre, hein… Si tu en crois certains Français, c’est comme si Margaret Thatcher avait été responsable de la politique d’austérité dans notre pays. Comme si nous avions vécu les mises à sac du service public anglais. Je ne savais pas qu’elle dirigeait la France pendant la fin du XXème siècle ^^.

 

Le Monde dit « c’était une nymphomane de la politique »…. C’est ahurissant de se permettre d’écrire un truc pareil. Jamais on ne l’aurait écrit pour un homme. (Et pour cause, vous me direz)

 

C’était surtout la première femme à diriger un état démocratique occidental. Apparemment, les gens s’attendaient à autre chose. « Elle croit ce qu’elle dit, elle dit ce qu’elle pense… C’est effrayant », observe un de ses amis ». Ca en dit long, non ? Elle avait ses idées qu’on soit d’accord avec elle ou pas, elle n’a pas joué les girouettes avec, on peut lui reconnaître ça. Si les anglais ont été assez cons pour rempiler avec elle une deuxième fois, puis une troisième fois, en dépit des décisions prises, que voulez-vous que je vous dise, c’est leur problème. (Pour rappel « Les électeurs britanniques lui donnèrent la majorité à trois reprises, lui confiant le plus long mandat de Premier ministre au Royaume-Uni depuis le XVIIIe siècle » Wikipédia. On ne peut pas dire qu’il y ait de malentendu à ce sujet). Trois fois, ce n’est plus de l’ordre de l’accident. La preuve, nous, il a fallu seulement une fois avec Sarkozy pour nous calmer :p. Alors, si ce n’est un accident, c’est une volonté et cette volonté elle vient du peuple. (Après on peut toujours discuter les pourcentages, mais là c’est une réforme politique qu’il faut, pas s’en prendre à elle).

 

Il y a avec Margaret Thatcher, une espèce de fantasme de toute puissance qui accompagne. Cette femme représente l’enfer, un enfer tout puissant qui écrase les petits et encense les grands. LA femme machiavélique, cruelle et manipulatrice. Cela va au-delà d’elle. D’ailleurs Melenchon (comme disait quelqu’un sur facebook, la culture judéo-chrétienne a finalement de beaux jours devant elle…) le lui a promis dans son énième tribune d’hier : l’enfer. Curieux comme cette femme fait basculer dans l’irrationnel.

 

Elle est Lilith, « fille et double du Diable ».

 

Je ne sous estime pas les dégâts qu’elle a causés. Mais elle ne les a pas fait toute seule. Des hommes politiques l’ont accompagnée, un peuple aussi. Je trouve ça super facile de tout lui foutre sur le dos. D’autant qu’on ne lui a pas fait de cadeaux : milieu populaire, femme, elle a dû se battre pour en arriver là où elle en est arrivée. Je déteste les choix politiques, je reste admirative du parcours.

 

Et on peut m’expliquer ce qu’on veut, ce délire collectif haineux trouve sa mèche sur le fait que c’était une femme et qu’elle ne s’est pas comportée politiquement comme telle. Si ce n’est du sexisme, je ne sais pas ce que c’est alors…

 

Finalement un éditorialiste a parfaitement résumé « en une formule le clivage créé à tout jamais par Margaret Thatcher dans la société britannique :

 

Personne ne devrait danser sur sa tombe, mais elle ne mérite pas plus de funérailles nationales.

 

MAJ de 12h38On me dit sur twitter « On hait Thatcher comme je hais Bush Junior et Reagan : ils ont été réélus mais c’est pas pour autant qu’il faut les estimer. »

 

Ce à quoi j’ai envie de répondre : étant donné qu’ils n’ont pas été réélus par l’opération du saint esprit, j’ai tendance à penser que ce n’est peut-être pas eux qu’il faut haïr mais ceux et celles qui leur ont redonné le pouvoir… Il s’agirait de pas se tromper dans les responsabilités. Pour des gens qui ont à coeur les intérêts du peuple, ce serait bien de respecter parfois leur vote même quand ça ne nous arrange pas. Pour autant, il me semble que Thatcher a quand même droit à un traitement de faveur : que je sache on n’a pas assisté à la sortie d’une playlist pour fêter la mort de Reagan ou de Bush (du moins pas encore pour celui-ci). C’est à des signes de ce genre-là que je persiste et je signe : La haine envers Margaret Thatcher est entachée de sexisme, que cela vous plaise ou non.

 

MAJ Je n’avais pas vu la Une de Libé, jamais en reste… Elle n’est pas Lilith, elle est carrément la mort ^^

 

 

 

 

 

Un grand merci à Blogorom qui est celui qui m’a corrigée sur mon erreur: c’était trois mandats et pas deux, ce qui m’a permis de compléter le billet.

Le Monde

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