Je hais Edith Piaf

14 juin 2010 Non Par Catnatt

 

Une des plus belles escroqueries musicales du XXème siècle. À ce titre, j’éprouve une certaine forme de respect mais je crois qu’il est largement temps de remettre les choses à leur place.

 

Tout est dans le pathos, dans cette histoire d’amour entre Edith Piaf et le monde. Si je me place du strict point de vue de la voix, le petit fond nasillard est exaspérant, cette insupportable manie de rouler les rrr « noooon, rrrrrrrrrien de rrrrrrrrrien » me donne juste envie de la balancer par la fenêtre. « Il fait si frrrroid dehôôôrs milôôôôôrd »… Les « ô » pointus me pousseraient à l’étrangler sur place. Les « â » poussés jusqu’à la nausée m’inciteraient à lui arracher les ongles.

 

Tais-toi et bois ton verre en silence, par pitié !

 

Je n’ai jamais supporté Edith Piaf, ni petite ni adulte. Tout est surjoué. Tout est basé sur une espèce de téléréalité, la môme maltraitée par la vie qui est juste devenue une femme à l’égo monstrueux, a bouffé tout le monde sur son passage, et justifiait tout en disant « ha mais je suis malheureuse ». J’ai envie de te dire Edith, il n’y avait pas que toi.

 

Le pire à mon sens ? On aime Edith Piaf pour ses chansons… Bon, en passant qu’elle n’a pas toutes écrites loin de là, oui, pour ses chansons d’amour désespérées qui n’ont jamais été vraiment sa réalité (Excepté Marcel Cerdan qui a eu le mauvais goût de mourir avant qu’elle ne l’essore, quel salop).

 

Je lui accorde une enfance malheureuse. Mais elle en a fait son fonds de commerce. Avant même qu’elle n’ouvre la bouche, on est dans l’empathie. Non. On se noie, on s’asphyxie, on plonge, on est submergé par et dans l’empathie.

 

Edith Piaf, oui, ce n’est pas une question de talent. Oui, c’est une mécanique de téléréalité avant l’heure. Prenez la même voix, collez-la à une jeune fille de bonne famille épanouie, échec cuisant garanti. Il faut du drame, du mélodrame, du sang, des larmes et de la fureur.

 

On n’aime pas le talent chez Edith Piaf. On aime la légende. Le public se roule dedans, poussé par des méthodes de communication d’avant l’heure. La petite robe noire pour bien accentuer le côté petite veuve dans le malheur. Les grands yeux écarquillés par la souffrance au cas où t’aurais pas bien compris que la vie est une chiennasse ( sa vie d’adulte a été plutôt cool, soit dit en passant) et les mains collées sur la taille qui se crispent dans un tourment sans fin.

CECI EST UN MESSAGE A CARACTERE INFORMATIF : « J’en chie à mort, je répète, j’en chie à môôôôrrrrrt » (Pour la peine, vous aurez droit à un roulage de r en bonne et due forme et un ô pointu dans toute sa splendeur).

 

En parlant de son fameux effet d’œil, vous savez le regard bleu dévoré par la souffrance qu’elle a tellement mal au fin-fond-de-son-dedans-de-son-soi-même-qui-souffre-tant, vous savez qu’en fait c’est juste une bonne grosse pupille dilatée, hein ? Je note que fin 60, la France bien pensante s’offusque des frasques de ces « sales drogués de hippies », Jimmy Hendrix, Jim Morrison sont le mal, tout en achetant allègrement les disques de la plus grande toxico française de service … Cette chère Edith. Isn’t it ironic ?

 

J’ai même envie de vous confier une anecdote pour la peine. Son nom de scène, ça n’a jamais été Edith Piaf. C’est une contre-vérité historique. (J’aime bien cette expression, ça faisait un moment que je voulais la placer. Ca, c’est fait.) En vérité, je vous le dis, les amis, son vrai nom, c’est Edith Paf. Ouais. « Une erreur s’est glissée dans cette image ». Paf, comme toutes les baffes que j’ai envie de lui coller quand j’ai le malheur de la croiser. Ou comme « PAF ! Le chien… » qui aurait dû être son destin si j’en avais été le maître.

 

Même quand les chansons sont gaies, elle gangrène tout avec sa mélancolie surfaite. Edith Piaf, c’est la plus grande des voleuses sans être un gentleman. Quand je la vois, j’assiste au pire : le vol à l’arrachée des sentiments, le hold-up d’émotions. Sa voix en soi ne me touche pas. Un cambriolage comme un bel exercice de marketing avant l’heure, une image soigneusement mise au point. Et le monde s’est laissé dépouiller.

 

Et il continue.

 

Pourquoi cela a fonctionné ? Parce que pour durer comme ça, il faut un égo surdimensionné.

Si nous étions capables de discerner ça au lieu de nous laisser baiser la gueule comme des demeurés, nous verrions quoi ? Un chantage affectif qui a duré 30 ans. « Aimez-moi, aimez-moi ou je vais en crever … Non pas toi Catnatt, t’es capable d’arracher les fils, ce fil ténu qui me retient à la vie et qui me permet de faire des concerts catastrophiques à la fin… »

 

Edith Piaf a fait croire à la planète entière qu’elle était vivante grâce à elle. Moi, je dis que c’est le genre de bête increvable qui enterre tout le monde.

 

Cocteau, avec lequel Édith entretenait une correspondance suivie, apprenant la nouvelle de sa mort, a dit : « C’est le bateau qui achève de couler. C’est ma dernière journée sur cette terre ». Il a ajouté : « Je n’ai jamais connu d’être moins économe de son âme. Elle ne la dépensait pas, elle la prodiguait, elle en jetait l’or par les fenêtres », avant de mourir lui-même (Source wikipedia)

 

Je dis pfff. Je dis « Je n’ai jamais connu d’être moins économe de son narcissisme. Elle ne le dépensait pas, elle le prodiguait, elle jetait sa merde par la fenêtre et arrosait tout le monde avec »

Moi, c’est pas mon truc. Je ne suis pas scatophile, désolée.