Au revoir Papa (Il Clan Dei Siciliani)
Ceci est le discours que j’ai lu aux funérailles de mon père.

Bonjour à toutes & tous.
D’abord un immense merci d’être parmi nous pour accompagner Serge.
Serge parce que si nous sommes 3 à l’appeler Papa, s’ils sont 8 à l’appeler Nono, nombreux sont celles et ceux à l’appeler Serge : frère, oncle, cousin, cousine, amis, tant d’amis…
Nombreux sont celles et ceux qui éprouvaient une affection envers Serge.
Un immense merci à son image : Serge était immense, un être plus grand que la vie, un personnage de film, de roman, inoubliable. Inoubliable et Immense comme ses forces et ses faiblesses.
J’aimerais commencer ce discours par un poème qu’il a écrit en 2013 :
J’aurais tant voulu qu’on me donne
réponse à toutes mes questions
que ma vie ne soit pas brouillonne
et fermée comme une prison
Mais je n’ai que des silences
et maintenant qu’il est trop tard
plus j’y pense et plus j’y repense
je me retrouve dans le noir
J’aurais tant voulu que mon père
se mêle un peu plus de ma vie
mais je n’ai eu que des mystères
sans savoir qui je suis
Alors j’ai fait tout seul ma route
plutôt mal au début et puis
j’ai fini par chasser mes doutes
pour devenir ce que je suis.
Papa, ta sensibilité finalement nous l’avons découvert sur le tard. L’année et demi qui vient de s’écouler et où tu étais près de nous a servi à ça finalement : tu t’autorisais enfin à pleurer, à t’exprimer, à ressentir.
J’aimerais rendre hommage à ma soeur Helene qui a fait preuve d’un dévouement extraordinaire pendant cette période si particulière. Papa, tu étais surpris que nous soyons près de toi comme si tu pensais que l’amour que nous te portions était uniquement lié à ta force.
L’amour que nous te portons est bien au delà de ça.
Helene était près de toi tous les jours te portant soin et affection. Elle n’a pas hésité une seule seconde et vous avez passé un an et demi main dans la main.
Par un paradoxe que seule la vie peut créer, nous aussi avons tous les deux passé un an et demi en tête à tête. C’était à la mort de Maman.
Nous nous sommes retrouvées face à face. Nous nous sommes fait du mal, nous avons ri, tellement ri. Nous nous sommes tant aimés. Nous nous sommes débrouillés, orphelins de notre ancienne vie. Nous nous sommes choisis comme bouc emissaires de ce deuil impossible. Nous avons été complices et solidaires ; une solidarité de gens qui ont été ravagés par un chagrin commun.
Je me souviens que j’ai essuyé les plâtres de ton démarrage de carrière en tant que cuisinier. Je me souviens que nous faisions rouler les boites de conserve dans les rayons du supermarché parce qu’on avait la flemme de faire des allers retours. Je me souviens que tu me surnommais Kissinger non pas parce que je faisais la politique des petits pas comme ce grand economiste américain, mais plutôt la politique des petits tas dans ma chambre (des tas de bordel en fait ).
Je me souviens que tu m’as fait peur.
Je me souviens de ton désarroi face à moi.
Je me souviens de mon désarroi face à toi.
Je me souviens de tout.
Mais de cette année et demi passée en tête à tête reste aussi une relation particulière. Je n’ai jamais douté de ton amour. J’ai passé des années à te dire je t’aime car je savais que tu doutais toujours ; ta plus grande fragilité.
Je crois que parce que tes parents ne te l’ont jamais montré ou maladroitement, tu doutais toujours qu’on t’aime. Tu doutais toujours d’être aimable, aimable dans le sens « qui mérite d’être aimé ».
Mais Papa avec tous tes défauts, tu répondais toujours présent quand ça bardait dans nos vies. Tu étais là comme un roc sur lequel on pouvait s’appuyer. Certes tu ne faisais pas dans la psychologie, mais tu étais d’une fiabilité à toutes épreuves quand on avait besoin de toi.
Je lie étroitement mon humanité à ma capacité à aimer et ce lien suppose Intimité et incondionnalité. Tu avais du mal avec les deux.
Je t’aime inconditionnellement.
Je crois que c’est pour ça aussi que la foi était si importante pr toi. L’amour inconditionnel de Dieu. Cela te semblait tellement extra-ordinaire qu’on puisse t’aimer sans conditions. Nous avions cela aussi en commun : une foi chevillée au coeur, toi plutôt ancien testament, moi plutôt nouveau. Souvent je te rappelais l’essentiel : ce ne sont pas les rituels qui sont importants, c’est d’abord et avant tout ce que nous avons dans le coeur.
Tu as été le père que tu as pu être. On ne t’avait pas appris à faire de câlins, à raconter des histoires, à dire je t’aime. Mais tu as été un grand père et un arrière grand père formidable. Je vois un tel attachement pour toi dans les yeux de mes enfants.
Stephanie, Harold, Charlotte, Baptiste, Andrea, Arthur, Vadim et Nathan. Avec chacun et chacune d’entre eux tu partages quelque chose : la droiture et la rigueur, la créativité et l’artistique, la sensibilité et l’humour. Lorqu’on est un Catanzano, on partage des traits de visage et un caractère bien trempé. On porte l’amour de la bonne chère, l’humour noir et surtout le sud, ce sud qui coule dans nos veines.
Tu as été un ami formidable. Ta joie immense quand tu as retrouvé tes amis du pic ! Tes reprises de chansons écrites comme une blague à tes amis, tes yeux qui brillent quand tu nous parlais de Seb, de Dano et tous les autres. Ta culture immense. Tu te souvenais encore de ton latin. Ton adolescence entre rugby et jésuites. Madagascar. Le retour en France. Tu culture impériale de l’apéro. Ton amour absolu de la musique. Les déjeuners avec Antoine et Joe, Françoise ta petite nièce que tu adorais et ton frère que tu aimais autant. Les visites à la famille Catanzano, si chaleureuse et si gentille.
Une pensée particulière pour Fifi.
Chaque été je venais en vacances, je me levais tôt et tu étais déjà en train de cuisiner. Ça sentait les oignons et la tomate, « Nathalie on met toujours un sucre quand on cuisine avec la tomate,hein ? Tu le sais ?! Oui papa ! »
On va quand même évoquer ta mauvaise foi légendaire…Ta mauvaise foi quand on jouait aux cartes. Ta mauvaise foi quand tu te plantais sur les dates d’anniversaire invoquant des raisons absurdes pour justifier. Nous saluons ta performance de cette année où tu as enfin réussi à fêter l’anniversaire d’Helene le bon jour ! Ta mauvaise foi quand tu cherchais un truc et que tu réalisais que c’était toi qui l’avais mal rangé.
Ta silhouette massive quand je descends du train et que je fonce dans tes bras, tes beaux cheveux blancs, tes yeux verts encore pétillants de vie, tes bras qui se referment sur moi et ton odeur…
Je cherche souvent l’odeur de maman, mélange de Shalimar et de Clarins, l’été au bord de la mer.
Je cherche aussi dorénavant la tienne, mélange d’Habit Rouge et de romarin, l’été dans le jardin.
Vous êtes enfin réunis et je pense aussi à la discussion à bâtons rompus que vous devez avoir en ce moment. Les retrouvailles avec ton père et ta mère. Les retrouvailles avec Paulette notre tante.
Papa tu es parti en paix et c’est bien là l’essentiel. Dieu, Jesus, Marie auxquels tu tenais tant t’ont accueilli.
Pour conclure je vais vous lire un poème écrit par Serge, notre père, grand père, arrière grand pere, frère, oncle et cousin.
Il avait 93 ans
Il n’avait plus beaucoup de dents
Dans sa mâchoire
Il s’avançait en titubant
La goutte au nez, l’air pas méchant
Sans fair’ d’histoire
La prostate bien rabotée
Le tour de rein un peu cassé
Mais la cervelle bien calée
Les idées toujours bien placées
Il avait 93 ansEt se rappelait bien souvent
L’adolescence
Le Pic les amis le rugby
Les copines du samedi
L’insouciance
Il aurait bien voulu chanter
Quelques vieux airs du temps passé
D’une voix douce
Mais elle était bien éraillée
Un peu grinçante et très cassée
Presqu’aigre-douce
Il mit de l’ordre à ses cheveux
Reprit sa canne l’air heureux
Comm’ d’habitude
Il est parti dans le lointain
Dans le soleil d’un beau matin
Plein de quiétude
Il avait trouvé simplement
Le bonheur des 93 ans
Au revoir Papa
Je danserai éternellement avec toi sur Il clan Dei Sicialiani