Chère Eva Joly

24 novembre 2011 9 Par Catnatt

 

Chère Eva Joly,

 

Je me demande comment vous allez après une journée pareille ? Défendre vos convictions le matin, vous faire recadrer et rentrer dans le rang le soir venu… Une fois assise chez vous, qu’est-ce qui vous traverse l’esprit ? Cette présidentielle va vous coûter combien au juste ? N’est-ce pas trop cher payé ?

 

Avez-vous vu « The Wire » ? Je reste obsédée par cette série qui me marquera durablement. La relation au pouvoir ; toxique, forcément toxique. On n’en sort jamais indemne. Ce n’est pas tellement le « tous pourris » qui est en jeu. C’est plutôt « le pouvoir pourrit ». Ne nous leurrons pas, je dirais que 98% d’entre nous, accédant au même niveau agiraient exactement de la même façon, c’est bien trop facile de sombrer dans le discours pauvre du Front National. Ce dont il s’agit c’est que le pouvoir compromet fatalement. Regardez François Hollande. Pas pire qu’un autre. Mais deux hypothèses s’offraient à nous. La première, François Hollande, pris dans les enjeux de la Présidentielle n’était pas au courant de la disparition du fameux paragraphe. Areva a contacté son appareil politique, a fait pression et le dit appareil politique s’est exécuté rayant le Mox de l’accord. La seconde, François Hollande était parfaitement affranchi.

 

Dans les deux cas, c’est prodigieusement choquant. Si on reporte à l’exercice gouvernemental, François Hollande va donc être un Président qui ne sera au courant de rien. Ou un Président qui n’a aucune parole et se laisse influencer par les lobbies. Je cache ma joie.

 

Rappelez-vous Eva ! Il faut être contre Sarkozy. Vous n’avez pas suffisamment appris votre leçon. Il va falloir quand même m’expliquer au nom de quoi je devrais avaler les couleuvres des méthodes que notre ennemi commun ne renierait pas ?

 

On finit par rentrer dans une logique de bouc émissaire. C’est étrange de faire de la politique ainsi. Croit-on si facilement qu’une fois Sarkozy battu, le système va miraculeusement changer ? Sarkozy n’est qu’un pur produit issu de la société française. Il a été voulu, fabriqué par son époque. Par nous. Ne devrait-on pas prendre nos responsabilités ? Et de fait, faire de la politique autrement ? Aller contre l’air du temps ? Mais non, nous voulons abattre l’incarnation de notre système en pensant qu’un symbole fera plier le monde.

 

Illusoire.

 

Ce matin, tout le petit monde d’EELV est soulagé. « On » va mieux encadrer votre discours. Cécile Duflot dit * : «On a la volonté de faire vivre une dimension collective et de mettre en oeuvre une ligne politique qui est double (….). » Nous avions remarqué… Vous pourrez évidemment compter sur Yannick Jadot pendant la campagne. Comme dit Dominique Voynet, avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis.

 

Je vous assure, vous devriez regarder « The Wire ». Parce que quoi qu’il arrive, à la fin de cette présidentielle, vous serez seule responsable des chiffres, le reste de EELV, apparemment plus ou moins obsédé par un poste de ministre ou de député, s’en lavera les mains. Alors, je ne suis pas une enfant de chœur, on ne fait pas de politique sans casser des œufs, mais où place-t-on la limite ? A quel moment, votre intégrité sera-t-elle atteinte ? Le nucléaire fait partie des fondamentaux écologistes, ce me semble.

 

Martine Aubry et Cécile Duflot font leur tambouille et, regardons les choses en face, nous nageons en pleine démocratie des partis, les candidats faisant figure de marionnettes au milieu de tout ce bordel. Alleluia, les guignols se sont incarnés !

 

8 mois seulement après Fukushima, la sortie du nucléaire n’est plus si fondamentale pour les écologistes. Battre Sarkozy est plus important que de se positionner par rapport à ça. Renflouer les caisses est plus important. « On n’échappe pas au verdict du tiroir-caisse », ironise Le Canard. (source ici) Si c’était pour en arriver là, franchement il valait mieux renoncer à la Présidentielle. Car, pour l’instant, nous assistons à l’amorce du mouvement qui part du compromis pour arriver à la compromission ;  mouvement léger, quasi indolore, irréversible.

 

A votre place chère Eva Joly, je m’en irais. Vous ne me donnez pas l’impression d’être une femme dont « on » tire les ficelles. A l’allure où ça va, vos convictions seront poussière dans six mois.

 

Alors, que vous restera-t-il après ?

 

« Can I preach like i feel ? » … (The Wire)

 

 

 

* La citation entière de Cécile Duflot : « On a la volonté de faire vivre une dimension collective et de mettre en oeuvre une ligne politique qui est double : assumer et vouloir un rassemblement avec la gauche à la suite de l’accord parlementaire avec le PS et porter au côté d’Eva Joly, tous ensemble, la parole écologiste dans le cadre de la présidentielle. »