Meet Louis-Ronan Choisy

4 juin 2010 2 Par Catnatt

 

Auteur non identifié

 

« Je suis là mais pas au centre… Centre de gravité perdu »

 

La voix, l’allure, tout est délicat chez Louis. Une grâce un peu lasse. Il sourit souvent, rit plus rarement. Interview subjective particulière, car sans être un ami, même sans être un pote, je le connais. J’ai eu des échanges, des dialogues. Louis tout court, qui s’est comme rhabillé pour devenir ou redevenir Louis-Ronan Choisy.

 

Sa tête penchée quand il vous écoute. Le regard bleu intelligent. Il a des attitudes comme s’il flânait en permanence, plus préoccupé par ce qu’il y a là-haut qu’ici-bas. Sur cette terre. Je le perçois comme un grand rêveur. Il écrit tout le temps, compose tout le temps. Accumulant des chutes et des futurs.

 

4ème album. Le précédent sombre et tourmenté posait indiciblement la question angoissante de l’avenir. La réponse est venue dans une certaine spiritualité. Tout du moins à la recherche. À la recherche du temps perdu, d’une réponse, ou juste un peu plus de lumière. Oui, des jeux d’ombre et de lumière comme dans les peintures qui l’inspirent. Gerico, Turner, Gaspard David Friedrich, évidemment, héros d’une chanson.

 

Louis s’est apaisé. Il nous chante l’eau, des éléments féminins, des doutes, des morceaux de paradis, le temps qui file, l’enfer qui s’étire, les saisons, les anges et les démons.

 

Il nous chante « le carrousel des papillons qui s’envolent ». Le « sifflement du dernier train », quand il ira voir Dieu. La première chanson comme une synthèse, la quintessence de sa quête au sein de son album, comme un au revoir en introduction. Pas croyant, pas vraiment de divinité, mais juste un peu plus de spiritualité.

 

Il nous chante la houle, quelque chose de magmatique, l’eau. « Juste quelques mots. Juste avant l’orage ». J’adore le sifflement dans cette chanson, une ambiance particulière, comme deux protagonistes avant le duel final. « Juste avant l’orage ».

 

Il nous chante sa solitude quand il était veilleur de nuit, cette sensation d’être au milieu de nulle part où l’on finit par douter de sa propre existence. «L’homme de cire caresse la nuque de sa petite mappemonde. L’homme de cire qu’on écoute à la ronde. ». Fondre, tout se délite. « 20h04. Évaporé dans une flaque, peut-être irais-je droit au paradis mais j’irai tout en vrac, le cœur coincé, désarticulé au bord d’un lac ».

 

Il nous chante la perte de repères, se perdre dans les rues, chose qui lui arrive souvent. J’aime les gens qui se perdent… Je trouve que cela a quelque chose de très touchant. Une absence de prise sur la réalité. « Et je longe les bords de la Tamise. La mélancolie, fille anglaise ». Toujours attentif aux consonnes, des L, des N, des J, il dit que si la syllabe donne la couleur, la consonne donne le rythme. « Au silence brûlant, au vestige d’août languissant, j’écoute tes nuits blanches… Paris sonne un long dimanche ».

 

Il nous chante « J’avais cru pouvoir me rêver dans un corps à corps enlacé. Au crépuscuscule entre ses mains. Respirer enfin », jolie mélodie tout en accords majeurs. L’amour sonne toujours comme une délivrance chez Louis. « Quand viendra la fin du tango… » Une délivrance qui tourne à la désolation, s’embourbe mais revient toujours.

 

Il nous chante des accords diminués, intermédiaires pour la chanson comme une colonne vertébrale. « Caspar David Friedrich » « Ce soir, mon corps est un fleuve, une ombre grise portée par le vent. Mon cœur prend l’eau et je sombre. Pavillon haut dans une bouche d’ombre … » Comme la colonne vertébrale de l’album, autour de laquelle tout s’articule, une problématique énoncée, le reste n’est que déclinaison, « Je dois me donner à ce qui m’entoure, m’unir aux nuages et aux rochers, pour être ce que je suis. J’ai besoin de la solitude pour parler avec la nature. J’aime la nature qui s’affiche. Moi : Caspar David Friedrich. »

 

Il nous chante « Le Refuge ». Le film de François Ozon dans lequel il a joué. Il me dit que ce fut très compliqué à écrire. Une berceuse. Il me dit qu’observer Ozon travailler fut enrichissant. Apaisant. Il s’est exposé, ce n’est pas son métier d’être acteur. « Des marchands de sable qui marchent dans la brume »

 

Il nous chante Orphée, le mythe et le funambule. J’aurais pu copier intégralement les paroles. « Un funambule, un mot à sa bouche et rien d’autre entre ses mains. Une corde qui va du sol au ciel. Un funambule sur le pavé des orphelins », la guitare accompagnant la descente aux enfers. Probablement la plus belle chanson de l’album. Il a quelque chose, comme un équilibriste, éternel saltimbanque, lui qui se définit comme un artisan de la chanson. Il ne prétend rien. Il aime juste la musique, l’écrire, la composer.

 

Il nous chante le mépris. Morceau glaçant. « Quand tu me dis que tu pourrais faire pour moi descendre les étoiles… Les faire briller sur mes lèvres, n’est-ce pas vrai mais hélas…. Tes larmes tombent dans la glace, tu cours dans une impasse. Tu ne vois donc pas. Quand tu me sers fort contre toi… De l’air. » Elle est terrible cette chanson. Terrifiante. Surtout avec cette voix nonchalante. Des mots assassins. La chair au milieu. Malsain. La guitare grave. Je sais. Je sais ce sentiment écoeurant.

 

Il nous chante l’espoir, la gaieté des amoureux du printemps. « Ton sourire. Mon soupir. Contre ta peau… je respire ».

 

Il nous chante une spéculation sur la création. « La rencontre ». Le piano léger, aérien au début. La chute ? Ou l’aube ? Corpus Hermeticum. « Je la regardais dans sa bulle dériver dans l’océan, ses yeux brillaient dans la solitude pour un jour en deux temps ». Louis me parle du Corpus Hermeticum, livres de philosophie attribués à Hermès Trismégiste, personnage mythique. Il aime ça, la philosophie, l’alchimie. « Elle flottait sur la cendre d’une larme desséchée ». Il me parle de ce créateur qui regardait sa création, pas Pygmalion, en tomba amoureux et plongea dedans. Louis me dit que tout ce qui nous entoure n’est que notre propre regard. Nous sommes fatalement bloqués dans notre création. Paradoxalement, cela reste une des chansons les plus gaies, la plus porteuse d’espoir.

 

Comme une réponse au « Quand viendra la fin du tango… Peut-être là-haut » précédent, Louis nous chante « Un tango sur l’océan ». A cette quête de spiritualité, du temps perdu, du temps qui passe, la réponse est sur cette terre. Comme une rencontre.

 

« Je suis là mais pas au centre… Centre de gravité perdu »


C’est ma réplique préférée. Celle de « Caspar David Friedrich ».

 

Sensation familière… Et si longtemps Louis fut ainsi, cet album est la démonstration qu’il marche vers la lumière. C’est un album serein, aux souffrances apaisées, la vie dépose sa patine, tout est à moins vif, tout en délicatesse. C’est probablement pour ça qu’il se nomme « Rivière de plumes ». Qu’elles soient douces ou douloureuses.

 

http://www.myspace.com/louisronanchoisy