Arman Meliès, mon amoureux solitaire

11 mars 2012 6 Par Catnatt

 

 

C’était un dimanche entre deux eaux, des eaux douces-amères, où le spleen, pas si idéal, se glissait partout ; par les interstices des fenêtres, chaque centimètre ouvert au monde et l’espace sous la porte, porté par les courants d’air, la lumière atone et le temps qui passe.

 

 

J’essayais désespérément de rentrer dans l’univers de Dominique A et je restais encore et encore à la porte. Sa voix ne me parlait pas. Pourtant, je sais que c’est beau. Intellectuellement, j’ai parfaitement conscience de la qualité de son travail. Agacée, lassée, du coup, je suis allée me réfugier dans les bras d’Arman Meliès. Encore. La semaine passée, j’en ai beaucoup parlé. Je me demandais d’où me venait cette obsession pour Arman Meliès. Qu’est ce qui faisait que je revenais toujours à son œuvre ? Et pourquoi trépignais-je à l’idée de son prochain album ?

 

J’ai commencé par « Néons blancs et Asphaltine ». Je tenais encore le coup. Son premier album dessinait déjà son univers mais je sentais encore une hésitation. « Les tortures volontaires » m’emmenèrent plus loin surtout avec « Ivres » en compagnie de Bashung, petit chef d’œuvre trop ignoré. « Casino » se chargea de m’achever. La réponse s’imposa d’elle-même.

 

C’est une question de voix intérieure. Ma voix intérieure chante comme Arman Meliès. Elle chante de jolis mots infiniment tristes d’une voix douce. Ma voix intérieure joue des mélodies au bord de se dissoudre. Elle murmure « l’empire perdu des grands récits ». (« Belem »)

 

Il a rendu ses lettres de noblesse à une chanson trop hâtivement étiquetée pop et légère. « Amoureux solitaires » adaptée par lui fait partie des chansons que je ne supporterai pas qu’on m’enlève. La solitude, l’ironie, la lucidité résonnent dans ce morceau, c’est terrible. Ca me brise le cœur à chaque fois. Surtout le silence… Oh ce silence qui dure entre

 

“Enfin, que nos vies aient l’air


….

 

parfaites”

 

Voilà pourquoi c’est Arman Meliès et pas un autre. Si j’avais eu ce talent-là, la voix, l’écriture, la musique c’est exactement ce que j’aurais aimé chanter. Rien à voir avec un truc de midinette ou de fan transie, c’est comme la littérature, lorsque l’on rencontre un paragraphe merveilleusement bien écrit qui exprime clairement ce que l’on ressentait confusément. Ca à avoir avec l’âme, cette chose si particulière, unique. Nous avons tous un artiste qui nous bouleverse plus particulièrement. Je comprends que pour certains, cela soit Dominique A. Moi, mon amoureux solitaire, c’est Arman Meliès.

 

Ses chansons ne sont pas gaies. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas très gaie intérieurement. Il y a cette « scène » dans le documentaire auquel j’ai participé qui résume parfaitement cet état : « Je suis assez désespérée mais les gens tristes sont seuls. Je ne veux pas être seule ». Quelque part, je ne suis que polie. La politesse des gens désespérés qui ne veulent pas rester seuls. « La marque des damnés à l’encre sympathique » (« Papier Carbone »). Je ne sais s’il en est de même pour Arman Meliès. Pour tout dire, je m’en fous un peu. Tout ce que je sais c’est mes états d’âme s’incarnent dans ses chansons, comprenez-vous ?

 

Finalement Arman Meliès me permet de me laisser aller à ma nature profonde. Qu’il en soit remercié. C’est une soupape, « ce souffle étrange », des mots qui s’approchent de ce que je conçois comme l’ultime réalité : « A genoux comme jamais, vivre ivres et mourir ensemble, exsangues, oui, mais ensemble » (« Casino »). J’aime « Diva » aussi, chanson qui n’a peur de rien : « Diva, vieille dragonne, tu t’époumones et tout se change en fumée. Diva, belle félonne, dans ta gorge flambent nos belles envolée (…) Redis-moi qu’on est quittes. Redis-moi qu’on est quittes » répété à l’infini. Et les chœurs qui s’élèvent et les quasi quatre minutes d’instrumental synthétique pour contrebalancer les paroles lyriques. Et la trompette pour contrebalancer la musique sans chaleur.

 

Quand il chante « Au dehors », je me joins à lui pour fredonner « nos hymnes assassins » : « Et ça tangue au dehors, des voies d’eaux de tous bords. Comme je perds pied sans cet or, lové à l’origine en ton sein. (…) Tes amours nucléaires n’en finissent pas, c’est ainsi, de faire valser la poussière…».

 

On pourra me dire qu’Arman Meliès chante toujours la même chanson, c’est vrai que les mélodies tournent toujours autour du même univers. Christophe Conte sur France Culture disait du chanteur des Tindersticks, que certes c’est toujours un peu pareil, mais qu’il pourrait chanter un discours de Claude Guéant, il aimerait quand même. Moi, c’est pareil avec Arman Meliès. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait avec le discours de Nicolas Sarkozy de 2007. La voix monocorde, la musique électronique, tout cela donne quelque chose de profondément ironique et glacial.

 

Arman Meliès me conte à chaque album quelque chose de fondamental chez moi : On peut tous faire semblant d’oublier, mais la vie est une tragédie qui se termine mal. « Toutes ces secondes que l’on colonise ». C’est tout ce que l’on fait. On vit tous « low cost », du moins la plupart d’entre nous. « Oh low cost, à rebours, c’est plus sage, oui toujours en arrière, oui toujours en arrière. ». Quelque chose qui renvoie à la conclusion de mon « quand j’étais petite » : Rien ne dure et rien n’a jamais de sens.

 

Alors puisque nous sommes si impuissants ici-bas, autant chanter « Le soupir du monde ». Et je n’ai rien trouvé de mieux qu’Arman Meliès pour le faire…

 

« Sur nos lèvres et sur nos fronts sans rides, les légendes déposeront leurs baisers. Dans nos yeux… ces foyers qu’on attise périront d’être trop attisés. Sur nos joues à la chair rosie, d’anciens feux iront même abdiquer. Dans nos bras nous porterons nos fils ; sur leur front aucune trace des légendes passées… »

 



 

 



 

Je suis pas du tout fan de ce clip mais c’était le seul moyen de vous faire entendre « Amoureux solitaire »

Son site (avec la chanson « Sarkozy) c’est là