#Leonarda : « story telling » et réalité

16 octobre 2013 4 Par Catnatt

Vais-je devoir rappeler l’histoire de Léonarda ? Si vous y avez échappé, vous n’avez ni télé ni ordinateur et j’ai envie de vous dire continuez…

 

Je ne vais pas expliquer à quel point cette histoire m’a indignée, il n’y a qu’à regarder ma tl twitter.

 

Non, ce qui m’intéresse dans cette histoire, ce sont les réactions de certains qui ont consisté à expliquer à ceux qui protestaient : « non mais ça arrive tous les jours ce genre d’histoires hein ?! » (rajoutez autant de points d’exclamation que vous le souhaitez).

 

C’est vrai. Ca arrive tous les jours dans l’indifférence générale mais voilà Léonarda, c’est une bonne histoire. C’est cynique de le dire, mais c’est la vérité : une môme en sortie scolaire, le sanctuaire de l’école comme une église, le parking du collège Lucie Aubrac, un maire qui exige l’arrêt d’un autocar rempli de gosses, en arrière-fond la polémique rom, la déception socialiste, vous avez tous les ingrédients de l’histoire qui va « marcher ». RESF en conte tous les jours, celles d’êtres humains pris dans l’étau des lois sur les sans-papiers et très peu font mouche. J’avais essayé d’intéresser les médias il y a quelques années sur une en particulier, la réponse était édifiante : « on en a 250 comme ça, les gens s’en foutent ».

 

Donc Léonarda c’est la rencontre d’une histoire et de l’Histoire. Soudain les conséquences d’une loi, d’une politique s’incarnent.

 

Il ne sert à rien d’engueuler les gens pour cause d’indignation à géométrie variable. Ils arrivent à s’indigner et c’est déjà bien, croyez-moi. Le nombre de fois où j’ai eu envie d’envoyer chier la terre entière pour cause d’indifférence… La dernière fois, c’était la Syrie et son désastre humanitaire, mais je sais que ça ne sert à rien, que chacun fait ce qu’il peut et qu’une « bonne » histoire change tout.

 

Regardez le dernier épisode de Borgen c’est édifiant sur le sujet. Nous sommes beaucoup trop abreuvés d’infos en tous genres pour arriver à rester au top de l’implication. C’est tout simplement impossible. Et surtout n’oublions pas qu’il est presque miraculeux alors que nous avons assisté, estomaqués, à la mobilisation pour soutenir le bijoutier de Nice de voir des milliers de gens (8523 au moment où j’écris) réagir face à ce qui c’est arrivé à Léonarda.

 

Alors l’indignation…

 

Cela cristallise une gêne vis à vis du parti socialiste où beaucoup cherchent désespérément la différence avec le précédent gouvernement. Pour l’instant, tout le monde est au taquet, tout le monde se préoccupe. Mais demain ? Le gouvernement gagne du temps en lançant une enquête, il sait très bien que le temps joue pour lui, dans une semaine, dans trois semaines, dans un mois, seuls quelques irréductibles et RESF continueront de se préoccuper du sort de cette jeune fille. Manuel Valls le sait pertinemment, c’est bien pour ça qu’il se permet de rester « droit dans ses bottes » (je déteste cette expression à un point inimaginable) parce que fondamentalement il sait – c’est une certitude – que tout le monde s’en fout – on se préoccupe juste du peu de principes qu’il nous reste – ou parce qu’il est très compliqué de rester concentré sur un sujet à long terme. C’est triste mais c’est comme ça.

 

La réalité, c’est qu’il y a de fortes chances pour que ce prénom tant moqué, ce prénom sur un parking d’un collège au nom de Lucie Aubrac sombre dans l’oubli. Moi, la première… J’essaye de tenir certains engagements, mais ne nous leurrons pas j’oublie comme tout le monde ; parfois, souvent. Alors qu’il s’agit de la vie bien réelle, de la vie d’une jeune fille embarquée dans un pays qu’elle ne connait pas ou plus. La pudibonderie des membres du gouvernement… Cette chère Najat Vallaud Belkacem au petit journal qui attend le résultat d’une enquête pour déterminer si c’est digeste ou indigeste.  Eux qui soutenaient il y a peu RESF se demandent si cette histoire est vraie ? Juste un rappel car le PS, lui aussi, a du mal à s’indigner apparemment à long terme, il a la mémoire courte et l’implication vacillante :

 

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Lien au cas où on pense que je délire.

 

Alors s’il vous plait quand l’histoire singulière d’un être humain percute l’actualité et que cela engendre des réactions, laissez les gens exprimer leur colère même s’ils ne s’impliquent pas à long terme. Oui, c’est facile, oui ça mange pas de pain mais dans le monde dans lequel nous vivons, c’est une part d’humanité qui survit. Ne les culpabilisons pas de ne pas être mobilisés en permanence. RESF a pu exister, parler, des chiffres ont été diffusé et si quelques uns ont eu une prise de conscience, c’est formidable. C’est déjà ça de pris.

 

La vie est tellement dure, est-il nécessaire de l’être entre nous quand nous avons un sursaut de « saine » colère ?

 

La pétition pour Léonarda, c’est ici