Vieillir. Le vertige.
Pulco Time, nous sommes partis à Marseille pour passer 24 heures de rêve offertes par cette marque au nom de « la paresse a du bon ». Maligne, elle n’a rien exigé, nous avons tweeté, facebooké spontanément et je le confirme : la paresse a du bon ! Au milieu de cette joyeuse bande – l’émulation a tout de suite fonctionné ; dès 7h du mat c’était le dawa dans le train – Maxime Mach alias Justinbiebiere sur les réseaux sociaux, nous photographie.
Il enverra à chacun d’entre nous, au fil des jours, des photos qu’il nous a presque volées. Il y a quelque chose de frontal dans les photos de Maxime, ce ne sont pas des photos qui cherchent à s’évader de la réalité, elles ont les deux pieds dedans.
Je crois qu’on croise tous un jour une photo où on réalise que l’on a vieilli ; vraiment vieilli… Dans mon cas, ce n’était pas simple, la perte de toutes mes photos m’avait permis de ne pas voir les « ravages du temps » ; j’avais toujours eu 32 ans. Et même lorsque la vie m’a permis d’en retrouver quelques unes, j’étais formatée pour me voir comme une jeune femme.
Quand Maxime m’a envoyée le portrait qu’il avait fait de moi (qu’il en soit remercié), je suis restée choquée. Pas que je ne me trouve pas jolie ou séduisante, je trouve que je me tiens bien pour une femme de 43 ans, mais incontestablement, je ne suis plus celle que je pensais. J’ai pris 10 kilos en 3, 4 ans ; pas de malentendu, c’était nécessaire, filiforme pendant des années, cette prise de poids était la bienvenue. Je pense, un peu bêtement, qu’une femme qui vieillit est plus avenante avec quelques kilos en trop plutôt que sèche. Les joues se creusent, les rides apparaissent et sur un visage mince, cela peut donner un côté autoritaire et j’ai déjà l’air d’une femme que je qualifierai pudiquement ^^ de volontaire… Je me suis élargie du visage même si Isa me dit que c’est un effet d’optique et que je ne suis pas tout à fait comme ça. Mon visage s’est légèrement affaissé ainsi que mon cou.
Les rides. Il y en a une que j’adore qui ait apparu il y a quelques mois. Elle se situe entre mon nez et ma bouche et quand je souris, c’est comme si j’avais un deuxième sourire. Elle est comme un smiley, j’ai beaucoup de tendresse pour cette ride-là. Et puis il y celles autour des yeux : j’aime l’idée que le rire s’y voit plus que les larmes. Ma bouche s’est rétrécie et mon nez s’est agrandi aussi. Tout est légèrement mais sûrement modifié.
J’imagine qu’on a tous une photo un jour où l’on se pose sérieusement la question de la chirurgie esthétique. Juste du botox au coin des yeux et entre les sourcils. Remonter le cou. Combler les sillons entre la bouche et le nez. Combler, remonter, tirer, remblayer, raffermir. Cette tentation… Mais je sais que c’est illusoire et surtout j’ai déjà dit que je ne voyais pas comment on pouvait accepter de mourir dans la sérénité si l’on ne se voit pas vieillir. De facto, quand vous avez un visage qui en paraît 10, 15 ans de moins, votre départ peut vous sembler contre le cours naturel des choses. Je ne juge pas ceux et celles qui en font, chacun négocie avec ça comme il peut, mais je n’en veux pas (sauf si c’est réellement pénalisant, j’ai l’exemple d’une amie dont les paupières pesaient beaucoup trop. C’était nécessaire). Je tiens beaucoup à l’idée de vieillir naturellement même si c’est facile de dire ça à mon âge. Peut-être même que je changerai d’avis à ce sujet un jour, mais je sais que je m’exposerai à cette problématique. Je veux devenir une vieille dame souriante, bienveillante et attentive, je ne vois pas comment j’y arriverais si je suis préoccupée par mon apparence en permanence. J’aurais l’impression de me raconter une histoire de plus et croyez-moi, je m’en raconte assez comme ça !
Bref, j’ai regardé cette photo et j’ai accusé le temps qui passe. Quand je l’ai montrée à ma fille, elle s’est exclamée : « Mon Dieu, je t’ai jamais vue avec un regard aussi intense, tu fais presque peur ! » . J’ai rigolé. En fait, toutes celles à qui j’ai montré cette photo m’ont dit que ce n’était pas vraiment moi car je suis tout en gesticulations. Mon visage se plie, grimace, s’exclame, rit, s’énerve. Maxime a su arrêter et le temps et le mouvement.
Le plus curieux de cette petite histoire, c’est que j’ai quasiment la même photo prise il y a dix ans. Je les ai comparées et j’ai pu toucher du doigt cette décennie :
C’était vertigineux et implacable.
Terrible et brutal.
Fascinant.
J’ai remonté le temps. J’ai regardé une photo de moi petite, puis à 23 ans, à 34 et 43. Toujours la même, mais la vie s’est inscrite. Elle n’a pas été simple, mais elle a été riche. Elle n’a pas été tendre, mais elle a été pleine d’enseignements. Et finalement, je préfère mon regard aujourd’hui qu’il y a 20 ans : j’y vois plus clair, je perçois beaucoup plus les choses, je me sens plus intelligente. Lorsque je regarde cette série, je vois que le sourire radieux que j’offrais en tribut à la vie à 5 ans s’esquisse à peine à 23, se mue en ironie à 34 et laisse place dix ans après à une acuité. Même si le choix est conscient, je trouve que ça dit vraiment quelque chose de moi…
Passé le choc premier de cette photo, j’aime ce qu’elle dit : que je regarde VRAIMENT les gens ; que lorsque je les écoute, je suis vraiment là. C’est quelque chose que j’ai appris. Surtout, puisque mon corps me lâche et que je n’ai plus les avantages de la jeunesse, je compte sur ce qui, à priori, va durer : mon cerveau et surtout, surtout…
Mon coeur !
(Je rajoute « A lady of a certain age » de The Divine Comedy car j’adore cette chanson…Je la trouve élégante, tendre et implacable.)
« You chased the sun around the Cote d’Azur
Until the light of youth became obscured
And left you on your own and in the shade
An English lady of a certain age »
MAJ Pour l’anecdote, 6 heures après avoir posté ce billet et cette chanson, J’ai tapé la discut à la laverie avec une délicieuse et excentrique anglaise de 60, 65 ans. C’était un bien joli clin d’oeil du destin, je trouve.
Plusieurs choses: j’étais certaine que tu allais l’écrire celui-là, et c’est pas loin de ce que je pensais lire Deux, c’est rigolo, je la trouve vraiment toi, moi cette dernière photo. Peut-être parce que ne t’ayant pas de visu souvent, j’ai une autre perception de ce que tu dégages: derrière la Nat gesticulante, riante, gueulante y a une autre Nat capable de calmer un régiment de névrosées (je sais), capable d’apaiser, de consoler, de rassurer. C’est ton visage de « maman » que je vois là. Je crois qu’on a plusieurs visages, plusieurs identités entre lesquelles on navigue plus ou moins selon notre degré de névroses. On peut aimer en voir un, on peut essayer d’en figer un, et puis parfois on se retrouve en face de celui qu’on offre le plus souvent aux autres. C’est parfois juste le temps qui passe. C’est parfois compliqué, c’est parfois choquant: on grandit un peu vite. Mais c’est bien. Et trois, elle te ressemble du tonnerre, Charlotte.
(je l’ai pas mis sur Fb mais au diable les varices et la pudeur : je t’aime)
Bah tu me connais bien, tu le savais que cette photo allait me travailler sécos…
Oui, j’imagine que c’est aussi et peut-être surtout moi. C’est fascinant, je le répète. Pas que je me perds dans cette image, mais je crois que cette photo montre ce que je suis en train de devenir, ce que j’aime devenir : du recul, de l’écoute et de la bienveillance. Beaucoup de bienveillance.
Et je t’aime aussi. J’aime beaucoup, beaucoup ce que tu es devenue <3
Nous avons le même âge et cela fait plusieurs mois que j’apprends à reconnaître que oui, je vieillis. A travers les enfants, à travers le corps et le visage qui changent…
Mais comme toi je souhaite que cette nouvelle image reste la plus naturelle possible et surtout, celle de la bienveillance en effet 🙂
Je t’embrasse, toujours virtuellement jusqu’au jour où…
Jusqu’au jour où on va aller boire un verre et on a le mois de juin pour le faire 🙂
Brrrrrrrraaaaaabraaaaaaaabra
C’est un sacré travail que de se voir.
Je m’y attèle chaque semaine, droit dans les yeux.
C’est parfois déstabilisant, voire difficile, mais au final c’est salvateur, c’est un enseignement, et j’ai le sentiment d’avoir muri.
Elle est belle cette photo. Il est fort, Maxime.
Ils sont beaux ces mots. Merci, Nat’.