Madame Ouin Ouin (Borderline)

27 juin 2016 3 Par Catnatt
Beth Baptiste

Beth Baptiste

C’est le surnom de Laure à son boulot parce qu’elle est de Saint Ouen. Oui il y a des gens qui disent sain-ouin. Pas sainTTTT Ouen, non, sain-ouin. Je le trouve chic ce surnom d’autant que j’ai longtemps utilisé le hashtag #OuinOuin. Ou c’était à l’époque d’Épidémik, je ne sais plus d’où ça sort. J’ai retrouvé il y a peu une boîte et je crois bien que c’était la boîte à ouin ouin hahaha !

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Autre appart, autre vie. Ça va mieux, mais on a été un peu perdus avec les mômes. Toutes ces pièces après avoir vécu dans un T2, c’est perturbant. D’autant que la cuisine est une vraie pièce à part entière. C’est quand je me suis retrouvée seule dans le salon après que mes deux galopins aient déguerpi dans leur chambre que j’ai accusé le coup. Fini la promiscuité, le fait de se croiser toutes les 4 secondes, place à l’espace personnel de chacun. Comme un symbole, c’est le salon qui est la plus petite pièce à vivre maintenant. Je me suis fait un coup de déprime ce soir-là, mais n’est-ce pas le cours naturel des choses que je finisse seule quand ils partiront ? Alors je trouve ça bien, je trouve ça sain pour chacun d’entre nous. Charlotte trône à son étage. Chose que je n’avais pas prévue alors que j’étais rompu au squattage de potes des enfants, plus grand appartement dit plus grand squattage : j’en avais 6 hier soir ! Et encore normalement c’était 8. Va falloir s’organiser !

Je trouve mes marques doucement. Charlotte et moi, nous avons eu un petit passage à vide, Baptiste pas du tout. Il a parfaitement appréhendé le concept de grotte vraisemblablement. Il reste enfermé dans sa chambre, il est bien, il a la paix, on est plus trop sur son dos. Enfin ! (je l’entends le penser).

On frappe aux portes. La porte de ma chambre, la porte de la chambre de Baptiste avec écrit en gros « FRAPPEZ AVANT D’ENTRER » au cas où tu tenterais de pénétrer dans l’antre de l’ado de 13 ans sans permission, espèce de grand malade ! Et on gueule « je monte » quand on va chez Charlotte. Ha oui, ça, on gueule. Pour rien. On a tellement eu l’habitude de crier pour s’interpeller dans notre petit espace que là il y a eu un temps de latence avant de réaliser que ça ne servait à rien et qu’il fallait SE DÉPLACER. Un concept totalement nouveau pour nous. Résultat, j’ai l’impression de faire des kilomètres dans cette baraque. Du coup j’envoie des textos ou je tente de les joindre sur leur portable alors que je suis à 6 mètres.

En parlant de kilomètres, quelle joie le premier matin ! Je grimpe dans mon bus pour rejoindre Paris et au moment où je franchis la frontière, « Borderline » de Madonna. J’adore cette chanson ! Ça m’a rappelé l’époque de mes 15 ans où je rêvais de venir à Paris. Ce truc que seuls les provinciaux comprennent. Ça m’a mis le sourire aux lèvres et je continue à sourire bêtement à chaque fois que je croise le panneau « Paris ». L’ancienne connasse parisienne que je suis prend une leçon d’humilité, je repense à toutes les invitations que j’ai déclinées parce que la banlieue ça me semblait trop loin. Je me foutrais des baffes ! Je mets une demi-heure pour aller au taf. Sauf quand je tombe dans la faille spatiotemporelle post 9h30 ou 18h30 où là je mets 50 minutes. Pourquoi ? Je ne sais pas.

J’ai des voisins absolument charmants en dessous de chez moi, ceux d’en face me font marrer, la jeune fille est rigolote comme tout à part sa passion pour radio zouk. J’ai des indiens, des espagnols, des africains, j’entends parler plein de langues et la musique qui va avec. On se dit bonjour dans la rue, même aux inconnus, on dit bonjour dans cette rue, j’adore ! Saint Ouen est extrêmement agréable à vivre, en tout cas la partie dans laquelle je suis. Il y a un je ne sais quoi qui me rappelle le 19ème il y a 12 ans : une vraie mixité, une douceur de vivre. Les Audoniens sont gentils comme tout. J’ai déjà repéré mes commerçants, je trouve mes marques, il y a un Leroy merlin à 4 minutes de chez moi. Quatre minutes ! Tu sais à quel point je kiffe d’aller dans ce magasin ?! En fait tout est faisable à pied dans cette ville et ça, c’est très plaisant.

Côté politique, c’est assez drôle (ou pas du tout) je n’ai pas rencontré UNE seule personne pro maire. Ça râle sécos. Après 30 de gestion communiste, la droite est passée il y a deux ans. Il y a eu une bourde sur la médiathèque (superbe au demeurant) et ils ont augmenté de 45% les impôts locaux. Ça m’arrange moyen. Des choses non prévues au programme sont décidées, des coupes franches tant qu’à faire. On m’a cité 3 fois Balkany dans le style de gestion. J’aurais réussi l’exploit d’aménager dans le futur new Levallois ?! #PassionBalkany

Ce qui est certain c’est que Pantin et Saint Ouen sont des destinations de parisiens en partance avec à la clé un phénomène de gentrification. J’espère que l’ancienne locataire n’a pas dû se barrer parce que les impôts locaux étaient devenus inabordables et qu’elle aurait en quelque sorte subi la même chose que moi. Çe me met mal à l’aise.

Un mal pour un bien ? J’ai tellement eu peur avec cette histoire d’appart et on s’en sort tellement bien ! Mes proches me l’avaient dit « arrête d’avoir peur Nat, tu vas voir, ça va le faire » ; ce qu’ils n’ont peut-être pas compris, c’est que je suis parfaitement consciente de toujours m’en sortir, mais qu’à chaque fois je me dis que c’est cette fois-là que ça va coincer et que je vais chuter. Toujours est-il que je suis ravie de là où je suis à tous points de vue. C’est l’appartement de la fin de vie commune avec les enfants. Charlotte a mon âge quand je crevais d’envie de venir à Paris. Elle, elle y est déjà, elle partira ailleurs. J’écris sur le net depuis 2007, c’est dingue qu’on en soit déjà là…

(et chantera peut-être « Bordeline » avec des étoiles dans les yeux en pensant à son rêve ?)