Les hommes

15 mars 2009 2 Par Catnatt

Ted Shawn and Denishawn Dancers in Pas de Quatre or Sevillan...

Et l’équipe du tournage est là. Je suis nerveuse, je ne sais trop quelle attitude adopter. Ne surtout pas regarder la caméra. Instaurer un jeu avec mon petit garçon de 6 ans pour qu’il n’interpelle pas l’objet qui lui tourne autour. Charlotte qui se prête au jeu avec une facilité déconcertante. Et moi, qui me soupçonne d’en faire trop. Quand ils s’en vont, je suis lessivée. Michèle m’avait prévenue, c’est crevant. Je confirme. Comme si je m’étais dédoublée. Il y a moi qui accomplis des gestes quotidiens, il y a moi qui m’observe agir. Et moi qui enregistre en permanence dans un coin de mon cerveau ce que fait l’équipe.

 

La réalisatrice m’a demandé par ailleurs, de m’autofilmer. N’importe quoi. Ce que je trouve éventuellement pertinent. Je me demande si je ne suis pas à côté de la plaque. Apparemment, non, Michèle m’envoie un texto pour me remercier de ma générosité après qu’elle ait visionné les images que j’ai tournées. Généreuse ou complètement suicidaire ?

 

Je ne sais pas faire les choses dans demi-mesure. Je participe donc à ce documentaire comme je participe à la vie : à fond. Excessive ? Effectivement. Et le domaine où j’excelle dans ce registre, ce sont les hommes. Ils sont une faiblesse chez moi, je le sais, et ils le savent, ou le sentent, les mécréants ! J’ai été maquée, j’ai été mariée, j’ai été célibataire, j’ai été maîtresse, j’ai été sex-friend. Je crois que j’ai joué toutes les partitions amoureuses possibles. À chaque fois, j’étais plongée corps et âme dans le concert. Amoureuse ou pas. Un peu comme si ma vie en dépendait. Mais je n’ai jamais vraiment su si c’était l’histoire qui me faisait battre le cœur ou les individus.

 

Je fais partie de ces femmes qui ont un rapport très ambivalent avec les hommes. À savoir que quand j’écris sur eux, ou que j’en parle, mon discours est nickel chrome. J’ai bien appris ma leçon. Je suis capable d’écrire un texte sur eux « L’homme est une femme comme les autres », plein d’empathie et de mesure. Mais si je suis honnête, ce n’est pas tout à fait la même chose quand je vis une histoire avec eux. Je les attends au tournant systématiquement. J’ai tout le temps raison. Rares sont ceux qui ont pu me remettre en question. Car je me sers d’une manière implacable du discours ambiant, à savoir les hommes ont des progrès à faire, ils doivent s’adapter aux femmes d’aujourd’hui, le machisme règne et nous les femmes d’aujourd’hui, nous sommes les victimes d’une période transitoire. Ce moment inconfortable où nous avons conquis un espace professionnel tout en gérant la maison un peu comme avant. Pendant que ces messieurs sont à la traîne de la grande révolution des sexes. Ils sont perdus, décontenancés par ces nouvelles guerrières accrochées à leurs victoires précaires.

 

Le triomphe absolu serait d’avoir un homme adulte, s’assumant professionnellement, sensible, rassurant, doux, un peu macho mais pas trop, capable de pleurer, un peu jaloux, soigné, viril, mais féminin, responsable, mais qui me fasse rire, gentil mais pas niais, protecteur mais pas envahissant, indépendant mais qui a besoin de moi, verbalisant ses émotions mais capable de trancher, qui m’appartienne mais pas trop, qui me laisse sortir avec mes copines mais qui ne passe pas trop de temps avec ses potes, tout et son contraire, une alchimie impossible. Car je crois qu’en définitive, si les hommes sont déstabilisés, nous le sommes tout autant qu’eux.

 

Qu’est ce que nous, les femmes, nous attendons réellement d’eux ? Tant que j’étais jeune, les choses étaient assez simples. J’associais l’amour et la souffrance. Je me suis toujours demandé si les femmes ne commettaient pas cette erreur récurrente à cause de l’enfantement. « Et tu enfanteras dans la douleur ». Comme si c’était le cours naturel des choses. Et que par ricochet, nous l’associons aux choses de l’amour. Parce que nous sommes quand même les championnes pour nous maquer régulièrement avec des mecs qui ne nous rendent absolument pas heureuses. Essentiellement quand nous sommes jeunes d’ailleurs.

 

Nous vieillissons et nous devenons plus sages. Nous connaissons mieux nos besoins aussi. Mais c’est surtout quand je suis devenue mère célibataire que la donne a changé. Le fait d’être jolie, ou séduisante, ou charmante, n’a plus suffi. Vous pouvez être la plus belle fille du monde, chez certains hommes, ça ne change rien, s’ils découvrent deux petites silhouettes juste à côté de vous. Si au départ, j’ai été déstabilisée, voire proprement hallucinée par certaines attitudes masculines, je me suis rapidement aperçue que j’avais trouvé le meilleur filtre à cons de tout l’univers connu. Cet homme me draguant à grands coups de phrases grandiloquentes et qui prend une moue vaguement écoeurée quand il apprend que je suis mère célibataire et se détourne aussitôt de moi. Moi, qui souris ironiquement et pense, en mon for intérieur, que je n’ai pas perdu mon temps, dieu merci.

 

Je ne savais plus comment m’y prendre avec les hommes. J’étais complètement paumée. Il a fallu tout réapprendre. J’arrive sur le marché après cinq ans de mariage, et une image des hommes déplorables. Mon ex-mari avait fait un joli travail de sape. Bon, j’admets bien volontiers que dès le départ, c’était très mal barré. J’ai su trop tôt les paradoxes qui entraînent les hommes hors des sentiers battus. Mon père. Que j’aime, mais là n’est pas la question. Les mensonges, la tromperie, la duplicité étaient des attributs masculins alors que l’héroïsme, la générosité et la franchise étaient des notions féminines. Discours caricatural évidemment. N’empêche. J’ai grandi avec ces postulats et quoi que je fasse, à présent, ils me dirigent forcément. Le choix du père de mes enfants les a bien confortés. Et force est de constater que mes deux soeurs et moi avons eu une vie amoureuse catastrophique. Ce sont des faits. Du moins, jusqu’à ce que nous prenions du plomb dans la tête. Maman a cru nous armer et nous avertir. Elle a cru bien faire en nous apprenant à nous méfier. Il semblerait qu’elle nous ait juste appris que c’était sans espoir. Et que d’une certaine façon, il fallait dominer les hommes.

 

Bon. Disons la vérité. Les hommes me font peur. Ils me terrifient, eux et leur capacité de destruction. J’ai été élevé par une féministe. Et je crois, malheureusement que c’est elle qui m’a appris à avoir peur. Mais je me suis rendue compte que sa vérité à elle n’était pas la mienne. J’ai appris à nuancer mes propos. Mais mes réflexes sont là. Il n’y a rien à faire, pas de lutte possible contre un conditionnement. Les hommes. Les mâles. Le mal. J’envisage les hommes infidèles. Infidèles à leurs serments, toujours. Ça me rassure presque quand je les vois chuter. Comme un examen de passage, une vérification de ce que je soupçonne. Toi, que je reconnais enfin comme un véritable homme, faible et inconstant. Toi, ce grand enfant, cet éternel enfant, seulement capable du pire, je t’observe tendrement mais implacablement. Si je te sais, si je te devine, j’ai forcément une longueur d’avance sur toi et tu ne peux pas vraiment me faire souffrir. Puisque je sais que tu vas forcément le faire tôt ou tard.

 

Je considère les hommes comme des enfants qu’il faut soigner. En quelque sorte, des handicapés. Ce n’est pas de votre faute. Vous ne pouvez pas faire mieux. En écrivant, je me rends compte à quel point je les sous-estime. Je suis coresponsable. Toujours. Je joue les infirmières sur des humains, ayant contracté une maladie incurable. La masculinité. Je ne suis pas la seule. C’est un syndrome couramment répandu.

 

Mais.

 

Et si c’était moi ? Si je n’avais choisi que des hommes à forte incapacité pour vérifier les leçons apprises ? J’ai eu la chance un jour de tomber sur un homme formidable. Avec une grande part de féminité en lui. Ou plutôt, il serait temps de changer le discours aussi, avec une grande part de qualités qui me tiennent à cœur. Il est imparfait, évidemment. Mais je l’aime. Il ne me fait pas peur, lui. Et surtout il m’a renvoyé dans mes buts. Me parlant de moi, comme jamais aucun homme ne l’avait fait. En bien. Un regard amoureux, il n’y a rien de tel pour apaiser une femme. Et en mal. Je suis, c’est vrai, lunatique, compliquée, torturée, radicale, invivable, fuyante, un peu phobique de l’engagement et…

 

Agressive ?

 

Oui. Agressive. Oui. Impulsive. Oui. Surtout dans le champ amoureux. Forte de mon expérience passée, je manifeste. Je sais. Enfin, je fais semblant de savoir. Car le propre de la connaissance, c’est d’être infinie et multiple. Je sais quoi, en fait ? Pas grand chose. Je sais qu’en général, je me jette sur des hommes à fort potentiel à déception. Le seul avec qui j’ai dépassé ce stade-là, c’est mon amoureux actuel, mon homme formidable. Parce que j’ai décidé qu’après m’avoir désespérée, et que je l’ai, moi-même, navré, il était largement temps de croire en lui. Peut-être que c’est cela qu’il manque le plus au monde aux hommes en ce moment. Que nous n’hésitions plus, nous les femmes, à placer de grandes espérances en eux. Que nous cessions de nous méfier d’eux. Que nous ne les soupçonnions pas de vouloir nous piquer nos acquis sociaux, affectifs, que sais-je encore. Oui, évidemment, il y aura toujours de grands connards. Mais regardez juste derrière. Que voyez-vous ? De grandes connasses.

 

La femme n’est jamais loin chez un homme. Sa mère pour faire de la psychologie de supermarché. Le patriarcat n’est plus responsable de tous nos maux. Le matriarcat cohabite avec lui. Du moins en occident. S’il est évident que les hommes doivent continuer à se remettre en question par rapport à leurs relations aux femmes, celles-ci doivent faire de même. Alors, je décide que je place de grandes espérances en mon amoureux. Je vais le regarder comme un héros et saluer son courage. Mais il n’y a pas que mon compagnon dans ma ligne de mire. Il y a mon fils. Oui. Le pauvre, c’est un garçon… En écrivant, je crois que je me rends compte que je sous estime également mon fils. Est ce que ma façon d’envisager les hommes, me conditionne sur l’éducation de celui-ci ? Bien sûr. Arrêter de m’émerveiller parce que mon fils a rangé sa chambre. Alors que pour sa sœur, ça me semble totalement normal.

 

Les femmes se plaignent des hommes mais quand je constate la façon dont elles élèvent leurs fils, enfant roi, forcément moins capables que leurs filles, j’ai envie de saluer leur contribution au système ! Moi, la première. Pourquoi est-ce que j’ai élevé ma fille d’une certaine manière, ayant pleinement confiance en elle et pourquoi est ce que, quelque part, je sous-estime mon fils pour certaines choses ? Charlotte rentrait seule de l’école à 6 ans. Et cela me semble proprement inenvisageable pour mon fils au même âge ! Allons, allons, soyons honnêtes, est-ce quelque part, je n’envisagerais pas la femme comme supérieure à l’homme ?

 

Il y a peut-être un peu de ça, non dans notre façon de revendiquer ? Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Les combats féministes étaient parfaitement légitimes et certains d’entre eux le sont encore. Mais. Mais, il y a un je-ne-sais-quoi dans certaines revendications qui finit par me gêner. Une petite voix qui chuchote « Mais nous les femmes, nous sommes beaucoup plus efficaces, nous sommes multi-taches, nous valons mieux ». (Je sens que je vais me faire des copines). Et si c’était cela qui était le plus déstabilisant pour les hommes et les avait amenés à se conduire étrangement ? Ceux qui refusent de coucher le premier soir. Ou jamais d’ailleurs. Les phobiques de l’engagement. Ceux qui n’arrivent pas à s’accomplir. Professionnellement entre autres. Et s’ils avaient juste peur de croiser au détour d’un regard, ce mépris teinté de tendresse « Après tout, tu n’es qu’un homme, on sait bien qu’ils sont lâches et sans scrupules… ? »

 

Et si, sans redevenir des mâles sans scrupules, des machos, nos hommes avaient le droit de vouloir lire dans nos regards de l’admiration ? Les rêver un peu ? Placer des espoirs fous en eux ?

 

J’ai cherché pendant deux jours une chanson, déclaration d’amour envers les hommes. Comme « femmes » de julien Clerc. Ou « Woman » de John Lennon. Je n’en ai pas trouvé. C’est dingue, non ? Je vais donc faire un détournement.

 

Man, I can hardly express,

My mixed emotion at my thoughtlessness,

After all I’m forever in your debt,

And man, I will try express,

My inner feelings and thankfullness,

For showing me the meaning of succsess,

Man, I know you understand

The little child inside the woman,

Please remember my life is in your hands,

And man, hold me close to your heart,

However, distant don’t keep us apart,

After all it is written in the stars,

Man, please let me explain,

I never mean (t) to cause you sorrow or pain

So let me tell you again and again and again,

I love you (yeah, yeah) now and forever,