On reste toujours l’enfant de quelqu’un

22 mars 2012 1 Par Catnatt

Ca a commencé, il y a quelques semaines. Celui dont j’entends encore le rire, le rire qui fracassait tout sur son passage, celui que je ne connaissais pas si bien que ça, celui qui croyait peut-être que la vie n’était qu’une gigantesque plaisanterie. Celui-là giserait au fond d’une chambre de bonne, le cœur arrêté par les excès ou par on ne sait quoi. Il est mort seul, ses parents 6 étages en dessous.

 

Je pense à la terreur de mon fils la nuit dernière. Celle qui l’a réveillé et l’a poussé à se réfugier dans mes bras. Ce cauchemar où quelqu’un avait une arme et se mettait à tirer. Trouver les mots pour l’apaiser. Nous rendormir collés l’un contre l’autre, mon bras autour de lui.

 

Je pense à la mère de celui que la France honnit. Son prénom diminué devenu une blague. Ses actes l’avaient déshumanisé, le fracas du monde a achevé le peu qu’il restait. Des sites qui compilent les blagues à son sujet. Les commentaires, les avis, les informations. L’horreur du vide. L’écoeurement que je ressens. C’était l’enfant de quelqu’un. Ca était un enfant et je me demande quand est-ce que ça a commencé à dérailler. Je me demande toujours à quel moment ça déraille. Je pense à elle, à ce qu’elle doit ressentir. Elle doit ressasser tous les moments où elle a perçu le mal. Avant qu’il soit trop tard.

 

Le téléphone qui sonne en fin d’après-midi. Aujourd’hui. La voix brisée, une voix que je ne reconnais pas, la voix de celui auquel je me suis attachée à force de travailler avec lui. Une voix qui m’annonce l’absurdité du monde. Une vie de quelques semaines suspendue à un fil. Je dis que je suis désemparée, je dis que je ne sais pas quoi dire. Je dis que je suis là.

 

Les larmes.

 

La douleur des parents.

 

Je pense à une petite fille de sept ans, heureuse de vivre, heureuse de jouer dans une cour de récréation. Une petite fille qui s’est fait attrapée par la mort, attrapée par les cheveux. La dernière chose qu’elle a senti de ce monde, ce fut un canon de revolver. Je pense à ces enfants sur un trottoir, juste avant de rentrer dans l’école. A ce professeur qui était l’enfant de quelqu’un. Les militaires, des enfants aussi.

 

Je me revois enceinte, ma fille dans les bras regardant par la fenêtre. On est dimanche et je sais où il est. Le père de mes enfants est en train de se fracasser d’alcool sur la tombe de son fils. Je n’ai jamais connu ce petit garçon, il s’est noyé à l’âge de cinq ans. Je préférerais que mon mari hurle plutôt que cette douleur silencieuse, une douleur qui s’immisce partout, une douleur qui l’empêche d’aimer, une douleur qui le transforme en inhumain. Une douleur qui a tout envahi, il n’y a plus rien à sauver.

 

Toute la douleur du monde. On ne s’en remet jamais.

 

On reste toujours l’enfant de quelqu’un quoi que l’on ait fait. Le fracas du monde aura beau faire, cela restera ainsi. C’est la dernière part d’humanité, celle que l’on n’enlève jamais, quoi que l’on ait fait.

 

La compassion est parfois le sentiment le plus compliqué à éprouver dans certaines circonstances. C’est pourtant celui qui devrait rester face à la mort. Et aujourd’hui, je ne ressens rien d’autre qu’une infinie compassion.

 

Une infinie compassion face à la douleur des parents.

 

Une infinie compassion face à la douleur du monde.