Je suis neuro droitière (part 2)

7 avril 2012 9 Par Catnatt

La première partie ici

 

Question éludée lors du précédent billet :

 

Pourquoi ne pas consigner tout ça dans un journal intime ?

 

J’ai peut-être déjà parlé de cette « problématique » mais je reviens dessus. J’ai toujours eu des journaux intimes, écrivant au fil du temps de manière compulsive. De l’âge de 7 ans à l’âge de 32 ans, j’avais tout gardé au cours de mes déménagements. Mon ex-mari a tout foutu, entre autres, à la poubelle quand je suis partie. J’ai juré de ne plus m’attacher à des objets ou le moins possible, du coup le journal intime était out. Surtout, je me suis aperçue que ce n’était pas du tout la même chose d’écrire sur un blog que sur un journal. Pourquoi ? Parce que même si la démarche est égocentrique, narcissique, tout ce que vous voulez, vous êtes quand même obligé de tenir un minimum compte des autres. Mieux. Si vous voulez que votre propos soit clair, vous êtes obligé « d’être pédagogue ». C’est clairement thérapeutique pour moi, car je n’écris plus de manière anarchique, je suis beaucoup plus structurée. Par ailleurs, il y a ce phénomène que je ne m’expliquais pas très bien mais ce que je publie ne m’appartient plus. Enfin, disons que c’est en dehors de moi. Le processus d’élimination, vous vous rappelez ?

 

Bref.

 

Je suis née le 22 janvier 1971. C’est à peu près à ce moment-là que les emmerdes ont commencé ^^.

 

 

J’ai consciencieusement compliqué la vie de mes parents d’entrée de jeu. Rapport pathologique à la nourriture. Mais qui n’a pas un rapport pathologique à la nourriture, je finis par me le demander ? J’ai refusé le lait de ma mère et le lait maternisé. Tout simplement.

 

Sinon, au chapitre de l’enfance et du neuro droitier, je vois deux choses. J’étais suivie par le pédiatre renommé de la petite ville de province dans laquelle je vivais. A 7 ou 8 ans, il a proposé de me mettre sous antidépresseurs. Exéma, réactions exacerbées, je devais avoir des comportements hors normes. Ma mère en larmes, mon père refusant catégoriquement d’en entendre parler. Il a traité l’exéma en m’envoyant chez un vieux toubib de sa connaissance. Affaire classée. Ca n’a rien changé sur mes excès émotionnels : Maux de ventre à répétition des années, paralysie en classe. Exemple : plutôt décéder que de demander à aller aux toilettes. Timidité maladive mais caractère trempé. Up. Down. And up. And down. « C’est donc dès sa construction que l’estime de soi des surefficients mentaux part sur de mauvaises bases. Même si les parents aiment sincèrement leur enfant, ils vont progressivement être dépassés par ce qu’il est. Les réflexions seront de moins en moins positives : il est « trop ». Trop sensible et émotif, cet enfant est forcément couvé et surprotégé. Ou alors il a les nerfs fragiles. Il pose trop de questions. Ensuite on va lui reprocher d’être insolent, de chercher les limites, de pousser les adultes à bout. (…) Les enfants surefficients organisent leur évasion mentale. La puissance de leur imagination est telle qu’elle rend leurs rêves plus réels et évidemment plus plaisants que la réalité. Ils apprennent ainsi à se réfugier dans leur monde parallèle dès que le monde réel les déçoit ou les agresse. » (Je vous renvoie à mon quand j’étais petite). J’ai toujours entendu à mon sujet que je pétais la joie de vivre enfant mais que j’étais sujette à des crises de désespoir, des crises de larmes absolument démentes. Up. Down. And up. And down.

 

J’ai été extrêmement brillante toute mon enfance tout en ne foutant royalement rien. Arrivée au collège, tout allait bien, puis ce fut une lente dégringolade. En fait, je crois que ça fonctionnait en primaire parce que j’avais un seul professeur et je travaillais à la tête du prof. Bingo ! « L’apprentissage, notamment, n’est possible que si l’enseignant et la matière à apprendre sont investis affectivement. C’est pourquoi dire à un surefficient mental qu’il travaille pour lui et non pour son professeur ou pour ses parents est une ineptie.». C’était exactement ce qui s’est passé pour moi et ça n’a plus marché après. On m’a laissée passer de classe en classe à cause d’un malentendu. C’est vrai que j’avais des circonstances atténuantes. On espérait que j’allais me reprendre ; je ne me suis jamais reprise. Potentiel brillant, résultats décevants. L’insolence m’a poursuivie toute ma scolarité pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Je crois même avoir eu la mention « Terroriste » sur un de mes bulletins. C’est vous dire… « Dès l’enfance, les surefficients mentaux se heurtent à des situations embarrassantes (Dans une société d’hémisphères gauches) et incompréhensibles où ils se voient reprocher d’être stupides, insolents ou provocateurs. A l’école s’ajoutent de nouveaux reproches : hors sujet, non respect des consignes. Leurs tentatives pour éclaircir les malentendus aggravent leur cas. Cette incompréhension des implicites est très insécurisante.» Dois-je compter le nombre de fois, où moi qui avais choisi philo comme matière principale, je me suis pris 5/20 pour du hors sujet ?

 

Au chapitre de l’adolescence, je vois une chose. Les circonstances ont fait que j’ai vécu quasiment seule avec Maman l’année qui a précédé l’annonce officielle de sa maladie : une tumeur au cerveau. J’ai mis des années à réaliser que la culpabilité écrasante que je ressentais vis à vis de ma mère était liée au fait que je savais qu’elle était malade. Mon cerveau neuro droitier est fait pour sentir l’indicible, pour sentir les émotions des autres, je suis une éponge à ce niveau-là. Je savais qu’elle était malade et je ne pouvais en parler à personne parce que j’avais peur qu’on me prenne pour une folle. Il a fallu qu’on manque de se tuer toutes les deux pour que je trouve le courage d’aller parler à mon père. Maman avait pris une route à contre sens ; je voyais les voitures nous foncer dessus et elle ne réagissait pas. C’était terrifiant. Mais avant ça, il y avait eu ses silences. Les mauvaises réponses. Les crises de rage qu’elle piquait pour rien. Des mots, des attitudes qui ne lui ressemblaient pas. Je m’en suis beaucoup voulu parce que si j’avais parlé avant, peut-être qu’on aurait pu faire quelque chose. Car lorsque la maladie fut déclarée officiellement, c’était déjà trop tard, 9 mois après, mes non-dits furent enterrés avec le corps de ma mère. C’était trop tard de toute manière, la tumeur était logée à un endroit inopérable. Mais c’était déjà trop tard pour moi au vu du contexte dans lequel j’ai été élevée. (Je vous renvoie à mon quand j’étais petite bis repetita).

 

Pour terminer cette partie sur l’enfance et l’adolescence, il va falloir quand même que je mette sur la table un fait dont je ne conterai pas certains détails. Mais pour des raisons et en des circonstances que j’expliquerai plus précisément un autre jour, j’ai quand même été déclarée très officiellement « enfant prodigue » par l’Etat Français de mes 18 ans à mes 21 ou 22 ans (« enfant prodigue » est une expression qui a bel et bien été marquée dans « le jugement »). J’ai été déclarée irresponsable et ce avec mon consentement. L’entrée et la sortie de ce registre un peu spécial sont mentionnés sur ma fiche d’état civil. Pourquoi j’en parle ? Parce que je crois, à présent, que j’étais très perturbée, certes par ma vie qui n’était pas forcément très simple, mais aussi par toutes ces émotions, ce questionnement permanent qui faisaient que j’étais toujours plus ou moins déconnectée de la réalité. Enfin, ce n’est pas exactement ça. Je me sentais complètement à côté de la plaque par rapport aux autres. Je regardais les autres ados vivre, vivre des histoires, des évènements, s’insérer et je n’y comprenais rien, je faisais en permanence semblant, calquant mon comportement sur d’autres ou tentant de le faire. Ce jugement officialisait ce que les autres me renvoyaient comme image et que j’avais accepté comme réel. J’ai poussé le bouchon très loin et le pretexte fut « l’héritage ».

 

J’ai donc déclaré devant un juge que « cet argent me brûlait les doigts, que je n’en voulais pas et que j’allais en faire n’importe quoi ». N’importe qui, et même en ayant un rapport complexe avec, aurait finalement accepté l’argent, « l’héritage » provenant du décès de sa mère. Pas moi. Malgré toutes les explications, malgré toute la pédagogie qui a pu entourer l’annonce « En tant que pupille de l’état, tu vas recevoir une somme d’argent du fait que ta mère est décédée », malgré tout, j’ai vécu ça comme un des trucs les plus crades qui soient. Je ne gérais pas du tout et j’ai même fini par m’en vanter, ce qui était totalement idiot. Je n’ai purement et simplement pas supporté et même si par la suite, je suis rentrée dans le rang et demandé à ce que ce jugement soit annulé, j’ai consciencieusement cramé l’intégralité de ce pognon – une somme conséquente pour une jeune fille – en quatre mois à New-York deux ans après. Il ne devait rien rester, cet argent était sale. Point barre. Je ressentais ça comme une espèce de compensation, comme si on voulait acheter la souffrance que je ressentais à cause de la mort de ma mère. Je sais que c’est débile. Mais je crois vraiment qu’un surefficient mental peut adopter des comportements étranges. Je suis quasiment sûre à présent que mon comportement fut dicté par cette grille de lecture très particulière qui est propre aux neuro droitiers. Ma réaction était « too much ».

 

« A noter que « la majorité des surefficients mentaux sont profondément désintéressés. L’argent ne les intéresse tout simplement pas. C’est inconcevable pour les normopensants. C’est une aubaine pour les manipulateurs. Je dois beaucoup insister pour que les surefficients mentaux admettent que ce qu’ils vivent financièrement dans leur couple, en amitié, en famille,et même souvent au travail peut s’assimiler à de l’escroquerie et que même si eux s’en fichent de l’argent, nul n’est assez riche pour se faire voler. Seuls les arguments que leur désintéressement cautionne les escrocs ou que cet argent qu’on leur vole est celui de leurs enfants peut éventuellement les amener à se défendre. »

 

Je ne fus certes pas aidée par mon entourage mais je dois bien reconnaître qu’il faisait ce qu’il pouvait face à ma personnalité bordeline. « Car dans notre société les gens sensibles, émotifs et affectifs sont encore trop souvent considérés comme des gens fragiles, immatures et pulsionnels, donc forcément naïf, stupides et irréfléchis. La psychologie a même très vite le réflexe de les étiqueter « bordeline » ». C’est exactement le réflexe qu’a eu mon père. Et la chose que j’ai le plus entendu à mon sujet c’était que j’étais adorable mais totalement irresponsable. J’ai gagné mes galons en menant une vie de mère célibataire… Il serait intéressant de se poser d’ailleurs VRAIMENT la question de comment j’en suis arrivée à être mère célibataire…

 

La conclusion de cette partie sur l’enfance, je la ferais avec le cas de mon fils. Je dois bien avouer que depuis que j’ai lu les deux bouquins, je le regarde autrement. Alors, je ne suis pas du tout une spécialiste mais je suis quasi convaincue que ma fille est normopensante. Ce qui ne l’empêche nullement d’être à priori l’artiste de la famille. Il ne faut pas croire que les normopensants sont dénués de sensibilité. Mais elle s’intègre parfaitement au monde. Par contre mon fils, c’est une autre histoire. Ce qui me fait dire cela ? Ses réactions face à quelque chose qui est injuste. Il peut devenir littéralement hystérique. Par ailleurs, il est relativement compliqué de lui demander, par exemple, de ranger sa chambre. Pour lui, ça n’a strictement aucun sens. Je l’ai observé et j’ai beaucoup ri. Il commence, il s’applique, non mais vraiment, il y met tout son coeur mais ça ne loupe jamais, il décroche. Son imagination l’a emmené ailleurs. Son comportement pouvait me sembler par moments totalement insupportable mais j’ai décidé de faire autrement. J’essaye de moins crier et de lui expliquer les choses différemment. Sa marraine a pour habitude de lui dire qu’il est foufou. C’est vrai qu’il l’est. Mais je crois que Baptiste est tout simplement un petit garçon envahi par ses émotions mais qui a été élevé au fur et à mesure de sa vie dans un contexte émotionnel relativement calme. Contrairement à moi…

 

Prochaine partie, la surefficience mentale, le travail et moi. Ou la surefficience mentale, les amours et moi. (Et ce billet-là ne sera pas une partie de plaisir, croyez-moi 😉 )

 

Source :

« Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués » de Béatrice Millêtre

« Je pense trop » de Christel Petitcollin