Le web : mon malaise. Mon désenchantement ?

7 octobre 2012 10 Par Catnatt

Ce mois d’octobre 2012 aura vu apparaître ce qu’on n’envisageait pas : les classes dominantes utilisent les arguments de minorités en souffrance pour expliquer leur malaise. On marche sur la tête en somme.

 

Jean-François Copé s’empare du faux sujet du racisme anti-blanc. Oubliant allègrement que ce racisme n’a pas d’impact sur le travail et le logement, contrairement au racisme anti-maghrébin ou anti-africain ou anti-asiatique etc. Que certains petits cons débordent et utilisent la race pour en foutre plein la tronche à certains qui ont le malheur -comme les premiers- d’habiter au mauvais endroit au mauvais moment, je ne le nierai pas. Que cela soit compliqué à vivre, je l’entends. Qu’on s’asseoie comme le fait Jean-François Copé sur le fait que ces petits cons ont grandis stigmatisés en permanence dans les médias, dans les propos des politiques, est franchement écoeurant. Il n’y a qu’à voir le traitement médiatique de l’affaire Karabatic : hier un héros national, aujourd’hui brebis galeuse d’origine croate et serbe. Je ne crois pas que la majorité des français blancs se voit rappeler en permanence d’où elle vient. Aurait-on dit de Bernard Arnault évoquant ses envies de Belgique : cet entrepreneur d’origine française, allez poitevine ? Je me suis bien fait traitée dans ma vie de « sale ritale » mais « sale blanche », jamais. Et je doute que la majorité des Français ait souffert concrètement de cette stigmatisation : Le regard de travers quand vous vous pointez lors d’un entretien, la petite phrase à la lecture du cv : « Dupont ? Mais c’est de quelle origine ça ? ». Le refus du dossier de location d’un appartement avec le sourire en coin.

 

Laurence Parisot s’engouffre dans la brèche : « Il règne un « racisme anti-entreprise » en ce moment en France, selon la présidente du Medef. C’est « quelque chose que ressentent tous les entrepreneurs français aujourd’hui, quels qu’ils soient, quelle que soit la taille de leur entreprise et le secteur d’activités dans lequel ils exercent »« . Elle persiste et elle signe.

 

En sociologie, il est établi que finalement nous sommes tous racistes. Nous avons tous nos rejets. Mais au quotidien, il est quand même établi communément que le racisme, chère Madame Parisot, concerne des choses que l’on ne choisit pas : couleur de peau, origine, religion, physique. Alors que vous parliez de désamour entre les Français et les entrepreneurs, je peux l’entendre. Mais « racisme » ? Vraiment ? Les mots sont importants et cette manie de ne plus accorder leur sens à ceux-ci fait des ravages dans notre société. Si les Français n’aiment pas leurs entrepreneurs, c’est peut-être aussi que les têtes d’affiche de cette catégorie sociale sont arrogantes et se foutent du fait que leurs employés au smic sont aujourd’hui parfois obligés de choisir entre se chauffer et bouffer ? Et si on parlait des employés ou des chômeurs qui n’arrivent plus à se loger ? (Voir « Viens chez moi, j’habite sur le canapé d’une copine« )Peut-être qu’au vu du comportement de certains entrepreneurs, ce rejet se base sur des raisons rationnelles alors que le racisme, y compris au sens sociologique du terme, est fondé sur l’irrationnel ? Et vous agitez le chiffon rouge de la peur ? Attention plus d’entrepreneurs, plus d’emplois !

 

 

Et que dire sur le mouvement des #pigeons ? Chiffres approximatifs, patrons de start-up vivant à l’étranger en tête de liste (on croit rêver) : « D’autres crient à la manipulation, soulignant quelques liens de proximité : le frère de Carlos Diaz, Manuel, est le PDG de l’agence de communication Emakina, qui a piloté la campagne Internet de Nicolas Sarkozy. L’agence de communication de Yaël Rozencwajg, Yopps, est également soupçonnée d’œuvrer dans l’ombre, ce qu’elle dément et que rien ne prouve, sinon le fait que la jeune femme ait créé le site « défensepigeons« . Pour finir : « Si le doute continue de planer, sur Twitter et sur les blogs, quant à la spontanéité ou non de l’action des « pigeons », tout le monde s’accorde sur le fait que leur action a été efficace : une poignée de Net-entrepreneurs, dont une part vit et travaille déjà à l’étranger, a effectivement réussi à fédérer en toute bonne foi des milliers d’autres, et à faire d’une problématique fiscale qui concernait avant tout les « capital-risqueurs » français une bataille pour l’image et la défense des entrepreneurs en général. » (source Le Monde). Comme a dit je ne sais plus qui sur twitter (@la_question ?), j’aurais aimé une manif de ce mouvement pour voir. Facile de liker, beaucoup moins de descendre dans la rue. Reste que le gouvernement a plié.

 

Le web serait-il de gauche tant qu’on touche pas à son pognon ? Pigeons ? Vraiment ? Qui sont les pigeons en France ? Ceux qui sont au smic, qui je le rappelle est un salaire minimum censé pouvoir subvenir aux besoins de base : manger, se chauffer, se loger, et qui précisément n’y arrive plus ? Mais ceux-là on ne les entend pas dans les réseaux sociaux, trop occupés à survivre ou à oublier.

 

 

http://www.salairemoyen.com/france.html

 

Oui, franchement, ce mois d’octobre est étrange. J’attends novembre. Peut-être que le sujet sera la taxation des retraités. J’entends bien qu’ils gagnent parfois plus que les actifs mais je me demande si le gouvernement a envisagé le fameux chèque que les grands-parents font pour payer la cantine de leurs petits-enfants, les billets de train pour partir en vacances ou les couronnes dentaires.  Le chèque qui paye la réparation de la bagnole de leurs enfants ou remplacer le frigo. Et je me demande ce que cette éventuelle taxation sur la marge de manoeuvre dont disposent certains retraités (je ne parle pas des riches hein…) des classes moyennes ou inférieures aura comme impact sur la vie des 90 %. Chez les plus défavorisés, c’est parfois un billet de 50 euros qui sert à payer les courses de la fin du mois. A titre d’exemple : moi. Si mon père qui a une confortable retraite effectivement se fait taxer, ce qui sur le principe me semble normal, l’impact sera directement sur moi. Et c’est moi qui basculerai. M’entendra-t-on gueuler sur le web ? Je ne crois pas. Est-ce qu’une page facebook sera créée par des retraités en colère ? Probablement pas. Est-ce que ça sera relayé par les réseaux sociaux ? Ben voyons.

 

Pendant ce temps-là, ces messieurs revendront leur start-up et réinvestiront leur pognon dans une nouvelle, créant certes des emplois mais des emplois à quel niveau de salaire ?

 

Le problème essentiel aujourd’hui en France, c’est ce fait ahurissant : on a beau travailler, on ne s’en sort pas forcément. Avant la religion faisait tenir le coup : on espérait qu’après une vie de merde, on accèderait à quelque chose. Aujourd’hui quel est le sens de sa vie quand on trime dans une usine, qu’on bosse 8h par jour et qu’on ne s’en sort quand même pas ? A quoi ça sert ? Une couche de youtube #lol pour tenir ?

 

Tout ça pour dire quoi ? Quelqu’un m’a dit « Le web, c’est pour les chômeurs, ça les occupe ». J’étais choquée. Et puis cette personne a nuancé son propos : « Le web, ça occupe. Pendant ce temps-là, les gens ne se révoltent plus ». La masse silencieuse, les 90% likent, regardent des vidéos, des émissions de télé-réalité. Elle passe son temps comme elle peut pour oublier. Sur twitter, on commente les phrases des uns et des autres. Les médias classiques s’adaptent : les pigeons font la une. Finalement les CSP+ font et défont les évènements. Ce sont eux qui sauvent une caissière parce que son histoire rencontre un moment sur le web. Une histoire… Un moment…Le storytelling l’emporte sur la sociologie. Ce sont les mêmes qui font monter la sauce sur la dernière connerie de Copé ou de Parisot. Comme moi. J’ai un salaire de CSP+ mais je suis mère célibataire. Je suis entre deux eaux.

 

Y-a-t-il un ouvrier influent sur le web ?

 

Finalement, c’est la même merde partout sur la toile : les classes dirigeantes, des gens blancs, hétérosexuels, actifs, de sexe masculin, d’environnement judéo-chrétien continuent de mener la danse. Les plus enragés des blogueurs de gauche en font partie. Isn’it ironic ? Mais quoi qu’on en dise, rien ne change pour ceux qui sont de l’autre côté. Le printemps arabe n’est finalement qu’un accident dans tout ça et encore parce que cela tendait à vouloir rejoindre le système politique occidental. Si on tient compte de cela et que je tire un trait vers ce billet que j’avais écrit il y a longtemps,  « Warhol killed the revolution » , on aboutit à un système paralysant. Le web est une illusion de démocratisation. Je me cite (je sais, c’est mal) : « Aucun pouvoir politique jusqu’à présent n’avait compris que le meilleur moyen pour anesthésier un peuple, c’est de lui faire croire à travers d’autres vecteurs que l’Etat, qu’il compte, du moins que chaque individu qui le compose est unique et aura droit à l’expression de sa singularité. (…)La méthode à l’ego a généré deux phénomènes : perte du sens du groupe, en tant que support solidaire, au profit d’un « nous » potentiel ennemi du « je »; obsession du « je » devenu sens de l’existence avec un sacre médiatique éventuel. »

 

L’affaire Copé, l’affaire Parisot, l’affaire #pigeons en est la parfaite démonstration : glissement du vocabulaire que l’on emploie à mauvais escient pour pouvoir défendre finalement les intérêts de classes supérieures. Même quand on est contre comme pour les propos de Copé, on leur donne tribune. Parfois, ça me fait ricaner. Parfois, ça m’écoeure. Souvent, ça me désespère…

 

« We are all fucked up now »…

 

Note : je sais que ce billet est désordonné. Confus. Mais si je le publie quand même c’est que depuis quelques temps, je ressens un vrai malaise. Depuis quelques temps, je n’arrive plus à commenter, à être prise dans cette spirale. Je n’ai même parfois plus d’avis. Est-ce le désenchantement ? Je ne produis que des contenus réactifs, devenue incapable de produire quelquefois du fond comme je le faisais avant et je n’aime pas ça. Il fallait que ça sorte…)