Mediapart, Cahuzac, les mots : le malaise
Postulat de base : je ne fais pas partie des détracteurs de Mediapart sur le fond. Ce qui m’a toujours gênée, ce sont leurs méthodes marketing : « feuilletonage », mail de promo écrit par des journalistes expliquant grosso modo qu’avant ils travaillaient ailleurs mais qu’à présent depuis qu’ils sont à Mediapart, c’est vachement plus bat. Tout ça n’est pas bien grave et n’entache pas non plus le sérieux de leurs enquêtes.
Il y a eu l’affaire des quotas dans le foot avec un article doté d’une titraille assez douteuse – « Foot français: les dirigeants veulent moins de noirs et d’arabes » – et d’un contenu plus ambigu que le titre suggérait. Quand on pense à ce que prennent dans la tronche l’Express ou le Nouvel Obs quand ils appliquent le fameux « La une cible les tripes. C’est à l’intérieur qu’on s’adresse au cerveau », ça laisse rêveur… Mais accordons à Mediapart le fait de ne pas en faire une habitude. Je ne reparle pas de ça par hasard, c’est juste que le site a envoyé un mail de promo ce matin à ce sujet.
Je ne remets pas en cause encore une fois les compétences et le sérieux de l’équipe de Mediapart. Mais il y a quelque chose qui me gêne dans le service après-vente surtout avec l’affaire Cahuzac. J’ai fermé ma gueule depuis hier sur le sujet car j’avais le souvenir de l’affaire Woerth en tête. Je ne vais pas aller chercher mes tweets mais je ne suis pas certaine d’avoir fait preuve de pondération. Alors quand on a débordé verbalement parce que c’était le camp politique opposé, on a la décence de laisser les ravis de l’histoire s’exprimer (même quand on se retrouve avec des gens du front de gauche main dans la main avec des sympathisants ump).
Ce qui me met mal à l’aise, c’est l’usage du mot « Victoire » par Mediapart et Fabrice Arfi. L’ouverture d’une enquête judiciaire sur un ministre n’est pas une victoire. Revenons aux basiques et regardons la définition du mot victoire dans le dictionnaire en ligne larousse :
Issue favorable d’une bataille, d’une guerre : Fêter la victoire.
Succès remporté dans une lutte, une compétition : La victoire d’un joueur d’échecs.
Je ne savais pas qu’il y avait une guerre et/ou que Mediapart était en compétition avec Cahuzac. Je trouve le mot curieux. Pour moi, Mediapart a enquêté et informé ses lecteurs. L’issue n’est pas l’enjeu principal à mon sens et encore moins une victoire parce que ce genre d’affaire est toujours dommageable pour la République (ça ne change rien au fait que les enquêtes sont nécessaires évidemment, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit). Que l’équipe se réjouisse que son travail soit reconnu et entendu, je peux parfaitement le comprendre mais il y a des mots qu’on n’utilise pas sous peine d’instaurer un climat étrange. La presse en guerre contre les politiques ou la politique ? C’est malsain, non ?
Pour terminer, j’ai lu le billet de Daniel Schneidermann de ce matin. Il a raison. Je cite :
Depuis hier soir le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, déplore sur toutes les antennes que Cahuzac n’ait pas démissionné dès les premières révélations du site, en décembre dernier. Cette appréciation de nos amis et partenaires me semble malfondée, et même dangereuse. Un media n’a pas à dicter son comportement à une personnalité qu’il met en cause. Le rôle de Mediapart (que le site a magistralement rempli) est de faire des enquêtes. Aux mis en cause, ensuite, de gérer leur défense comme ils le peuvent, comme ils le veulent, d’où ils le veulent. Que l’investigateur et l’investigué restent chacun à leur place, et la démocratie sera bien gardée. Attention aux tentations de la surpuissance.
J’aurais quand même aimé poser une question à Edwy Plenel parce que je ne comprends pas un truc : Est-ce que dès lors qu’un journal sort une enquête sérieuse ou pas (quels sont les critères pour le déterminer, je serais curieuse de le savoir surtout à base d’enregistrements téléphoniques), la personne incriminée doit-elle démissionner ? Est-ce à dire que n’importe quel support peut sortir donc n’importe quoi et que tout le monde trouve normal que les conséquences soient immédiates ? Ou est-ce uniquement lié à Mediapart ? Ca commence où et ça s’arrête où ce genre de mécanique ? Est-ce que ce n’est pas à la justice de donner le tempo ? Est-ce que cette phrase de vous, monsieur Plenel, sous entend que dorénavant Mediapart se substitue à la justice ? On démissionne et on vérifie ensuite ?
Et pour revenir à l’affaire des quotas dans le football, si on suit ce raisonnement, est-ce à dire que les personnes incriminées auraient du démissionner immédiatement ?
Je n’ai jamais été une fana de l’arrogance et quelque part, Mediapart se situe là-dedans. Je peux comprendre ce qui les amène à ce sentiment car effectivement, ils sont à l’origine d’informations fondamentales, pour autant, ça ne le justifie pas. Comme dit Daniel Shneidermann, attention, effectivement à la surpuissance, ça peut être enivrant mais la gueule de bois n’est jamais loin.
Je suis partagé dans cette histoire.
Abonné Médiapart depuis longtemps, que ce soit sur les affaires Bettencourt, ou L.Blanc, Karachi et maintenant Cahuzac.
Mediapart, pour moi, est d’utilité journalistique, à l’instar du Canard Enchainé ou Bakchich par exemple. De l’investigation, il reste peu de journaux face aux médias afpesque qui enchaine dépêches sur dépêches avec un édito au début histoire de marquer son positionnement.
Depuis décembre, Mediapart a lancé l’affaire Cahuzac, en feuilletonnant. L’enregistrement est venu assez vite dans cette affaire. Le bruit médiatique a été assourdissant tellement cela paraissait énorme. Mediapart, accusant vertement Cahuzac s’est mis à dos les 3/4 quart des autres journaux ( Nouvelobs, JDD, Europe1…) ils s’en sont pris plein la gueule pendant des mois, dans les émissions type grand journal, petit journal, mots croisés, médiasmag, sur twitter (lire la TL de Fabrice Arfi qui se fait pourrir depuis des mois).
Et Cahuzac a démissionné hier, pour cette affaire, alors oui ils crient victoire parce qu’il en allait aussi de la survie de Mediapart. La pub avec Laurent Blanc date de Lundi, et la vidéo qui va avec c’était pour leur anniversaire qui tombait le week-end dernier. Les deux évènements se téléscope et c’est regrettable, mais dans cette histoire, les Aphatie, Pascale Clarke, Patrick Cohen, et Renaud Dely, et j’en oublie tellement la liste est longue de journalistes piteux, ce n’est pas plus glorieux quand je lis le billet de blog d’Aphatie du jour qui en remet une couche.
Autrement, c’est vrai que l’orgueil est mauvaise amie, mais honnêtement, la pression avait l’air d’être forte contre Plenel et Arfi. L’émission d’arrêt sur image avec le canard enchainé et Arfi était très bien, à l’époque ils disaient tous que cela méritait une action en justice ( à l’époque il n’y avait rien).
Autrement, pour Woerth, à l’époque je demandais aussi sa démission, je n’ai pas plus d’accointances, avec un Cahuzac ou un Laurent Blanc (qui oui avait tenu des propos racistes) . S’ils surfent aussi sur cette affaire, c’est aussi pour avoir des abonnés, pas de pub, peu d’aides.
Quand on dégage un bénéfice de 700 000 euros (d’après ce que j’ai compris) avec un nombre d’abonnés constant ( en effet, ce n’est pas parce qu’ils ont eu la presse à dos, ce qui est vrai hein, que ça a eu un impact sur eux que je sache, ce serait même le contraire) j’ai du mal à croire au péril en la demeure.
Maintenant, je comprends ton point de vue. Alors, okay pour la « victoire » à la limite.
Mais alors concernant la démission, je ne vais pas être d’accord. C’est la porte ouverte à n’importe quoi et accessoirement une grande instabilité politique. La presse ne peut pas donner le tempo à la justice. Si politique et presse se situent sur la même ligne, pour moi la justice est ailleurs.
Il a démissionné à cause de l’enregistrement et d’une validation technique par la police. Si le parquet lance une instruction avec deux juges du pôle financier, cela devenait intenable pour Hollande.
Ne pas oublier que Cahuzac a promis, les yeux dans les yeux à Hollande que cette affaire était bidon. Si elle est vraie, Hollande a perdu 3 mois.
Dans l’Europe, ce genre d’histoire, imagine en Allemagne, en une semaine il aurait démissionné (au même moment un ministre pour une sombre histoire de faux diplôme) en Angleterre, avec leur presse compresseur, même délai, et on aurait eu droit à l’ex femme, des photos à la con. Je préfère ce système là, une enquête est lancée, il se défendra et le gouvernement se protège. La ligne politique gardera la même direction, Cahuzac ou pas.
Je suis pas sure d’avoir compris ton commentaire Olivier.
Je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas que Cahuzac démissionne. C’est normal qu’il le fasse quand la justice en est là. Ce que je ne veux pas c’est ce que Edwy Plenel réclame (en quelque sorte) à savoir que Cahuzac aurait du démissionner au moment des publications de son site.
Moi, les systèmes à l’anglo-saxonne, je m’en méfie comme de la peste. Ils ne respectent pas deux fondamentaux : le respect de la vie privée et le tempo de la justice.
Ah là dessus nous sommes d’accord, je préfères notre système que les poubelles anglaises.
Pour Plenel, je crois que l’enregistrement, pour lui, aurait convaincu tout le monde. C’est toujours pas le cas.
T’as lu le billet de Schneidermann ? Où il explique que l’enregistrement confirme sur une échelle de 2/4 que c’est Cahuzac ?
C’est normal d’avoir des doutes mais c’est tout à fait normal que la justice s’empare de l’affaire. Ne serait-ce finalement que pour Cahuzac. Tant que ca sera pas clair, ce sera intenable pour lui.
Oui, je l’ai lu tout à l’heure, comme souvent son analyse est juste !
J’avoue que j’ai arrêté mon abonnement au moment de l’affaire du foot. Je n’en pouvais plus d’être harcelée, et le mot n’est pas trop fort, par Médiapartà ce sujet dont je me fiche pas mal. Le foot ne m’intéresse pas, pas du tout, et j’en avais tellement marre de leurs mails constants et à la limite de l’arrogance. J’ai ensuite demandé qu’ils arrêtent aussi de m’envoyer les dizaines de mails quotidiens.
Je trouve très bien qu’il reste des médias qui enquêtent vraiment, mais cet acharnement à vouloir nous forcer à ne penser qu’à ça me fatigue, peut être une question d’âge…
On peut tout à faire se laisser formater par l’information délivrée par la majorité des médias qui ne font que reprendre ce que dit le voisin sans analyse ou recul. On peut alors affirmer que Chavez était un dictateur ou que Musso est un écrivain.
Après, on peut se passer de la télévision et chercher des sources « moins officielles ». On peut lire les écrits des uns et des autres pour voir quels sont leur vrais propos et idées. Il est certain que lire un bouquin de Stiglitz est un peu plus ardu que de lire un roman de Marc Levy.
Un exemple pour illustrer les propos ci-dessus : la façon dont a été traité l’arrêt de la Cour de Cassation sur la crèche. Si l’on écoute les médias on ne peut plus interdire le voile dans une entreprise privée. Si on lit l’arrêt c’est la rédaction du règlement interne et notamment le manque de motivation de l’article incriminé. Donc il suffit de réécrire le règlement intérieur pour que cela passe. Après on peut tout à fait partir dans des débats sur la laïcité.
plenel est bien placé, après les accusation hasardeuses relayées dans le monde contre baudis quand il dirigeait le monde,
pour savoir que, comme tu le dis, la sortie d’un dossier ne devrait certainement pas entraîner automatiquement une démission.
là dessus je rejoins aussi schneiderman, qui doit boire du petit lait de pouvoir faire une nouvelle fois la leçon à celui qui l’a licencié du Monde pour l’avoir un peu trop critiqué 😉
Mediapart est de plus en plus conforté dans son rôle de bons enquêteurs fouteurs de merde (au bon sens du terme). Tant mieux pour eux.
Plenel est la parfaite tête à claques, mais c’est pas inutile pour faire parler de son mag.
Quand il passe du rôle de journaliste à celui de procureur, il devient un connard fini et un ennemi de l’état de droit. Il aura toujours une revanche à prendre envers le pouvoir, et encore plus si c’est le Ps qui est au pouvoir.
oublions ce qui sort de sa bouche, et lisons les articles des journalistes.