La réconciliation
Je crois que je peux parler de réconciliation. Une réconciliation avec les hommes.
Je me suis séparée de mon compagnon, désormais ex, en 2010. Quatre années se sont écoulées, presque quatre années, 44 mois, autant de jours retirée du champ amoureux. J’ai passé toute ma vie sentimentale à m’élancer de branche en branche, jamais vraiment seule, plus ou moins bien accompagnée, du sexe à la passion, du désir à l’amour. Et la machine s’est cassée.
Des déceptions accumulées, un début de misandrie, un cynisme naissant, où sont passées les grandes espérances ? Mis à part un accident de parcours pendant ces quatre années – comme un rappel à l’ordre, un coup de semonce, Nathalie, tu restes une idéaliste – l’absence règne. Une absence masculine. J’ai presque cru en être perpétuellement dégoûtée, mais j’ai eu raison de faire ce choix-là certes radical, mais qui avait du sens ; j’ai déserté, en retraite des hommes.
C’était une opération de nettoyage.
Il m’a fallu 44 mois pour me laver, faire disparaître toutes ces petites taches sur mon coeur. Je me sentais lourde, lourde de toutes ces histoires à tiroirs. Un temps de solitude choisi, mûrement réfléchi, très bien vécu pour me nettoyer de tous ces réflexes toxiques, effacer le soupçon, la suspicion, ne plus analyser systématiquement les attitudes, les réflexions sous le prisme d’histoires passées. Ne plus confondre le nouveau avec l’ancien. Ne plus subir son petit dictateur, cette peur de l’abandon qui nous fait faire n’importe quoi. Un temps où j’ai préféré être libre plutôt qu’amoureuse.
Et un beau jour de 2014, entre bonnes résolutions et réel changement, j’ai poussé la porte et à nouveau pénétré dans le champ de la séduction. J’ai 43 ans – c’aurait été tellement beau que cela dure 43 mois – et je vais bien. Ce temps ne m’a pas fait revenir en arrière, adolescente éperdue, jeune fille rêveuse, non, c’est encore mieux : je suis légère. Tellement légère. J’ai confiance en moi, je me sens intelligente et jolie, je ris, je souris, j’entreprends, je ris beaucoup, joyeuse, ravie de vivre encore et encore. Je secoue mes cheveux, c’est devenu un running gag, ça fait hurler de rire mes copines, je secoue mes cheveux parce que je suis disponible – il paraît que les filles disponibles secouent leurs cheveux – alors je le fais, surtout ne pas prendre tout cela au sérieux. Résolution 2014. Rien n’est plus sérieux quand on a 40 ans.
Je me suis pris deux râteaux et je n’ai absolument pas été déstabilisée, ça m’a fait rire. J’ai croisé deux hommes qui m’ont plu, je n’ai pas tergiversé, je les ai contactés, je leur ai dit que je les trouvais vraiment séduisants, voilà mon numéro si tu as envie. Ils étaient pris, je les espère amoureux (pas de moi cela va sans dire, mais j’adore les hommes amoureux). Ce qui était fou, c’est qu’à chaque fois que je me suis élancée dans le vide, même si je savais qu’ils avaient été légèrement dans la séduction avec moi, à chaque fois que j’ai envoyé ces textos, je n’ai pas passé le reste du temps à me laisser envahir par cette démarche. Je n’ai pas pensé qu’à ça avant de recevoir une réponse et une fois celle-ci reçue, je n’ai ressenti ni déception ni remise en question : je suis pas assez, trop, pas assez, trop… Il n’y avait aucun enjeu et c’est ça qui est formidable dans cette réconciliation. C’est encore mieux qu’avant ! Je n’ai plus peur. Je trouve un homme séduisant, je le lui dis, je ne laisse pas des jours, des projections s’installer, je m’exprime simplement, il est disponible ou pas, c’est pas grave. Leurs réponses sont tellement charmantes ; délicates. Et j’adore voir des hommes se comporter ainsi, ça me donne une énergie dingue.
Une quarantaine bien gérée peut apporter ça : cette légèreté. Une légèreté jamais connue auparavant : à 20 ans, on attend fébrilement la passion, on n’a pas suffisamment confiance en soi, à 30 ans, il faut construire, les enjeux sont phénoménaux ; une légèreté qui n’a rien à voir avec l’insouciance, une légèreté liée au fait que chaque sentiment, chaque émotion est à sa juste place. Je peux en sourire toute seule dans la rue. Une légèreté comme une lumière avec au bout ce désir, cette folle envie d’être une vieille dame souriante, bienveillante et délicieuse.
J’avais envie de partager ça avec vous. Dire que c’est possible. Qu’à 40 ans, on n’est pas forcément éteint, envahi, presque paralysé par l’expérience, que l’on n’est pas fatalement saturé de désillusions même s’il reste peu de place pour les illusions ; il y a un entre-deux. Il y a autre chose, une autre sortie, une autre voie. Même si quelque part, au fond de mon coeur, je reste éternellement assise sur un tabouret de bar, un peu déconnectée du monde par les vapeurs d’alcool et que je n’en finis pas de croiser son regard – love at first sight. Si je l’aimerai toute ma vie, je ne l’attends plus, il est rangé dans un joli tiroir. J’ai finalement eu beaucoup de chance de ressentir cet élan, ce sentiment irraisonné, être cloué sur place par un autre être humain, démuni et enflammé (et ce n’est pas de mon ex dont je parle)
Il reste tellement d’espace pour autre chose. Je ne me sens pas rétrécie par le temps qui passe, cette quarantaine comme un étau. C’est fini, ça. La réconciliation comme une paix, la réconciliation comme un chemin. Un autre espace s’est ouvert et j’adore m’y balader : je vous l’assure, on y croise des hommes charmants et délicieux…
C’est bon de lire ça. On dirait une ode à l’espérance, à la passion, à l’amour profond, intrinsèque. Content que tu reviennes dans le monde des indécis, des aventuriers du quotidien qui s’élancent dans un soupir vers des cœurs plus ou moins libres. Tu as raison de dire que tu te sens belle et intelligente, car c’est vrai, c’est ce que tu es, et tant pis si d’autres t’ont fait souffrir, ils n’ont peut-être pas vu, ou compris, après tout, on s’en fout, tu vis de manière exaltée, et ça, c’est précieux.
J’aime beaucoup, beaucoup, le mot espérance. Si on arrive à maintenir en vie ce mot dans nos coeurs, je crois que c’est gagné
Garder l’espérance, et le feu. Même à 50 ans, et même encore à 60. Mais les râteaux laissent de plus en plus de traces. Et les quadra, quinqua, sexagénaires préfèrent -pas tous, c’est vrai- celles qui pourraient être leurs filles voire leurs petites-filles …
J’aime beaucoup l’idée de la vieille dame bienveillante. Que l’on peut être aussi à 43 ans (mon âge également). Plus d’amour, de sourire et de bienveillance pour des rêves d’un monde plus beau auquel on ne peut que contribuer de cette façon.
Le bonheur est contagieux. En étant comme tu le décris tu attireras les gens comme des aimants. J’en suis persuadée 🙂
Je te souhaite plein de belles et bonnes choses pour la suite !
J’arrive moi aussi aux 4 ans de séparation et j’ai 10 ans de plus que toi. J’espère accéder à cette légèreté qui fera revenir mon large sourire et mon regard « coquin » qui plait (encore) aux hommes.
Merci pour ce billet d’humeur plein d’amour et d’indulgence pour toi-même!
De la très soutenable légèreté de l’être…
C’est long la simplicité et l’authenticité. Mais de quoi avait-on peur ?
Une image, une minable petite image de soi.
C’est quand on ne se soucie plus du mirroir que d’un coup, nous sommes plus beaux. Une fraîche drôlerie de l’existence.
Et il y en aura d’autres pour vieillir joyeusement.