Respire, marche, souffle.

2 octobre 2015 3 Par Catnatt

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Okay, ce n’est pas la rentrée que j’espérais.

Okay, je me suis fait chopée en plein vol, je suis malade.

Okay, les déceptions sont là.

Okay, le juge n’a pas fait son taf et on repart pour un tour avec les enfants.

Okay, je me suis pris une torgnole lorsque que quelqu’un de très important pour moi m’a répondue « Rien » à la question que je lui posais : « Qu’est-ce que tu attends de moi exactement ? » La violence que ça représente pour moi d’être considérée comme inutile.

Mon mouvement naturel face à ça, c’est partir au combat, défendre ma cause ; je ne supporte pas l’injustice, ça date de l’enfance, c’est enraciné en moi. Ça ne fait pas assez mal pour que je me mette en mode Scarlett « j’y penserai demain », ça me fout juste dans un mélange de rage et de désespérance. Sauf que tout additionné, j’en conclus que l’univers, je ne sais pas quoi, me dit que je m’y prends mal. C’est instinctif et toute ma vie m’a démontrée que j’ai raison d’écouter cette petite voix intérieure. Disons que je ne suis responsable de rien, que rien n’est de ma faute, ça c’est très clair. Pour autant, je reste le dénominateur commun de tout ça. Ça fait quinze jours que j’ai toute la zone orl atteinte, autrement dit je suis sourde et je respire mal. Je crois que c’est pas par hasard, ce que j’entends, ce qu’on me dit est littéralement inaudible et on a à peine entamé la rentrée que je suis déjà exsangue.

Dont acte.

J’ai pris une journée de congé payé du jour au lendemain. J’ai quitté la maison à 10h du matin, je ne voyais pas d’issue et j’ai marché toute la journée. J’ai traversé les Buttes Chaumont, ça sentait bon l’herbe fraichement coupée, tout ça était vraiment injuste, j’ai parcouru les quais, je me suis interdit de pleurer. Je suis passée devant la gare de l’est et puis la gare du nord, j’allais me foutre de tout. Je me suis arrêtée à un café, je n’ai pas regardé mon téléphone, j’allais être stratégique. Je suis remontée vers Anvers, j’étais en colère, on allait voir ce qu’on allait voir et continué le long du boulevard de Clichy. J’ai déjeuné avec Adri, on a ri, on a parlé, c’est moi qui lui ai dit de ne pas s’énerver et elle m’a fait rentrer dans les Galeries Lafayette, ce qui ne m’arrive jamais. Je n’ai rien acheté. On est redescendu à Opéra, on s’est dit au revoir, j’ai continué place Vendôme, je m’en fous, qu’ils aillent tous au diable et débarqué sur la place de la Concorde, une de mes places préférées à Paris. Cette ville est grande et je suis toute petite ! J’avais oublié à quel point je suis amoureuse d’elle. J’adore être entourée d’histoire, me dire que nous avons été des millions siècle après siècle à arpenter ces rues et à chercher une issue à nos infimes problèmes. Je suis passée rive gauche, j’ai marché, j’allais m’en sortir comme d’habitude, Nathalie tu retombes toujours sur tes pattes, tu es comme les chats tu le sais bien ; je me suis posée sur une chaise longue devant la Seine et deux bateaux. J’aime les bruits d’embarcations dans l’eau, ça a un parfum d’enfance, Papa, le port et notre bateau : ça m’apaise direct. La vie est belle. Je suis repartie, moi, ma salopette, mes emmerdes et mon sac à dos.

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Je suis repassée rive droite, j’ai rejoint le Louvre, tout ne va pas si mal, relativise, j’ai vu ma chère pyramide, j’ai traversé à nouveau la Seine, rive gauche à nouveau, oui c’est injuste tout ça, mais je ne vais pas m’agiter en vain, colonise ton énergie ; j’ai marché, marché, marché jusqu’à ce que j’arrive sur l’île Saint Louis. Le serveur du café m’a prise pour une touriste, j’étais ravie, j’ai bu un coca en écoutant un mec au piano en plein milieu de la rue. Et c’était bien. J’ai de moins en moins réfléchi, de plus en plus ancrée dans l’instant présent. J’ai lâché prise. J’avais de plus en plus mal aux jambes, ma tête allait de mieux en mieux ; je respirais mieux. Je ne vais pas faire comme ci, comme ça en fait, je ne vais rien faire du tout. Après tout, ce ne sont pas mes problèmes. La musique m’a accompagnée tout le long et j’étais bien seule ; j’entendais de mieux en mieux. Il y a eu cette chanson d’Arman Mélies « Constamment je brûle » qui parle probablement d’amour, mais je l’ai fait mienne et lorsqu’il parle de l’âtre, pour moi c’est le stress, quand il parle de son astre, c’est ma quête de vie que j’entends et pour « les origines incendiaires », je sais parfaitement à quoi ça fait référence : on en revient toujours à son enfance. Et oui, j’ai vraiment la sensation de « brûler constamment à petit feu, un petit peu, ici et là » et je me consume. Que va-t-il rester ? Et est-ce que je ne partage pas cette sensation avec des milliers de gens ? Vous ? Des milliers d’incendies à la gloire de nos injonctions pas si nécessaires que ça ? C’est moi, c’est nous qui rajoutons du combustible à ces flambées. Et si nous déposions les armes, les branches, le bois ? Et si je n’étais pas obligée de porter les injustices que l’on m’inflige ? Nous n’en finissons pas de nous presser, tous nous presser, tous ensemble, les uns contre les autres, comme des citrons, dans l’amour et la haine, la domination et la soumission, la concurrence et la solidarité. Tant de rapports de force… Je ne suis plus obligée de partir en guerre, ça c’est pour les êtres en devenir, je préfère partir en paix sans pour autant laisse un blanc seing au monde.

De l’île Saint Louis je suis repartie, j’ai traversé à nouveau, rive droite, le nez en l’air, le Marais, le sourire aux lèvres, un stop au boulot pour récupérer mon chargeur et je suis rentrée chez moi à 18 heures légère comme une plume. Ça faisait 8 heures que j’étais partie. 8 heures pour reprendre mon souffle.

Après 40 ans, c’est une course d’endurance qui commence. Il faut opérer dans un espace de plus en plus restreint tout en restant dans une dynamique, un mouvement. Trouver un second souffle avant d’étouffer, avant de se consumer totalement et qu’il ne reste que des cendres. Qu’est-ce que je veux vraiment ? Je suis très envahie par des problèmes qui ne sont finalement pas les miens. J’ai laissé faire. J’ai servi de déversoir, de défouloir. Je suis un bouton sur lequel on appuie quand ça chante. J’ai laissé faire. Qu’est-ce que je veux vraiment ? C’est quoi le plan ? De quoi j’ai envie ? Rester ainsi, écrire un roman enfin ? Un moins mauvais que le premier du moins. Monter le projet qui me trotte dans la tête depuis quelques temps ? Continuer de porter des gens parce que ça, je sais faire ? Reculer ? Tout changer ? Partir ? Tout quitter ? Rester ? La seule chose dont je suis sûre, c’est que plus le temps passe, moins j’en perds à réagir, je sais de mieux en mieux prendre soin de moi.

Traverser tout Paris, marcher des kilomètres et des kilomètres ne m’a apportée aucune réponse. Justement ! Il n’était pas question d’entasser un truc de plus dans une tête farcie par des personnes, des problématiques, des mauvaises énergies. Si je ne peux rien changer à mon monde, moi, je peux changer ma façon de le vivre. J’ai fait le ménage par le vide et la marche, je ne pars plus au combat, je me laisse porter comme les bateaux que j’ai croisés tout le long de cette merveilleuse balade d’octobre. Un copain sur twitter m’a dit « c’est ton pèlerinage de Compostelle à toi » et j’ai trouvé ça juste. Une autre m’a dit qu’elle avait fait la même chose la veille et il y a quelque chose d’infiniment touchant dans le fait que nous avons probablement croisés sans le savoir des êtres qui étaient dans la même quête que nous ; ou comme dit Candice sans quête justement, appuyer sur pause le temps de quelques heures.

Et si l’évocation de la chanson d’Arman Mélies vous a interpellé, la voici. Elle m’a accompagnée une partie de cette journée, elle ressemble à cette journée d’ailleurs, tellement contemporaine, une ritournelle, les mêmes mots répétés à l’infini, dits avec tristesse, et puis « énervement » et avec apaisement et enfin presque de la joie…

Comme je n’allais pas faire plusieurs billets, voici la playlist de septembre.
Bon week-end 🙂

Pour les anti spotify