La joie ( I want to thank you)

22 mai 2016 3 Par Catnatt

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Vous n’avez quand même pas cru que vous alliez vous en sortir sans un énième billet #Logement ?! Ça fait combien de temps ? Un mois et une semaine que je vous mets la tête comme une gougourde avec mes histoires ? Continuons !

J’ai trouvé. J’ai trouvé, bordel ! La prudence me murmure à l’oreille que tant que j’ai pas définitivement signé, je devrais fermer ma gueule, mais comme vous avez dû le noter, c’est pas trop mon truc…

Mais revenons en arrière.

J’ai fini par comprendre pourquoi aucun élu ou quasi ne répondait : les procédures sont totalement anonymes depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo. Comme je le disais dans le précédent billet, je comprends carrément la démarche qui se veut transparente et sans possibilité de passe-droit. La conséquence est de désincarner complètement les dossiers, nous sommes des cotations. Ce que j’ai envie de suggérer à la mairie, c’est de faire beaucoup plus de communication à ce sujet parce que tout le monde, mais alors absolument tout le monde m’a dit qu’il fallait que j’interpelle, que je me signale et que je ne lâche rien. Résultat : je me suis fait accuser par une abrutie de vouloir un piston. Elle m’a carrément dénoncée à Yan Brossat, l’adjoint au logement de Paris. J’ai totalement halluciné ! Alors si je peux comprendre vaguement pourquoi elle a cru ça, j’ai envie de dire qu’il faudrait être sacrément débile pour réclamer un piston sur les réseaux sociaux. J’ai juste voulu qu’on sache que j’existe et qu’on connaisse ma situation parce que peut-être il y avait une politique de prévention mise en place : récupérer les gens avant qu’ils ne soit trop tard. Bon, je vous le dit tout net : ça n’existe pas.

Alors si j’ai un bon conseil à donner à tout le monde, c’est de vous inscrire quoi qu’il arrive sur une demande de logement social. Ne faites pas comme moi : vous avez un logement, vous pensez être tranquille et paf, c’est la panique. Faites-le si vous aviez droit. Si un jour ça tombe, c’est bien. Inscrivez aussi vos enfants dès qu’ils ont 18 ans.

Bref, lundi dernier, je sombrais tranquillement ; je reconnais que je devais avoir l’air hystérique, je l’étais. Je suis sincèrement désolée si j’ai pu vous gonfler. J’ai beaucoup appris sur moi ces dernières semaines : je suis capable de gérer beaucoup de choses, d’encaisser beaucoup de choses, mais là j’ai rencontré de nouvelles limites. Je me suis fait rattraper par tous ces reportages, articles de journaux alarmistes, par « Une époque formidable » (le film), j’ai très mal vécu toutes ces claquages de portes, je me sentais au comble de l’impuissance. Je ne dormais plus, ça n’a pas dû aider. J’avais vraiment la sensation que ma vie allait être détruite, que toutes ces années passées à me battre allaient être rasées. J’avais pris rv avec mon médecin pour me foutre sous calmants pour tout vous dire.

Et puis, je suis allée visiter un appart à Saint Ouen. J’ai bien aimé Saint Ouen, les gens y ont l’air gentils : j’ai bloqué mon portable (quand ça veut pas…), 3 ou 4 personnes se sont mis en quatre pour m’aider à trouver mon chemin. Remarquez peut-être qu’ils ont cru que j’allais leur faire une Camille Claudel. Et je suis tombée sur cet appart. Je suis surtout tombée sur une femme formidable et humaine, j’ai rencontré à nouveau une douceur de vivre, celle que je croyais disparue la semaine dernière, comme si la vie me murmurait « allez Nat, la société n’est pas faite d’un bloc, il y a encore des gens qui croient aux rapports humains ». Il faut toujours garder la foi.

On a appris qu’on perdait l’appart le 12 avril, normalement nous aménageons le 15 juin. J’ai mis une énergie de dingue dans ce processus. VOUS avez mis une énergie de dingue ! Mes amis, des inconnus, des relations, des copains de réseaux sociaux, beaucoup d’entre vous ont tenté de m’aider. J’ai essayé d’envoyer un message à chacun d’entre vous, j’ai pu en oublier, j’en profite pour vous remercier encore une fois. Au boulot, j’ai dû être insupportable, entre crises de larme, abattements et crises de colère. Mes enfants surtout ! Ils ont été trop gentils. Ma fille a dû me consoler littéralement, elle m’a prise dans ses bras pendant que je hoquetais de chagrin, mon fils a encaissé mon agressivité et ils ont fait preuve d’une compréhension extraordinaire : j’entends encore Baptiste et Charlotte écouter mes énièmes excuses et me dire « Maman tu es en stress, on comprend, t’inquiète ». Ils ont tellement l’habitude que je parte en guerre pour régler les choses, que je sois forte et efficace, ils ont découvert avec cette histoire que j’étais aussi fragile et désordonnée, que je pouvais faire n’importe quoi et vous voulez que je vous dise ? C’est bien. C’est bien aussi qu’ils constatent que je ne suis pas forte. Mon fils avait écrit à mon sujet dans une rédac de français : « Maman est charismatique et puissante, mais elle est tout le temps fatiguée ». Ça m’avait beaucoup touchée et beaucoup fait rire. Il pourra rajouter à présent que je suis aussi faible. Et c’est bien, je crois que c’est sain, je crois que c’est utile pour la construction des enfants de réaliser que leurs parents ne sont pas surpuissants, ça leur laisse de la marge de manoeuvre pour l’indulgence, l’indulgence envers soi et envers les autres.

Voilà normalement, je suis tranquille jusqu’à ce que Charlotte s’en aille. De me dire ça, c’est fou, Charlotte a 17 ans et « demain » elle s’en ira. C’est une nouvelle vie qui commence. Moi qui voulais du changement, j’ai été servie bordel ! Nous allons avoir chacun notre chambre, ça fait 13 ans que je n’ai pas eu de chambre à moi. Comme je ne crois pas au hasard, je me dis qu’il était temps peut-être. Charlotte aura toute l’intimité dont elle a besoin à son âge et Baptiste aussi. Peut-être que nous avions atteint les limites de notre système : vivre les uns sur les autres dans un très grand T2 n’était plus possible. J’ai peur qu’on ne se parle plus parce que je crois aussi que de vivre comme ça dans un appartement avec deux grandes pièces a grandement joué dans notre relation. Nous étions obligés de nous croiser sans arrêt et c’est peut-être aussi pour ça que nous sommes aussi proches, voire fusionnels les uns avec les autres. C’est la vie qui nous murmure que nous devons apprendre à vivre un peu à distance, nous ne vivrons pas éternellement ensemble et c’est quelque part le début de la séparation.

Aussi difficiles qu’elles aient été, toutes ces années à vivre avec mes enfants dans cet appartement auront été incontestablement les plus belles de ma vie, c’est une certitude : je les ai vu grandir entre ces murs, je me souviendrais toujours des chorégraphies spontanées dans le salon, les batailles pour accéder à la salle de bain, les engueulades entre Charlotte et Baptiste quand l’un fait trop de bruit dans leur chambre, le sol de cette pièce envahie par les matelas parce que les potes des enfants dorment à la maison, les dîners hebdomadaires avec Virginie, les repas sur la balconnasse, les soirées à discuter avec Isa, les couchers de soleil magnifiques, tant de souvenirs, tant de douceur de vivre. Cette maison, c’était le cocon, l’endroit où nous étions en dehors du monde quelque part, nous avons eu la chance de l’avoir pendant 12 ans, c’est déjà bien.

À présent, préparer le déménagement, préparer l’avenir. Je ne dormais plus à cause du stress, maintenant je ne dors plus à cause de l’excitation : je peins et je décore toute la nuit. Il y aura des travaux de déco, l’appart est un peu COGIP sur les bords (les fans de Message à Caractère Informatif comprendront la référence) mais nous pouvons être très heureux dedans.

Saint Ouen, nous voilà !

« I want to thank you for giving me the best days of my life
Oh just to be with you is having the best days of my life »

À Baptiste et à Charlotte.