Le bon tempo (Mouth so big for a word so small’)

10 juillet 2016 5 Par Catnatt
Children Play in Yard of Ruston Home, While Tacoma Smelter Stack Showers Area with Arsenic and Lead Residue, 08/1972.

Children Play in Yard of Ruston Home, While Tacoma Smelter Stack Showers Area with Arsenic and Lead Residue, 08/1972.

Je cherche ma place sur l’échiquier de l’opinion publique. J’ai tendance ces derniers temps à adopter une stratégie d’évitement de l’info, j’apprends les évènements 24 à 48 heures plus tard, les inévitables, pour le reste tout m’échappe. Je me sens lâche et à l’abri. Pourtant, je souhaite rester vigilante parce que je sens, perception paranoïaque ?, que ça glisse de partout.

Je n’ai pas trop cherché à répondre aux critiques sur le texte du doute même si je les comprends. Je n’ai jamais été autant inspirée que de publier ça en plein déménagement, j’étais détachée. Pour être sincère, ce qui m’a le plus fait marrer c’est le fameux « Bien sûr, moi aussi il m’arrive de douter, mais je me tais, je vais pas raconter ça sur Internet. » On n’a jamais autant entendu parler de « la parole libère », on est quasiment à l’ère du tout psychologique, mais faut croire que ça marche à deux vitesses : les bons sujets et les mauvais sujets. C’est intéressant, n’est-ce pas ? J’ai eu d’autres échanges qui stipulaient la même chose : cette fameuse pulsion que nous ressentons, vraisemblablement, tous, mais dont il ne faut absolument pas parler. Et moi, je crois, je crois fondamentalement que ce sont ces fameuses pulsions dont il faut se méfier qui conduisent tout droit à un système dangereux. Ce dont on ne parle pas nous dévore. Je me demande si ce n’est pas ça, chacun dans son coin en train de se débattre avec ses principes et ses émotions qui fait qu’un jour on se réveille dans un état totalitaire ; les prémices, « l’offrande religieuse prélevée sur les premiers fruits de la récolte. »

Pourtant j’ai entendu les critiques et depuis je cherche une place qui ferait que je ne suis plus poussée à la pensée courte tout en restant informée. On n’a jamais été autant au courant, jamais aussi émotionnels. Je fais référence à l’article de Society, magazine que je n’aime pas beaucoup, sur le populisme où je ne sais plus qui explique que cette phase d’entertainment politique soutient la pensée courte des populistes. Il est devenu compliqué de rentrer dans la nuance et le monde est terriblement compliqué. Il faudrait un agrégateur d’articles de construction de pensée, d’analyse. Un outil pas pute à clics qui proposerait une information saine. Je ne lirai que ça pour me faire du bien, pour m’élever.

En attendant je fuis les morts.

Qu’est-ce qui s’est passé pour que cette démocratisation de l’accès à l’info, cette idée, cet outil absolument formidable, aboutisse à une opinion publique majoritairement émotionnelle ? Devienne une forme de pollution ? La terre crève de nos contaminations et nous avons trouvé le moyen de nous empoisonner l’esprit. L’humanité me surprendra toujours. L’Europe pue le populisme dans sa définition négative, Trump pourrait bien passer, qu’est-ce qui va se passer ? Ce n’est pas seulement l’écologie du monde qui devrait nous préoccuper, mais bel et bien une écologie de l’esprit. Nous sommes à un tel stade de pollution… Et ne tirez par sur le messager, les médias font ce qu’ils peuvent entre survie économique et éthique. C’est nous qui sommes responsables. Je suis responsable.

J’ai peur.

Alors, reculer.

Trouver le bon tempo.

Chercher l’endroit minuscule, il existe, où l’on, où je pourrais me forger une opinion s’approchant du rationnel. Ni surconnectée ni déconnectée, ni tête dans le guidon, ni planquée. Trier les sources d’informations, éviter les faits divers, retomber dans ses travers, évidemment, redresser la tête, tenter d’avoir un peu d’ambition pour soi, pour sa façon d’envisager le monde. De l’exigence. On devrait se tenir un peu plus, ce n’est pas parce qu’on est tout seul devant son ordinateur que l’on est obligé de céder aux sirènes de la facilité. Sous prétexte que personne ne nous voit. C’est ce moment-là qui est intéressant : que lisons-nous quand nous sommes seuls ? Que pensons-nous lorsque nous sommes seuls ? Que regardons-nous quand nous sommes seuls ? Pas la façade des réseaux sociaux, celle où nous sommes évidemment performants, intelligents, où l’on se tient ; Pour certains. Faisons un pas de côté et observons-nous.

L’économie de l’attention va nous conduire tout droit dans le ravin, alors comme nous trions nos déchets comme nous pouvons, trions nos décharges intellectuelles. Enfin, essayons…

À lire « Tristan Harris : « Des millions d’heures sont juste volées à la vie des gens » (via @JSZanchi)

Également « Les médias dans l’ère « de la politique post-vérité « 

« Everybody claims to know it all, Mouth so big for a word so small
Didn’t we stop to think about the big picture ?
How insignificant we are… »