Je t’aime (la vie est si triste)
Je suis probablement la personne dans mon entourage qui dit le plus facilement « Je t’aime ». Oh ça fait des années que je ne le dis plus pour un amoureux, c’est peut-être pour ça que je le murmure à ceux qui m’entourent, mes enfants, mes amis, mon père, mes enfants, ma soeur, ma nièce, mon neveu, mes enfants, oui je pourrais les citer, eux, à l’infini. Je t’aime au détour d’une conversation au téléphone, je t’aime en te disant au revoir, je t’aime quand tu pleures sur mon épaule.
« La vie est si triste
Dis-moi que tu m’aimes »
Je n’y attache aucun adjectif, j’ai le je t’aime tout court, j’ai appris à Olivier à enlever le beaucoup, « Et j’ai même pas ajouté « fort » par pudeur », j’entends Isabelle me le lâcher depuis peu au téléphone, je sais que Virginie le pense fort, je l’ai répété à Clémence toute cette semaine comme un mantra qui pourrait la protéger – quelle illusion – et je l’ai chuchoté à l’oreille d’Helmi. Ces deux-là que j’aime presque comme si c’était mes enfants. Ils m’ont brisé le coeur jeudi ; Jules ; les parents ; le frère : toutes ces voix qui se brisent. Une brisure comme une contagion. Quand je ne dis pas je t’aime, je prends dans les bras, je caresse une joue. C’est tout ce que je peux faire, j’ai bien trop conscience de mon impuissance face à tout ce chagrin.
« Même si c’est un mensonge
et qu’on a pas eu de chance »
Je t’aime quand tu es triomphant, je t’aime quand tu t’effondres, je t’aime quand tu restes silencieux, je t’aime quand tu regardes au loin, je t’aime quand tu as l’air heureux.
Je t’aime, je l’ai dit trop vite à des mecs que je ne connaissais pas, je ne l’ai jamais dit quand je connaissais trop bien. Je t’aime, trois petits mots pour exprimer l’indiscible, l’élan ultime. Trois petits mots qu’on ne dit jamais assez, trois petits mots qui sauvent, trois petits mots qui donnent du sens.
« Enfin…
Que nos vies aient l’air parfaites »
Toutes ces vies perdues, qu’elles soient à Munich, à Nice ou plus proches. Que de Je t’aime évanouis dans l’absurde.
Je t’aime quand tu es absent, je t’aime quand tu souris à la vie, je t’aime quand tu doutes, je t’aime quand tu es amer.
J’étais dans la voiture avec mon père et mes enfants. J’entends Charlotte chantonner ce qui passe à la radio, Baptiste est perdu dans ses pensées et Papa me raconte ses années chez les Jésuites pour la 250ème fois et il me dit : » Tu te rends compte ? Quand j’ai retrouvé mes copains du Pic, nous étions 30, nous sommes 5 à présent ». Pour ses 70 ans, nous étions une quarantaine. C’était il y a 16 ans, ils ont tous disparu au fur et à mesure. Mon père a-t-il dit à ses copains à quel point il les aimait ?
Benjamin me le dit en retour maintenant, Fred ça fait des années qu’elle me le chuchote, Adriana le clame par texto, Victoria le sourit, Baptiste ne me le dit jamais, il dit moi aussi, Charlotte sometimes. Je le dis à chaque fois à Manuela.
Je voulais juste m’arrêter quelques instants avant d’être reprise par la vie, l’inconscience, cette illusion ultime qui consiste à penser la plupart du temps que je, nous sommes immortels ; nos égoïsmes nécessaires.
Je t’aimerais quand tu ne seras plus là, je t’aimerais comme on n’oublie pas, je t’aimerais malgré le temps qui passe et nous dévore, parce que s’il y a une seule chose qui ait du sens, en ce moment, comme avant et pour toujours, ce sont ces trois petits mots que l’on garde en réserve, plus tard, à un autre moment, je t’aime, c’est trop tard.
Trois petits mots.
Et la vie est si triste.
À Thomas et Brit Brit.
Mais non tant que tu aimes alors la vie va