George & I
Oui je sais… Je ne me suis pas fendue d’un billet hommage ni à Bowie, ni à Cohen ni à Prince dont pourtant je me sentais musicalement très proche. Alors pourquoi George ? George Michael ?
1983 (ou 84 avec le temps que ça arrive). J’ai abandonné Michael Jackson dont je raffolais. Je suis une pré ado donc je consomme. Wham débarque avec « Club Tropicana » et avec eux, des couleurs, des shorts, du fun et de la joie. Je vis mon adolescence coupée en deux, entre new wave et pop : Wham me donne envie de vivre, Cure me donne envie de me pendre ; cette schizophrénie de la jeunesse, entre folles espérances et pulsions morbides. Je ne lâcherai plus George et je l’appelle par son prénom.
Certaines personnes ne comprennent pas nos réactions. S’il compte autant c’est qu’il existait une proximité avec lui. Bowie, Cohen, on les admire, ce sont des icônes ; lointaines, forcément lointaines. Isabelle l’a très bien résumé dans son commentaire sur FB : « Il était plus proche de chacun d’entre nous que nous le pensions peut-être… » George c’était le pote qu’on aurait aimé avoir, my boy next door.
Mais avant ça j’étais folle amoureuse de lui, le malentendu était total. La tête de ma mère quand j’ai accroché, ravie et énamourée, un poster de lui au dessus de mon lit. Elle savait qu’il était homosexuel et je n’en avais pas la moindre idée. Je crois que je ne savais même pas que ça existait. Plus tard, je l’ai appris, je me foutais complètement de ce qu’il faisait avec son cul, George écrivait des putain de bonnes chansons tant pour danser la vie que la pleurer. George écrivait sur une sexualité heureuse quelle qu’elle soit et je crois bien que c’était le seul artiste pop avec Madonna à avoir défoncer les murs de ce sujet : « I want your sex ». C’était frontal, direct, percutant. Quel culot fallait-il avoir pour poser un titre comme ça !
Ces moments avec Fred où on dansait, chantait « Faith ». Car oui, à ce moment-là, nous étions jeunes et pleine d’espoir, ‘Cause we gotta have faith. J’ai usé ma moquette à tourner sur moi-même sur « Hand to mouth ». Je grandis et rien n’y fait, George reste. Quand « Listen without prejudice » sort, je vis à Paris. Mes goûts ont changé, je basculerais bientôt sur du trip hop. Je chante encore « Praying for time » et « Freedom 90 » est mon hymne. J’ai 20 ans. Je pénètre dans l’antre des branchouilles parisiens, mais je ne renonce pas à George.
Parce que le truc avec cet artiste, ce compositeur c’est que les mélodies sont belles et les textes accessibles. George est quotidien. Il y a cette proximité, voire complicité. Je me souviens avoir braillé – une pensée pour mon père qui a subi ma voix de fausset pendant quelques années sans broncher – « So you scream from behind your door, say « what’s mine is mine and not yours ». Je comprenais ce qu’il racontait et homosexuel ou pas, ses émotions étaient souvent les miennes. Bowie, j’adore, mais j’entrave pas la moitié de ses textes. Surtout George avait une voix à tomber. Est-ce qu’on se rend compte à quel point il était talentueux, lui, le chanteur pop ? Car la pop a ça de précieux qu’elle est le pont le plus évident entre l’art et le quotidien des gens.
J’ai pleuré avec George quand il a sorti « Older ». Je savais qu’il avait perdu son compagnon et il m’a bouleversée. La délicatesse de certaines chansons, c’est de la dentelle, comment résister à « Jesus to a child » ? Je suis à Bordeaux et « Older » est probablement mon album préféré. Il a continué de me faire danser et pleurer. J’ai continué à connaître certains de ses morceaux par coeur.
Et puis il y a eu l’outing forcé. On le savait depuis des années, j’ai trouvé cette histoire ridicule et blessante pour George et j’ai salué son humour dingue quand il a sorti « Outside » et son clip. Qui aurait eu suffisamment de sens de l’humour, d’auto-dérision et de panache pour faire ça ? « There’s nothing here but flesh and bone
There’s nothing more, nothing more »
George était un type intelligent. Ça se sent dans ses choix et dans ses paroles. J’ai du respect et de l’affection. « My mother have a brother ». Cette chanson dans l’album « Patience » raconte l’histoire de son oncle qui s’est suicidé, entre autres, parce qu’il était homosexuel. Pas né au bon moment, au moment où « les gens » acceptent ou supportent ou font semblant de supporter l’homosexualité. Quand je constate qu’aujourd’hui des tarés prient pour qu’il aille en enfer maintenant qu’il est mort, je me dis qu’il reste encore tant à faire pour la tolérance.
George était quand même l’un des types les plus classes du monde. J’adorais quand il virait jazzy comme avec « Kissing a fool ». Son album de reprises « Song from the last century » est d’une élégance folle. Il était aussi timide parait-il, il aurait eu du mal à faire la paix avec son corps. Comme nous ; boy next door.
J’aurais pu citer « Careless whisper » et son inoubliable saxo ou « Fast love », « Everything she wants » cette chanson que seules Adri et moi doivent trimballer encore dans leur ipods, version longue s’il vous plait, « somebody teeeeell me hohohoo ». J’aurais pu en citer tant… C’était un artiste complet, il écrivait ses mélodies et ses textes et les chantait d’une voix merveilleuse.
C’était ça George. Un pote élégant et talentueux. Tu continueras de m’accompagner longtemps, mec. « Cowboys and angels » probablement ma chanson préférée, souvenir d’une aventure avec un mec beaucoup trop gentil avec moi boulevard Exelmans, que je continue d’écouter chaque année. C’est ça George, un artiste qui, quasiment à chaque chanson, fait ressurgir des petits souvenirs oubliés, une émotion, une sensation. J’espère que le temps lui reconnaîtra son talent.
Repose en paix, tu le mérites amplement. Tu vas vraiment me manquer parce que je voyais la carrière que tu aurais pu continuer d’avoir. Tu vas vraiment me manquer parce que tu n’écriras plus « Everybody talks about the new generation, jump on the wagon or they’ll leave you behind but no one gave a thought to the rest of the nation, « like to help you buddy but i haven’t got the time » si curieusement d’actualité… Tu vieillissais bien contrairement à d’autres – Madonna si tu me lis… Je n’oublierai jamais ce petit conseil que tu avais glissé au détour d’une chanson :
« Take this man to your bed
Maybe his hands will help you forget
Please be stronger than your past
The future may still give you a chance »
« Respect et affection » : à mon tour de me retrouver dans tes mots.
Je suis toujours aussi émue, encore plus peut-être de te lire alors que Older est justement sur ma platine.
George nous a accompagnés si longtemps. J’aurais tellement aimé qu’il reste à nos côtés des années…
Oui oui oui. Pareil. Je n’ai jamais cessé de l’écouter.
Encore une fois, vous avez trouvé les mots justes, avec juste des mots qui ont un air de paroles sur un tempo de George Michael. Émouvant, puisqu’émue, vous tremblez en observant la réflexion d’une forme au-dessus de vous, comme un mentor.
Étonnement, je suis plus troublé par la disparition de George Michael que par celle de Prince, qui m’a pourtant suivi intensément pendant plus de vingt ans.
Cowboys & Angels est surement ma chanson favorite et encore aujourd’hui, je n’arrive pas à me lasser de Older.
Il y a des choses qui restent, s’incrustent dans le sillon de notre vie, George Michael en fait partie.