Chère Solange te parle ( du respect de l’intimité)

25 mars 2017 152 Par Catnatt

Chère Solange te parle,

Ça va ? Je te dérange pas trop ? Je vais te prendre cinq minutes au milieu des séances de dédicaces de ton bouquin. Ben oui, ce matin, j’ai appris que tu avais publié un bouquin en février. Soit il y a DEUX mois. Ça s’appelle « très intime » dis donc. C’est marrant, ça me rappelle quelque chose. Je me précipite pour lire :

« Le baiser le meilleur, les moments où elles préféreraient ne pas, ceux où elles se sentent désirables, les plans à trois, les joies du cunnilingus, la quête du « dragon de l’orgasme fou », l’influence du porno, les abus et les humiliations, les libidos en berne, la fougue, les hommes-objets… Elles ont entre 18 et 46 ans. Solange s’invite dans leur chambre à coucher. Elle leur demande comment ça se passe concrètement dans leur vie amoureuse. Directes, caustiques, réjouissantes, lucides, elles lui disent tout, elles le disent bien, avec les vrais mots, et ça secoue. Un livre qui fait entendre une parole féminine et féministe, une parole libératoire, déculpabilisante, qui résonne comme un manifeste contre la victimisation des femmes. »

WHAT ?!

Un manifeste contre la victimisation des femmes ?! Ben c’est parfaitement réussi ma petite chérie (tu permets que je t’appelle ma petite chérie vu que tu fais ce que tu veux de mon intimité). Je t’ai envoyé un message pour être sûre, je t’ai dit « fallait prévenir », t’as répondu « légal » finalement : « L’anonymat est préservé et tout a été supprimé du mouv ». Tu m’as proposée de m’envoyer le livre. HAHAHA !

Je fais partie des femmes qui ont témoigné dans le cadre d’un projet précis de Solange il y a quoi deux ans ? Nous avons été quelques unes à participer, raconter des anecdotes, des points de vue sur nos sexualités et nos émotions, la maternité et j’en passe ; nos prénoms ont été changé et c’était diffusé sur une radio, des pastilles comme on dit. Je l’ai fait dans la joie et la bonne humeur et j’étais pas si anonyme que ça puisque je l’ai fait suivre. J’ai raconté des trucs légers finalement. Certaines ont témoigné de la violence qu’elles ont subie, elles se sont vraiment mises à nu, elles ont vraiment fait confiance. En fait quand je me suis aperçue ce matin que Solange en avait fait un bouquin, j’ai même pensé naïve que je suis que j’avais été oubliée et qu’elle avait prévenue les autres. C’est la troisième et elle n’est pas au courant. T’as rien dit à personne, ma cocotte (tu permets que je t’appelle ma cocotte ?) tu nous as mises devant le fait accompli.

Tu nous as contactées pour un projet et tu en as fait autre chose sans nous demander notre avis, du moins nous en informer ce qui me semble un minimum rapport au fait que c’est nous en quelque sorte qui avons écrit ce bouquin. Je sais pas, t’aurais pu envoyer un mail genre  » hello girls ! Solange pénètre ta vie intime ( ha ça pour se faire pénétrer on a bien été pénétrées sur ce coup-là finalement) devient un livre » et tu vois, il est probable que j’aurais été enthousiaste.

Mais tu ne m’as pas demandée mon avis, tu m’as placée devant le fait accompli. Et j’en fais une question de principe, je suis un peu psychorigide sur les bords, tu vois.

J’imagine que tu en as discuté avec ton éditeur puisque vous avez curieusement fait supprimer les témoignages sur la radio. Ouais t’as pensé légal au lieu de penser principe. Notre intimité est devenue la tienne, tu en disposes comme tu veux. Attends, c’est marrant je croyais qu’il fallait se respecter et respecter les autres ?

Vous avez compté sur quoi exactement avec ton éditeur ? Que c’était tellement des confessions intimes qu’on allait fermer notre gueule pour ne pas être reconnues ? Classe… Ben tu vois, ma petite chérie, je m’en branle qu’on me traite de salope sur les internets mondiaux ou qu’on m’explique que je rends pas service à la cause en balançant l’histoire. Parce qu’à chaque fois c’est la même histoire, faut qu’on la ferme par peur des représailles. Parce qu’on va payer. C’est toujours cette p… de même histoire et tu vois aujourd’hui je l’ouvre parce que je sais que les 3/4 vont rien dire et que t’es tranquille de ce côté-là. Je le fais pour moi, mais aussi pour elles, toutes celles qui ont raconté leur douleur et leur traumatisme. Ha c’est vrai que t’es une artiste et on a tous les droits en art. Okay. Bon par contre, j’ai le droit d’ouvrir ma gueule sur tes procédés, tu m’en voudras pas, j’imagine. Je veux pas le faire interdire ta saloperie de bouquin, je veux juste que les gens sachent à qui ils ont affaire.

T’as cru quoi ? Qu’on était juste de la matière première et plus des êtres humains ? T’as oublié quoi au juste, préoccupée que tu dois être par ta réussite personnelle et artistique ? C’est une discussion que vous avez forcément eue avec ton éditeur, la question des droits. Je crois pas avoir signé de papier à l’origine. J’ai accepté certes de diffuser mon intimité sur un média. UN média. UN projet. C’est pas open bar, cocotte. Tu vas faire quoi après ? Un film ? Des posters ? Des stickers ? Des goodies comme on dit ? Des mugs avec nos punchlines, estampillés « matériel garanti pur féminisme » ? Vous avez fait attention de supprimer tout le contenu de la radio pour préserver notre anonymat, mais à aucun moment vous avez pensé à nous contacter pour nous tenir au courant. Vous aviez peur de quoi ? Qu’on refuse ? Je trouve ça tellement hallucinant de ne pas avoir pensé ne serait-ce qu’à être correct ; propre ; réglo.

Les gens qui me connaissent le savent, les questions de principe peuvent me rendre dingue. Être déçue aussi. J’en reviens pas que TOI, qui balances vidéo sur vidéo sur le féminisme ait agi de la sorte, sans considération pour celles qui ont eu confiance en toi.

« Et une urgence. Celle de donner simplement la parole à des individus qui en ont été privés trop longtemps — à l’échelle de l’Histoire, j’entends. Pas juste les abusées, les violentées.

Mais toutes celles qui endurent sans consentir. « 

 

Ça, ça vient de ton billet pour parler de ce projet à l’origine.

Je te félicite, c’est exactement ce que tu nous as fait. Là tu vois ton p… de bouquin qui est censé rendre service aux gonzesses, c’est exactement ça : toutes celles qui ont témoigné le subissent potentiellement sans consentir.

T’es passée de l’autre côté. Bravo. Ton féminisme n’est finalement pas une conviction, c’est un créneau médiatique.

T’as pas dit que t’étais désolée dans notre échange de messages de ce matin. T’as pensé légal, t’as pensé « limitage » de casse dans ta réponse. T’as proposé que je t’envoie mon adresse pour m’envoyer le bouquin. C’est gentil ma petite chérie. Bon deux mois après le lancement, c’est un peu tard, tu vois. J’ai bien envie de te dire où ranger mon exemplaire, dans ton intimité par exemple, mais à la place je vais te suggérer un truc : en ne nous demandant pas notre avis, en nous faisant subir sans consentement, en nous plaçant devant le fait accompli, tu devrais peut-être envisager de reverser les droits d’auteur à une association.

Et par pitié les médias, arrêter d’encenser ce machin alors qu’il a été fait sans notre consentement !! Ça ne libère pas la parole des femmes quand c’est fait comme ça, sans honneur, sans considération, sans respect.

Je ne te souhaite pas une bonne continuation ma cocotte, j’espère sincèrement que tu vas te casser la gueule. J’ai pris ta défense il y a des années, je t’ai soutenue pendant des années parce que je t’ai crue sincère. C’était juste une posture. Finalement ceux qui te détestaient étaient pas loin d’avoir raison. Enfin, là aujourd’hui je viens de leur donner enfin une bonne raison. Et que tu aies pu pensé que j’allais laisser passer ça, ça me laisse pantoise. Tu me connais, non, depuis des années, c’était évident que c’était un aller simple pour le clash, jamais je ne me serais laissée faire et à défaut tu es rompue aux usages des réseaux sociaux, t’aurais dû l’anticiper. Du coup, je finis même par me demander si tu n’es pas stupide. J’aurais jamais la réponse, toi et moi on s’adressera plus jamais la parole. Ça, c’est une promesse.

Et pour ceux et celles qui croiseront à l’avenir Solange, sachez que pour ses projets, vous connaissez le point de départ, pas l’arrivée. Vous voilà avertis.

MAJ DE DIMANCHE 26 MARS

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Ça c’est intéressant parce qu’en l’espèce ça dit qu’au nom du féminisme on peut s’asseoir sur notre consentement. Au nom de la cause. Parce que nous ne sommes pas d’accord, nous sommes des taches et des connes.

Je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent.

Deuxième maj

J’aimerais qu’on applaudisse le prodige que nous avons accompli à savoir réussir à nous violer toutes seules comme des grandes. Je me demande si je vais pas l’ajouter à mon linkedin.

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Troisième maj : la conclusion https://heavencanwait.fr/2017/11/en-finir-avec-lhistoire-du-bouquin-tres-intime/