Une photo ( Tu veux. Tu veux. Tu veux)
Ça fait un an que ça me démange d’écrire ce texte, encore plus quand je suis tombée sur « l’odeur des joints » de Hollydays. Dès que j’ai entendu cette chanson, j’ai pensé à toi même si toi, c’est l’alcool ton truc, enfin maintenant. J’ai rongé mon frein pour une seule raison : cette photo ; la photo juste au dessus de ces quelques mots. Ça fait des années que je te la réclame et que tu refuses de me la rendre. Je voulais cette photo parce que l’autre exemplaire, c’est mon ex-mari qui l’a foutu à la poubelle. Vous êtes deux à m’avoir volé une histoire qui n’était pas la vôtre. C’est fort quand même ! Tu refusais obstinément de me la rendre et moi, j’ai attendu.
J’ai attendu 24 ans. Ce n’est même pas ton histoire, ce n’est pas toi sur la photo, c’est l’homme avec qui je t’ai trompé.
J’ai recupéré cette photo et me voilà…
Ça fait des années que j’ai envie d’écrire sur toi, c’était plutôt tendre, mais cette soirée l’année dernière a coloré différemment ce que j’aurais pu dire à ton sujet : ta hargne, ton côté passif agressif, ta victimisation permanente, tout est toujours de la faute de l’autre, tu n’as jamais rien fait, bien sûr que non ou si peu contrairement à tout le mal que les femmes t’ont fait, n’est-ce pas ? Tu es odieux surtout avec les gens que tu aimes et Dieu seul sait que tu m’as aimée…
« Tu veux. Tu veux. Tu veux toujours me plaire »
À chaque fois que je te croise, c’est la même rengaine : j’étais la femme de ta vie, tu voulais des enfants avec moi et je t’ai brisé le coeur. Ah, les histoires que l’on se crée…
Je t’ai rencontré, j’avais 19 ans, abîmée par le décès de ma mère, probablement paumée et un peu godiche. Tu étais tout ce dont j’avais toujours rêvé : beau, marrant, artiste, intelligent ; 10 ans de plus que moi. J’étais folle amoureuse de toi et j’aurais pu faire le tour de la terre sur les mains si tu me l’avais demandé. Mais il y a toujours eu au fond de moi l’idée tenace que ça ne durerait pas. Tu as fait de moi une vraie parisienne, en tout cas l’ébauche de et j’ai découvert Paris, les Bains Douches, la fête des Clans, une virée dans la ferrari de Jean Nouvel, les samedis soir à l’émission des Nuls, les teufs à la Poste, les verres au Dépanneur, les week-ends avec Rocky, les expos photos avec Jérôme ou Yann et tout un monde à la fois très drôle et complètement fucked up. Personne n’allait bien dans votre monde, ça riait beaucoup la mélancolie chevillée au coeur. Vous étiez constamment sur la brèche, le drame n’était jamais loin. Vous étiez tous tristes en fait. Vous étiez les princes des villes et comme dit la chanson « mais rien n’est vraiment sur et l’avenir fragile ».
Je me suis toujours demandé pourquoi tu n’allais pas bien. Tu n’avais aucune raison, les autres je pouvais comprendre, ils avaient un passé chaotique, des évènements, mais toi… Rien. Je me suis toujours dit qu’un jour on allait comprendre, mais le temps a passé et rien, toujours rien.
Tu étais beau et talentueux et tu t’es bien appliqué pour tout foutre en l’air. C’est ce que je pense. Tu étais probablement en grande souffrance, mais comme toutes les personnes qui ne se font pas prendre en charge, tu es devenu toxique. C’est ce que je pense. Et si tu es encore aimé et apprécié, c’est parce que tout ton petit monde te garde le crédit de tes années de jeunesse. Tu es une vieille habitude.
Avec ce texte, tu vas avoir enfin une bonne raison pour m’en vouloir. Tu devrais me remercier. Mais laisse moi t’expliquer quelque chose que je t’ai répété plusieurs fois et que tu ne veux pas entendre : évidemment, ça ne collerait pas avec la légende que tu racontes.
Tu dis que je t’ai brisé le coeur. Soit. En oubliant au passage que tu as brisé le mien pour commencer. Tu m’as trompé avec tout ce qui bougeait. Tu m’as fait passer le jour de l’an quasiment en tête à tête avec ta maitresse du moment qui était enceinte de toi à ce moment-là. Cette violence. Tu t’en rappelles de ça ou ta mémoire sélective a fait du bon boulot ? Mes 20 ans peut-être ? L’anniversaire de mes 20 ans où je devenais folle de chagrin en soupçonnant que tu me trompais et cette scène que je n’oublierais jamais : je suis assise, je suis à hauteur de mains et je lève la tête et je vois vos deux mains enlacées. Ce soir là, mon coeur gisait en mille morceaux sur le sol d’un appartement de Bastille. Rien n’a jamais été plus comme avant, je n’ai plus jamais pu aimer comme avant. L’histoire que tu racontes à tout le monde, en fait c’est la mienne.
Je suis désolée de t’avoir dit que je te pardonnais alors que ça n’a jamais été le cas. J’ai commencé doucement, mais sûrement à me détacher de toi. Notre histoire a pourtant duré 4 années dont 3 entachées. C’est vrai qu’on se marrait bien ensemble. On était un couple fun, mais notre intimité était finalement inexistante. On ne se parlait pas ; pas vraiment en tout cas.
Pourtant, merci. Merci pour Formentera, merci de m’avoir fait grandir à toute vitesse, merci pour les sorties et de m’avoir fait découvrir cet univers que je fuirais en courant en 1995.
Et cette soirée l’année dernière. Tu m’as envoyé un texto d’excuses le lendemain matin et je t’ai répondu que je te pardonnais, mais que je ne te reconnaissais plus. Ton humour était fin, il est devenu agressif. Comment, mais alors comment as-tu pu te comporter de la sorte, me poursuivre avec tes compliments déguisés en reproches et reproches déguisés en compliments toute la soirée devant celle qui est factuellement ta plus grande histoire d’amour ?! J’ai dansé comme je n’avais pas dansé depuis longtemps, mais c’était pour te fuir. J’ai dansé comme on oublie, comme on se perd. Comment, mais alors comment as tu pu faire la leçon à celui que j’ai aimé aussi à ma manière, juste après toi et après Mark (l’homme de la photo) alors qu’il s’agissait de MON corps, MON intimité, MON histoire ? Tu as étalé ça devant tout le monde et ce qui était le plus fou c’était que c’était presque normal dans votre univers. On était tous défoncés, j’étais désarmée, j’ai protesté, mais pas assez fort, j’aurais dû t’en foutre plein la gueule, te démolir et te laisser le coeur brisé en mille morceaux sur le sol d’un appartement de la Trinité. Tu te posais en héros et tu ne comprenais pas pourquoi je contestais faiblement.
Tu n’as jamais été un mec bien. Pas avec les femmes en tout cas. Tu te dis victime, la belle blague. Tu as étalé mon intimité avec un autre que toi, laisse moi te retourner la faveur aujourd’hui.
Je vais te dire ce qui s’est passé à New-York, ce que tu n’as jamais compris, le feu aux poudres. Nous sommes arrivés dans Little Italy chez tes potes, j’avais l’impression que notre histoire pourrait retrouver un second souffle, tu allais me manquer, ça peut tout réparer, non, le manque ? Vous m’avez laissée seule le lendemain je crois, vous vous êtes barrés en virée à moto deux jours. Tu as signé ton arrêt de mort sentimentale ce jour-là et tu ne t’en es même pas rendu compte. Parce que c’était normal que tu fasses toujours ce que tu veux sans tenir compte des sentiments des autres parce que tu veux que je te dise ? Tu es autocentré, tu as toujours été autocentré et tu le seras toujours.
« (Tu veux tu veux tu veux tu veux toujours me plaire )
Monter le son tant que tu peux et j’aimais me faire taire
Je l’écouterai tant que je peux ton hymne militaire
Ta voix parfois dès le matin me fout en l’air »
Voilà où j’en étais si tu veux tout savoir.
Je ne te déteste pas, crois le bien. Il y a un reste de bienveillance à ton égard en moi, mais trop d’hommes m’ont blessée en me présentant des excuses le lendemain.Tu as été le second et il y a en eu toute une flopée derrière. Je prends ma responsabilité, c’est moi qui vous choisis comme un désir malade.
Tu vois j’ai attendu des années pour t’écrire noir sur blanc ce que je pense. J’aurais des tas de choses à rajouter. Mais ce matin lors de mes pérégrinations sur facebook, je suis tombée nez à nez avec cette photo, MA photo publiée sur ton profil en 2012, j’ai poussé un cri de victoire. Tu me l’aurais rendue normalement ou tu m’aurais signalé la publication, je ne serais pas en train d’écrire aujourd’hui . Non, c’est une méthode chez toi, publier cette photo sur ton profil au milieu d’une centaine d’autres de ta vie, ça ressemble à ce que tu as fait lors de la soirée, publier cette photo sans m’avertir. Tu as encore une fois exposé ma vie, un moment de bonheur personnel à tout le monde alors que tu n’étais même pas présent. Honnêtement, récupérer cette photo a toujours été une arrière pensée chez moi quand on se parlait. Si, si je te le jure. 3 ou 4 fois par an, cela revenait comme un boomerang. J’ai encaissé tes saloperies de réflexions qui se veulent drôles et qui sont justes odieuses parce que j’espérais que tu me la rendrais un jour.
Ça te semble fou ? Laisse moi t’expliquer pourquoi : Mark est la seule histoire d’amour de toute ma vie, même si elle n’a pas duré de mon fait, qui ressemble à une belle histoire, un temps où il me restait un peu d’innocence. Mark était célibataire et il m’a choisie. Je n’ai pas été un choix par défaut comme avec toi et les autres – allons, tu es venu vivre avec moi parce que tu ne savais pas où aller, plus de légende entre nous au stade où nous en sommes. Mark m’a choisie. Je n’en revenais pas et j’ai été si heureuse cet été-là. Time of my life.
Cette photo, c’est tout ce qui me reste de ma plus jolie histoire, on était jeunes, on était beaux, c’était l’été à New-York et on n’avait besoin de se cacher de personne dans cette ville, on était libre. C’était spontané et joli. Oui joli.
Cette photo, c’est une façon de me souvenir que ce genre d’histoires, une simple histoire d’amour a existé dans ma vie, une histoire sans complications, un début comme dans un film, une comédie romantique et le cadre idyllique, Mark et moi on s’aimait comme on s’aime à 20 ans.
Il y en avait une seconde où je regarde la caméra et je souris. Je suis dans les bras de Mark et je souris, j’ai 23 ans et il vient de me réconcilier avec mon coeur, mon coeur ébréché. Toi et mon ex-mari vous m’avez volé cette photo et c’est tout un symbole car ce n’est pas seulement ça que vous m’avez pris finalement, ma capacité à m’abandonner s’est envolée. Vous êtes vous emparé de cette photo parce que j’avais l’air heureuse ?
Un jour, j’ai cessé de repousser ce qui vous tue à petit feu, cette souffrance comme un gouffre, comme un précipice et vous ai quitté sans le moindre regret. Si tu voulais une explication, la voilà 24 ans après.
Je t’ai beaucoup aimé aussi, mais ça n’a jamais été assez. Tout est toujours insuffisant à tes yeux, tu es un prince déchu, la peur au ventre tu fais semblant de vivre en définitive.
J’ai l’espoir fou à présent, maintenant que cette photo est de retour dans ma vie, oui l’espoir fou de redevenir un peu cette jeune fille ou plutôt son coeur, juste un peu, cette jeune fille qui sourit en s’abandonnant à l’amour d’un homme bienveillant.
« Tu veux tu veux tu veux tu veux toujours me plaire
Montez le son tant que tu peux et j’aimais me faire taire
Je repousserai tant que je peux ce qui te tue mon frère «