Meet Axel and the farmers

10 octobre 2010 0 Par Catnatt

 

 

Auteur inconnu

Flèche d’or, samedi 2 octobre, 17h30, je pousse la grille et je le vois de suite, Axel, plus réel que sur la pochette de l’album d’Axel and the Farmers, Axel aux jolies mains impeccables. Je m’étonnerai presque qu’il ait les pieds sur terre, je vérifie machinalement s’il ne flotte pas. Mais où sont donc passés ses deux parapluies qui le maintiennent en équilibre sur son mur de briques rouges ? Et son chapeau ?

 

« Make up your dreams in a suitcase. »



Je me demande s’il continue de rassembler ses rêves dans une valise, comme lorsqu’il se réveillait, un peu perdu, dans des endroits qu’il ne connaissait pas et qu’il souhaitait fuir, comme dans Dream#7, hymne pop euphorisant et rêveur, joli hommage à John Lennon et son Dream#9.

 

Si la pochette du disque évoque vaguement Jacques Tati, Gilbert Garcin, ou Magritte, c’est peut-être parce que comme disait celui-ci : « je veille, dans la mesure du possible, à ne faire que des peintures qui suscitent le mystère avec la précision et l’enchantement nécessaire à la vie des idées » . On pourrait l’appliquer à Axel et ses chansons. Si le texte est important, il commence par composer la musique, essentielle, chante en yaourt dessus, retient les sonorités qui surgissent, la musicalité avant tout et écrit un texte quasiment en fonction. Un texte avec du sens, mais surtout des images, mystérieuses, pourtant précises et si possible quelques enchantements, parfois quelques expressions traduites littéralement pour faire succomber les anglo-saxons au charme si français de certaines métaphores. Allright. […]lire la suite, bien sûr ![…]

 

La musique est résolument pop sur cet album, mais Axel a mis dix années à aboutir ce projet, nourri d’influences si disparates qu’elles en furent déroutantes. Si elle est rock, ensoleillée, enjouée et punchy, les paroles sont beaucoup plus troubles, on perçoit la vague angoisse qui habite Axel, comme un parallèle entre un physique plutôt très agréable (Vaguement mannequin pour vivre) et un mental beaucoup plus complexe et torturé.

 

« Of all the things I’ve lost I miss my mind the most »


« Souvenir », sucrerie orchestrale romantique et ingénue, la chanson la plus nue, la plus dépouillée, celle qui met le plus en avant sa voix, écrite en souvenir de son arrivée en Angleterre, pour oublier une jeune femme trop aimée, cicatriser et partir à l’aventure. Ho really, ho man… au moins jusqu’au lac, celui auprès duquel on s’asseoit et qui nous reflète, nous et certaines choses impalpables.

 

« On the lake drifts a bottle of rain ».


Barth, le fidèle compagnon, comme un double inversé, qui écrit le texte de « Bottle of rain » . Le yaourt était resté sur l’estomac, c’est donc dans les souvenirs d’Ecosse de Barth qu’il faudra plonger, avec le maître mot « Lake », au sein de ce jeu entre nous, le temps et la nature, ballade onirique, lyrique et nostalgique, quasi de la poésie. Dive in.

 

« They gone mad mad mad mad mad mad to go blind blind blind blind blind »


« Electrika », manifeste kautrock hypnotique et psychédélique, paroles répétitives matraquées, tout dans la sonorité qui se termine par une pirouette, comme une « Katherinette », Blah, blah, blah.

 

« Billy’s got troubles, Billy’s gonna die »


Chanson peut-être plus personnelle, celle que je préfère en tout cas, « Billy’s trouble », écrite lorsque Axel apprend la mort du père d’un ami. L’on s’aperçoit au fur et à mesure de cet album, et même s’il s’en défend, qu’Axel a des penchants pour les ironies du sort et les illustre avec cette ballade pop cinématographique et nocturne. Bien moins lisse qu’il n’en a l’air.

 

« Jimmy was something, meant to become »


« Lamp post lighter », chanson pop sentimentale, lyrique et poétique, rédigée en souvenir d’un appartement exigu au voisinage agressif. Axel avait ce délire noir d’un jour se casser la gueule de l’échelle de la mezzanine, et se disait que ce serait bien idiot de mourir ainsi. Axel lisait Saint Exupéry et l’un de ses héros usait son temps à allumer une lanterne qu’un tour de terre venait éteindre. De l’absurde. De la dérision, l’une des principales caractéristiques d’Axel.

 

« Dance all ! Dance all ! Dance all ! »


Vite. Oublier tout ça, chanson défouloir, cri primal, morceau à fonction, morceau à fantasme, « Dance hall » correspond au moment où sur scène Axel a envie de lâcher la bride à cette énergie rock accumulée comme quand il est rentré d’Angleterre. Ce garçon était suicidaire, il chantait des chansons intimistes, parfois, devant un public de punks enragés, et il avait des envies de se prendre pour un rocker endiablant la foule. C’est fait.

 

« Coz your kids are full of skills »


Jolie ritournelle, jolie histoire, « Kids », divagation pop psychédélique, un bel hommage à sa nièce, petite fille imaginative, qui avait oublié sa poupée, loin, très loin, en Normandie, petite fille dans une maison surplombant une plaine, et qui apercevant de loin les phares des voitures, imaginait que c’était sa poupée qui lui envoyait des messages.

 

« Can you breath Honey ? Can you breath ? »


« The american jaw», hommage surf aux films de série B, existe sur l’album de Barth, « Cuchillo », pas la même chanson, comme une femme, jamais tout à fait la même, une réponse mais aussi inversée. Axel partait régulièrement se réfugier chez son ami, loin de la fureur anglaise, marquer des pauses, faire de la musique ensemble, « Tiens, si on faisait un morceau cet après-midi ? ». Que toi Axel, urbain à en crever, tu espères que Barth, devenu un homme des campagnes, garde son côté « Keep a punk into your shoes ».

 

« Brick time, red time, bricks time, red time »


Nous sommes arrivés en Normandie, c’est la fin, terre d’enfance d’Axel, ses briques rouges, son nez rouge de froid l’hiver, ses quartiers, et les ambiances de sa ville natale. « Red nose », rêverie krautrock pop et atmosphérique.

 

Oui, c’est la fin du voyage, en équilibre sur un mur rouge, deux parapluies, et un chapeau. Mine de rien, point de départ, un rêve un peu surréaliste, de l’angoisse, une ballade au bord d’un lac, sombrer dans la folie, le trouble est détecté et l’on fait face à la mort toujours absurde, oublier en dansant, effréné, s’oublier aussi dans l’enfance d’une autre, partir, et revenir vers ses racines. C’est ainsi, l’album d’Axel and the farmers. Un parallèle avec sa vie, le départ en Angleterre, de multiples aventures, et le retour. Et le voilà. Il s’est cherché pour mieux se trouver. Pour mieux à nouveau chercher, une question, une réponse, qui engendre forcément une autre question. Tour sans fin. Il sait juste que le prochain album sera plus cohérent musicalement. Là, se sont juxtaposées, pendant dix années, des couches et des couches d’influences, celles de ceux avec qui il a joué, et aussi David Bowie, The Zombies, Brian Eno, Pince, The Pixies, The Beach Boys, P.I.L, et tant d’autres.

 

La question que je me suis posée en regardant la pochette, c’est « Est-il en train de chuter ou est-il en parfait équilibre bien au contraire ? ». Je crois que c’est mieux que ça. Je crois que c’est un leurre, ses pieds ne touchent même pas les briques…

 

*Note : En italique, ce sont des extraits des chansons de Axel and the Farmers, en souligné, des phrases issues du communiqué de presse qui ont défini bien mieux que moi ses chansons.




AXEL AND THE FARMERS / DREAM#7 / VIDEO / DIR… par Bleepmachine