Haineusement vôtre

4 février 2010 1 Par Catnatt

Billy Rose Theatre Collection photograph file

De Villepin, Sarkozy.

L’un est né dans le sérail, parcours politique sans passer par la case élection : Bac avec mention, sciences-po, Ena, service militaire sur le Clemenceau, diplomate aux Etats-Unis, puis en Inde : Dominique de Villepin.

Redoublement de la 6ème (C’est la petite mesquinerie du jour), bac B sans mention, Université de Nanterre, service militaire au Groupe rapide d’intervention chargé du nettoyage (Mazette !), dans le XVe arrondissement, sciences-po mais pas de diplôme pour Nicolas Sarkozy. Ha si, pardon un DEA en sciences politique.


Générique Amicalement Votre
envoyé par SamFisher037. – Regardez la dernière sélection musicale.

Je ne sais pas pourquoi mais le parallèle avec la série amicalement votre, mais dans son opposé, m’a sauté à la figure.

Dominique de Villepin est un diplomate, l’autre un avocat. Leurs formations professionnelles, à mon sens, a de l’importance. On comprendra aisément l’impact sur leurs comportements. Leur parcours aussi. Je crois que Nicolas Sarkozy a « l’illégitimité » dans le sang. Il doit, il pense qu’il doit justifier sa présence en permanence. Ses complexes, le moteur de sa vie, vont devenir son talon d’Achille. Il n’en va pas de même pour De Villepin. Ce serait exactement même le contraire.

Petit rappel de l’actualité. Jeudi 28 janvier, De Villepin est relaxé. Le lendemain, le parquet fait appel de cette décision à la radio. (D’où le parquet annonce-t-il ses actions à la radio maintenant ?). Le Canard enchaîné rapporte cette semaine la réaction du Président : « Il faut lui faire la peau, être très dur. Je le veux à terre, et sans oxygène » a rugi Nicolas Sarkozy quelques minutes après l’annonce de la relaxe de Dominique de Villepin, le 28 janvier. » Voir ici. Un être humain sans oxygène meurt. C’est sans discussion. Et on a beau être dans le registre de la métaphore, nous avons bel et bien affaire à du vocabulaire de mise à mort dans ces deux phrases.

Ce qui se joue dans cette affaire est de l’ordre de la mécanique amoureuse. Même si De Villepin et Sarkozy n’ont jamais joué au couple, nous sommes dans le répertoire amoureux. Il y a cette petite phrase de Villepin « Sarkozy m’aime trop ». Il n’est pas, là, question de l’individu. Je crois que Sarkozy aurait adoré être de Villepin. Grand. Elégant. Calme. Élocution posée. Diplomate. Parcours non entaché de redoublement et d’échecs. Terriblement français, contrairement à lui, le français d’origine hongroise qui se veut plus français que les Français en foutant à la porte les immigrés clandestins. De Villepin incarne l’humiliation permanente de n’être pas à la hauteur du destin rêvé. Et Sarkozy pourra épouser toutes les Carla Bruni du monde, rien n’y changera. Il déteste être lui.

« Ce salopard qui a monté cette affaire et qui finira sur un croc de boucher »

Bis repetita sur la mise à mort.

C’est une phrase d’une rare violence en politique. Je dirais du jamais vu. Mais Sarkozy s’est peut-être trompé : « Le salopard » en question pourrait bien être lui et plus rapidement que prévu. À force d’être violent, il y a quelques millions de français qui aimeraient bien le voir, lui, pendu à un croc de boucher. Jamais, un Président de la République n’avait inspiré autant de haine. C’est vrai. Même moi, surtout moi, je suis total allergique et je peine à rester objective. Mais comme dans tous les couples, ma position reste la même. C’est généralement 50/50. Et Sarkozy a bien une part de responsabilité dans la haine qu’il suscite. Le « Casse-toi pauvre con ! » est violent. Il a traîné dans la boue de son agressivité verbale le statut du Président de la République…

J’en connais un de Sarkozy dans la blogo. Ca s’agite, ça fait dans l’écoute compassionelle pour mieux manipuler les gens, c’est omniprésent en matière de communication, ça retourne sa veste, ça « crée » suite à des faits divers, ça fait dans le « gouvernement d’ouverture » pour mieux asseoir ses ambitions, ça ment beaucoup, ça se fait passer surtout pour ce que ça n’est pas et surtout l’objectif est toujours le profit, encore le profit. Une montagne de complexes réfugiée dans un être qui aura beau faire, ça ne sera jamais assez, l’arrogance pour rhabiller la faiblesse, consumé par l’ambition, et qui, un jour, sera acculé sur l’autel de ses contradictions. 2012 ?

Mais je m’égare. Revenons à notre tango judiciaire. Ce n’est pas l’issue de cette histoire qui est importante. C’est ce que cela révèle. C’est politique. Evidemment. Mais c’est surtout psychologique. Et c’est là, où nous nous rendons compte que nous avons franchi un cap dans la vie politique française. Sarkozy traite de Villepin comme un homme traîne sa femme dans la fange d’un divorce sans issue favorable. « Je te ferai payer », phrase entendue des milliards de fois. « Ce salopard qui a monté cette affaire et qui finira sur un croc de boucher ». « Je le veux à terre, et sans oxygène ». Je veux ton anéantissement. Rien de rationnel. Je veux que tu n’existes plus puisque tu n’es plus à moi. Je veux que tu n’existes plus puisque je ne serai jamais toi.

Je n’ai jamais été particulièrement fan de de Villepin. Mais j’ai trouvé, lors de sa prestation à Canal Plus, qu’il avait gagné en profondeur, s’était humanisé, que les coups bas avaient eu raison de ses « traits trop lisses ». Comme une femme qui gagne en confiance en se battant pour ses droits, (Qu’on ne se méprenne pas, ce sont les genres qui me viennent naturellement mais je pourrais en dire autant des hommes), sa liberté de faire, sa liberté de pensée.

Nicolas Sarkozy aurait pu s’en sortir brillamment. En laissant De Villepin en paix, en respectant le jugement (Non, je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute sur le véritable décisionnaire, Marin est un leurre). De Villepin n’avait plus aucun angle d’attaque, il se serait essoufflé et les médias se seraient détournés. Pêché d’orgueil. L’erreur de trop. Celle qui fera plonger son propre camp dans le déchirement des « amis » qui choisissent ou celui qui est quitté ou celle qui est partie.

L’émotion. L’émotion envahit la politique, le champ de la tête froide. Lois réactionnelles aux faits-divers. Tenter de détruire celui qui n’était même pas un concurrent sauf dans ses propres fantasmes. De l’irrationnel à tous les niveaux. Je crois que c’est cela le malaise qui envahit la France. La sensation que nous ne sommes plus dans la raison. Mais les deux pieds dans le cambouis du sentiment, de ceux qui nous rendent aveugles.

Je m’étonne d’une seule chose. C’est que les médias suivent de Villepin, à ce point-là. De Julien Dray, qui était pourtant dans un imbroglio judiciaire improbable (Ha tiens… Marin était par là aussi, c’est lui qui a fourni tout le dossier à Dray), nul n’a spécialement parlé. Alors je veux bien croire que ça fait vendre. Mais pas seulement. Je crois que les patrons des médias se laissent une porte de sortie face à Sarkozy. Vous savez quoi ? Je vais même aller plus loin. Je crois que les soutiens du Président le méprisent un peu. Ils sont pragmatiques, certes, mais tout ça me fait, parfois, penser à Bel-Ami de Maupassant. L’intelligence en moins. Sarkozy pourra faire tout ce qu’il veut, il ne fait pas partie du sérail. Le mensonge chevillé au corps, l’ambition à faire des tranchées dans le parquet, la veulerie qui dégueule de tous ses actes, il aura beau faire, c’est pas très classe. Pire. Il peut claquer tout le pognon qu’il veut dans des rolex, il ne réussira jamais à acheter son histoire.

Et c’est là, où je reviens au générique d’Amicalement vôtre. Pour que Sarkozy s’apaise, il lui faudrait effacer toutes les photos, tout son parcours, tout son générique. Oui. Son histoire. Il a beau avoir atteint son objectif : lui ! Président de la République. Chaque jour que Dieu fait, il se regarde dans la glace. Et ce ne sera jamais assez pour effacer ce qu’il est. Jamais assez pour faire apparaître ce qu’il aurait adoré être : Dominique de Villepin. Et s’il ne peut l’être… Alors ce dernier doit disparaître.

« Comme on dit « faire l’amour », il faudrait pouvoir dire « faire la haine ». C’est bon de faire la haine, ça repose, ça détend. »

François Mauriac. « Le Sagouin ».

Sarkozy fait la haine comme il respire.

Crédit photo Flickr