Grosse fatigue… (religieuse)

20 septembre 2012 23 Par Catnatt

 

Je suis croyante et je ne crois jamais l’avoir dit aussi frontalement ici. Je suis d’environnement catholique, j’aime beaucoup de choses dans cette religion mais comme je suis excommuniée d’office – j’ai avorté- je fais ma sauce comme je peux. Je fais ma sauce comme je peux parce qu’il y a aussi des positions de l’Eglise qui sont insoutenables en société :  l’attitude envers les prêtres pédophiles, l’affaire de la petite brésilienne, les propos provocateurs sur l’homosexualité et le mariage gay aussi. Etc.

 

Quand j’annonce que je suis croyante et donc « plutôt » catholique, deux fois sur trois, l’interlocuteur passe de l’incrédulité à une légère agressivité. On me somme en général de m’expliquer et j’ai droit à un sermon (isn’t it ironic ?) en bonne et due forme comme quoi je ne peux décemment pas sombrer dans tant d’irrationnalité : de type tu crois quand même pas que Jésus a marché sur l’eau ou que Eve et Adam ont réellement existé. La seule chose que je me borne à répondre aujourd’hui, c’est que c’est une foi par défaut. Je ne me résous pas au chaos, ça me terrorise. Je ne crois pas au hasard, tout cela doit forcément avoir un sens. Et j’en reste là, parce que ça me fatigue de me justifier.

 

Voilà, c’est aussi simple que ça.

 

Ce qui me fait le plus rire chez certains athées, c’est l’acharnement qu’ils mettent à défendre… une croyance finalement, en tombant sans s’en rendre compte dans les mêmes travers que leurs « ennemis » : le fanatisme. Peu importe la religion, la vraie problématique réside dans cette mécanique hystérique : être tellement persuadé d’avoir raison que l’on en devient violent : mon ex-mec était un bouffeur de curé et je me rappelle d’une séance d’engueulade mémorable à cause de… scouts. Il est devenu fou dans sa voiture en voyant des scouts. J’étais tellement interloquée que j’ai fini par lui dire : « si tu étais un croyant, tu serais un fondamentaliste » et il a reconnu que j’avais probablement raison.

 

Je n’aime pas les caricatures religieuses, elles me font rarement rire quelle que soit la cible. Mais jamais, je me permettrais d’interdire cette pratique que je trouve, par ailleurs, très saine. Accepter d’être remis en question par autrui, d’être chambré, d’être mis dos au mur, d’être provoqué fait partie intégrante de ce que j’appelle « notre job d’être humain » :

 

« La certitude obéit même à une définition négative : c’est ce qui n’est pas discutable. Mais l’être humain est un être social, qui ne cherche qu’à discuter. Par conséquent vivre assuré de ce qu’on est, et figé dans ce qu’on pense, c’est vivre en inhumain » (Laurent Nunez dans le Magazine Littéraire »).

 

Pour moi, la foi est un état fluctuant, elle est sans arrêt en mouvement et elle doit accepter d’être mise en doute. Si je suis contre la publication des caricatures de Charlie Hebdo, c’est en tant que citoyenne, pas en tant que croyante. Par prudence, par le contexte actuel, parce que oui, ce n’est pas la peine de mettre de l’huile sur le feu. Mais jamais je n’aurais fait interdire ce journal même si j’en avais eu le pouvoir. C’est eux qui en prennent la responsabilité, c’est à l’Etat de faire en sorte que les éventuelles conséquences soient limitées.

 

Si on avait du définir cette saloperie d’identité nationale, je crois que la laïcité aurait dû en faire partie. Le fait que le temporel et le spirituel aient été séparés a été une des meilleures choses arrivées à notre pays. Ce qui nous caractérise, c’est que notre société a fait séparation d’états au sein même de l’individu. Pour moi, la foi est chose privée, c’est un rapport au monde particulier qui concerne l’individu et non le citoyen. Si les musulmans sont si à vif sur leur religion, c’est qu’ils n’ont pas séparé (encore ?) la politique et le spiritualité. Ils le feront ou pas, ça les regarde. Depuis plus de dix ans, on les montre du doigt, j’imagine que, eux aussi, sont fatigués. Plus que moi probablement.

 

Mais en ce moment, j’entends beaucoup trop parler de religion. Beaucoup trop. J’ai passé la journée d’hier sur Charlie Hebdo comme à peu près tout le monde sur twitter.  J’ai commenté un billet il y a quelques jours sur les propos d’un évêque ou de je ne sais plus qui. Il y a eu la surprise des manifs anti-américaines un peu partout dans les pays de confession musulmane. Il y a eu #28mn sur Arte où une Femen expliquait qu’elle était athée et qu’elle était pour l’interdiction pure et simple des religions. Comme si cela allait de soi… Il y a ce projet absolument délirant de l’OCI d’inscrire le blasphème dans le droit international et comptez sur moi pour m’y opposer de toutes mes forces, c’est le retour de l’inquisition. Et puis il y a eu ce billet sur le Lab où je lisais ce titre : « Les catholiques de gauche veulent peser dans le débat sur le mariage homosexuel« .

 

J’ai soupiré. Je ne comprends pas. Ca me fatigue. Je crois que j’ai une certaine idée de la gauche. Être de gauche, c’est être laïc, par exemple. C’est con mais pour moi, ça veut dire une chose très simple : une séparation rigoureuse entre l’individu et le citoyen, entre le public et le privé comme dit précédemment. Et je ne vois pas comment des gens de gauche laisseraient le catholique qui est en eux prendre une décision qui concerne tout le monde. Ca me semble ahurissant.

 

Je dois être neuneu (Encore ?! Oui, oui…). Si l’on me somme de m’expliquer parfois sur ma foi, je n’ai JAMAIS sommé qui que ce soit de se justifier de son rapport au monde. Je n’ai jamais tenté de convaincre qui que ce soit parce que nous sommes précisément sur le terrain du privé. Et là en l’espèce, des catholiques, certes de gauche, tentent de me convaincre que leur foi et par conséquent leur façon d’envisager la vie à deux est la bonne et que rien ne doit bouger. Ils ont placé leur foi sur le champ politique. Alors que des gens de droite le fassent, j’ai du mal mais comme je les considère globalement comme rétrogrades, je peux comprendre d’où ça vient. Mais, sans déconner, des gens de gauche ? C’est nouveau ? D’où ça sort ? Depuis combien de temps existent-ils sur l’échiquier politique ?

 

Hier, Marine Le Pen, Rioufol marchaient main dans la main avec Charlie Hebdo. Aujourd’hui les catholiques de droite et de gauche font cause commune. Trente morts pour un film à la con. On va où là ? Vous n’êtes pas fatigués d’entendre parler de religion toute la sainte (!!) journée ? Moi, oui, surtout ce soir. Ca me fatigue.

 

Aujourd’hui notre priorité, elle est économique. Moi, la première je perds de vue trop souvent cet état de fait. Mea culpa.

 

J’aimerais qu’une bonne fois pour toutes – et oui c’est vaguement dictatorial – ces « catholiques de gauche » en fassent de même. Remballez vos projets d’influence et de vouloir à tout prix imposer vos idées dictées par une croyance. Vous ne prenez pas une décision personnelle, vous prenez une décision pour la société française tout entière.

 

Faites un effort, soyez collectifs. Ca, je suis à peu près sûre que c’est de gauche…

 

(Et puis, ça me reposera. Je ne sais pas qui a dit – puisque ça ne serait pas Malraux- « le XXIème siècle sera religieux/spirituel/mystique ou ne sera pas ». Mais il serait temps de le faire mentir…)