Grosse fatigue… (religieuse)
Je suis croyante et je ne crois jamais l’avoir dit aussi frontalement ici. Je suis d’environnement catholique, j’aime beaucoup de choses dans cette religion mais comme je suis excommuniée d’office – j’ai avorté- je fais ma sauce comme je peux. Je fais ma sauce comme je peux parce qu’il y a aussi des positions de l’Eglise qui sont insoutenables en société : l’attitude envers les prêtres pédophiles, l’affaire de la petite brésilienne, les propos provocateurs sur l’homosexualité et le mariage gay aussi. Etc.
Quand j’annonce que je suis croyante et donc « plutôt » catholique, deux fois sur trois, l’interlocuteur passe de l’incrédulité à une légère agressivité. On me somme en général de m’expliquer et j’ai droit à un sermon (isn’t it ironic ?) en bonne et due forme comme quoi je ne peux décemment pas sombrer dans tant d’irrationnalité : de type tu crois quand même pas que Jésus a marché sur l’eau ou que Eve et Adam ont réellement existé. La seule chose que je me borne à répondre aujourd’hui, c’est que c’est une foi par défaut. Je ne me résous pas au chaos, ça me terrorise. Je ne crois pas au hasard, tout cela doit forcément avoir un sens. Et j’en reste là, parce que ça me fatigue de me justifier.
Voilà, c’est aussi simple que ça.
Ce qui me fait le plus rire chez certains athées, c’est l’acharnement qu’ils mettent à défendre… une croyance finalement, en tombant sans s’en rendre compte dans les mêmes travers que leurs « ennemis » : le fanatisme. Peu importe la religion, la vraie problématique réside dans cette mécanique hystérique : être tellement persuadé d’avoir raison que l’on en devient violent : mon ex-mec était un bouffeur de curé et je me rappelle d’une séance d’engueulade mémorable à cause de… scouts. Il est devenu fou dans sa voiture en voyant des scouts. J’étais tellement interloquée que j’ai fini par lui dire : « si tu étais un croyant, tu serais un fondamentaliste » et il a reconnu que j’avais probablement raison.
Je n’aime pas les caricatures religieuses, elles me font rarement rire quelle que soit la cible. Mais jamais, je me permettrais d’interdire cette pratique que je trouve, par ailleurs, très saine. Accepter d’être remis en question par autrui, d’être chambré, d’être mis dos au mur, d’être provoqué fait partie intégrante de ce que j’appelle « notre job d’être humain » :
« La certitude obéit même à une définition négative : c’est ce qui n’est pas discutable. Mais l’être humain est un être social, qui ne cherche qu’à discuter. Par conséquent vivre assuré de ce qu’on est, et figé dans ce qu’on pense, c’est vivre en inhumain » (Laurent Nunez dans le Magazine Littéraire »).
Pour moi, la foi est un état fluctuant, elle est sans arrêt en mouvement et elle doit accepter d’être mise en doute. Si je suis contre la publication des caricatures de Charlie Hebdo, c’est en tant que citoyenne, pas en tant que croyante. Par prudence, par le contexte actuel, parce que oui, ce n’est pas la peine de mettre de l’huile sur le feu. Mais jamais je n’aurais fait interdire ce journal même si j’en avais eu le pouvoir. C’est eux qui en prennent la responsabilité, c’est à l’Etat de faire en sorte que les éventuelles conséquences soient limitées.
Si on avait du définir cette saloperie d’identité nationale, je crois que la laïcité aurait dû en faire partie. Le fait que le temporel et le spirituel aient été séparés a été une des meilleures choses arrivées à notre pays. Ce qui nous caractérise, c’est que notre société a fait séparation d’états au sein même de l’individu. Pour moi, la foi est chose privée, c’est un rapport au monde particulier qui concerne l’individu et non le citoyen. Si les musulmans sont si à vif sur leur religion, c’est qu’ils n’ont pas séparé (encore ?) la politique et le spiritualité. Ils le feront ou pas, ça les regarde. Depuis plus de dix ans, on les montre du doigt, j’imagine que, eux aussi, sont fatigués. Plus que moi probablement.
Mais en ce moment, j’entends beaucoup trop parler de religion. Beaucoup trop. J’ai passé la journée d’hier sur Charlie Hebdo comme à peu près tout le monde sur twitter. J’ai commenté un billet il y a quelques jours sur les propos d’un évêque ou de je ne sais plus qui. Il y a eu la surprise des manifs anti-américaines un peu partout dans les pays de confession musulmane. Il y a eu #28mn sur Arte où une Femen expliquait qu’elle était athée et qu’elle était pour l’interdiction pure et simple des religions. Comme si cela allait de soi… Il y a ce projet absolument délirant de l’OCI d’inscrire le blasphème dans le droit international et comptez sur moi pour m’y opposer de toutes mes forces, c’est le retour de l’inquisition. Et puis il y a eu ce billet sur le Lab où je lisais ce titre : « Les catholiques de gauche veulent peser dans le débat sur le mariage homosexuel« .
J’ai soupiré. Je ne comprends pas. Ca me fatigue. Je crois que j’ai une certaine idée de la gauche. Être de gauche, c’est être laïc, par exemple. C’est con mais pour moi, ça veut dire une chose très simple : une séparation rigoureuse entre l’individu et le citoyen, entre le public et le privé comme dit précédemment. Et je ne vois pas comment des gens de gauche laisseraient le catholique qui est en eux prendre une décision qui concerne tout le monde. Ca me semble ahurissant.
Je dois être neuneu (Encore ?! Oui, oui…). Si l’on me somme de m’expliquer parfois sur ma foi, je n’ai JAMAIS sommé qui que ce soit de se justifier de son rapport au monde. Je n’ai jamais tenté de convaincre qui que ce soit parce que nous sommes précisément sur le terrain du privé. Et là en l’espèce, des catholiques, certes de gauche, tentent de me convaincre que leur foi et par conséquent leur façon d’envisager la vie à deux est la bonne et que rien ne doit bouger. Ils ont placé leur foi sur le champ politique. Alors que des gens de droite le fassent, j’ai du mal mais comme je les considère globalement comme rétrogrades, je peux comprendre d’où ça vient. Mais, sans déconner, des gens de gauche ? C’est nouveau ? D’où ça sort ? Depuis combien de temps existent-ils sur l’échiquier politique ?
Hier, Marine Le Pen, Rioufol marchaient main dans la main avec Charlie Hebdo. Aujourd’hui les catholiques de droite et de gauche font cause commune. Trente morts pour un film à la con. On va où là ? Vous n’êtes pas fatigués d’entendre parler de religion toute la sainte (!!) journée ? Moi, oui, surtout ce soir. Ca me fatigue.
Aujourd’hui notre priorité, elle est économique. Moi, la première je perds de vue trop souvent cet état de fait. Mea culpa.
J’aimerais qu’une bonne fois pour toutes – et oui c’est vaguement dictatorial – ces « catholiques de gauche » en fassent de même. Remballez vos projets d’influence et de vouloir à tout prix imposer vos idées dictées par une croyance. Vous ne prenez pas une décision personnelle, vous prenez une décision pour la société française tout entière.
Faites un effort, soyez collectifs. Ca, je suis à peu près sûre que c’est de gauche…
(Et puis, ça me reposera. Je ne sais pas qui a dit – puisque ça ne serait pas Malraux- « le XXIème siècle sera religieux/spirituel/mystique ou ne sera pas ». Mais il serait temps de le faire mentir…)
c’est la phrase qui serait apocryphe, une déformation d’un de ses propos réels.
sur la foi, ce qui me terrifie en elle c’est lorsque des personnes en font l’objet d’une vérité à servir sans discussion (la différence avec la « vérité » politique étant que sa source, divine, est encore plus intouchable et absolue).
j’étendrais volontiers aux religions cette phrase de Pennac frappée au coin du bon sens, dans une vieille interview aux Inrocks :
« Ce qui est grave, ce n’est pas d’être staliniste ou libéral, ce sont les points d’exclamation que l’on y met. »
Il faudrait que je relise ce que Arendt décrivait comme les « religions politiques » mais il y a sans doute de ça. La croyance est tellement puissante, civile ou religieuse, ce qu’on devrait enseigner avant tout, à tout le monde, c’est de toujours laisser une part au doute.
Oui et il me semble que la laïcité, c’est quelque part le point de départ de cet espace du doute
Putain mais MERCI !!
signé : une catho féministe pro-sexe de gauche maman au foyer mais pas trop qui en a marre de se justifier et qui aimerait qu’on parle d’autre chose, bisous.
Bah de rien, ça fait plaisir 🙂
Pro-sexe ? Ah. J’ignorais que le catho, de quel bord qu’il soit, puisse être contre 😀
Manu, féministe pro-sexe c’est en réaction au mouvement « chiennes de gardes », je ne suis pas pour interdire la prostitution ni le porno, mais je milite pour une évolution positive, une sexualité positive, que la féminité ne soit pas une tare, etc etc … (mais ceci est une autre histoire 😉 )
Salut, je comprends tout ce que tu veux dire, je suis aussi de culture catholique (c’est une différence notable avec être catholique…j’ai mis du temps à le comprendre)
Être chrétien, c ‘est avant tout être du Christ et vivre selon ses enseignements, se savoir aimé inconditionnellement par Lui! Que tu n’adhère pas à ce que propose l’Eglise, je le comprends, il est parfois vigne difficile de comprendre telle ou telle position!
Mais on découvre, si on veux bien faire la démarche , que l’Eglise veut le bonheur de l ‘Homme! Et si on sort des clichés médiatiques, on découvre quotidiennement le fabuleux travail que font les millions de chrétiens pour leurs frères! Et c’est ça l’Eglise, sa richesse et ça diversité!
Pour ce qui est de l’excommunication, ce n’est pas une exclusion mais une invitation à retrouver le chemin de la communion. Il serait dommage de s’enfermer dans cette idée et de se supprimer un chemin de retrouvailles avec le Christ!
L’Eglise regorge de personne blessés, meurtries, pécheresses…elle est composées d’Hommes! C’est la folie d’amour du Christ d’avoir confier son Église aux Hommes!
Ne t’auto-exclus pas, tu passerais à côté d’un chemin de paix.
Biz
Pour les religions et la spiritualité, elle fait partie de l’homme, on ne peut la nier. Le siècle passé à tenter de faire disparaître cette liberté de l’homme au prix de milliers de victimes!
Il est bon et essentiel que les religions soit indépendantes du pouvoir politique. (et inversement)
Attention à ne pas faire de la laïcité une nouvelle religion.
Merci pour ton commentaire 🙂
» l’Eglise veut le bonheur de l ‘Homme! » sauf par exemple celui des homosexuels. Qu’elle ne veuille pas célébrer de mariage de ce type là, je n’ai aucun problème avec ça. Mais elle n’a pas à influencer la société.
« Pour ce qui est de l’excommunication, ce n’est pas une exclusion mais une invitation à retrouver le chemin de la communion. Il serait dommage de s’enfermer dans cette idée et de se supprimer un chemin de retrouvailles avec le Christ! »
L’excommunication est quelque chose d’extrêmement violent. C’est à L’eglise de changer et donc de supprimer l’excommunication en cas d’avortement (entre autres), ce n’est pas à moi de demander pardon.
En ce qui me concerne, Jésus se résume à une chose « aimez vous les uns les autres ». On ne s’est jamais perdu, je ne vois pas pourquoi on parlerait de retrouvailles. J’ai choisi d’avorter, il sait pourquoi, je crois qu’il fait confiance à ma conscience pour positionner cet acte au bon endroit. Et nos relations sont telles que je ne crois pas qu’il me demande de demander pardon.
J’ai bien précisé que je faisais ma sauce comme je peux. Voilà un exemple.
« Pour les religions et la spiritualité, elle fait partie de l’homme, on ne peut la nier. »
Malgré ton discours très pacifié, pour moi, ça, ça ne va pas. Dire « on ne peut la nier » est déjà de l’ordre de la certitude. Et le sujet principal de ce billet accessoirement, c’est bel et bien de dire que bien sur que si, on a le droit de la nier.
CLAP CLAP !! As usual. Parfait.
Et surtout « une séparation rigoureuse entre l’individu et le citoyen, entre le public et le privé »… Carrément. Le projet Lazarus appuie bien sur ce point je trouve un peu 🙂 Croire, avoir la foi, moi aussi je l’ai à ma manière, grave, et ça me guide chaque jour dans tout ce que j’entreprends. mais jamais ça me viendrait à l’idée en effet de mélanger les genres. Ca, c’est mon truc privé, à moi.
Et donc justement du coup, je ne vois toujours AUCUN argument valable pour être contre la publications de cette caricature hier/avant hier (je me perds :)). Pour moi, dire cela en ajoutant « pas mettre de l’huile sur le feu » c’est accepter que par défaut si on critique les symboles musulmans alors PAR DEFAUT ça va s’exciter. Pour moi il est surtout là le problème en fait. Pourquoi ça s’excite autant sans déconner? Qui a un souci dans le fond là? Les athées, les croyants laïcs, les démocrates, les intégristes, les fondamentalistes…? Pour moi rien ne doit jamais être un souci quel que soit le contexte sinon on fait du cas par cas et c’est le gros biais de l’affaire…. Une croyance doit pouvoir être critiquée tout le temps par n’importe qui ET (oui je dis ET ça semble contradictoire, mais non en fait :)) ce serait aussi bien dans l’absolu de moins parler de croyance dans le champ public de manière générale….
#soupir
Bon…
Si Celina tu as déjà vu quelqu’un d’acculé (et c’est bien ce que nous faisons nous les occidentaux, sans cesse acculer les musulmans en mettant en avant les extremistes au lieu d’une majorité de modérés) bien réagir à une énième provocation ou un énième foutage de gueule, appelle ça comme tu veux, tu n’hésites pas à m’appeller…
De ce que je connais de l’espèce humaine quelqu’un d’acculé a plutôt tendance à réagir agressivement…. Mais nous les occidentaux reconnaissons le droit à la caricature. Très bien. C’est pas pour autant que je suis d’accord pour qu’on s’en serve d’autant que, oui, le contexte compte. Faire prendre des risques à des expats et leurs gosses sou prétexte de vente (oui je n’ai pas abordé mais j’en pense pas moins) et d’humour (non j’ai pas ri) ouais j’ai du mal.
Ils l’ont fait, j’espère qu’ils se sont fait plaisir. Parfois, il serait bon de rappeller que dans cette société qui braille toute la sainte journée qu’elle a des droits, qu’elle a aussi… des devoirs…
En l’espèce, le devoir si j’ose dire c’était de calmer le jeu pour laisser la place aux modérés. En fait, finalement, je trouve ça assez enfantin de dire « j’ai le droit donc je le fais » sans tenir compte du monde autour de soi.
Tiens, j’étais en train de réfléchir à l’article que je voulais écrire sur ce sujet qui provoque chez moi un fort urticaire, mon titre étant déjà trouvé : Les Ogm et l’Islam, quel est le plus dangereux pour l’humanité??? C’est fort de café, mais là, je comprends Charlie Hebdo qui s’est fait quand même plastiquer leurs locaux l’an dernier…No comment!
Arielle, j’ai rien compris ^^
cela dit sur Charlie,
1/ d’abord ils ne font pas un n° si différent de ce qu’ils font d’habitude, ils font bien pire sur les curés une semaine sur 2 et s’ils refusent de traiter différemment les religions au motif qu’ils risquent plus de s’en prendre plein la gueule par l’un que l’autre, c’est plutôt à leur crédit
2/les satiristes font de la satire, je trouve souvent minable le contenu des Guignols, et parfois politiquement déplacé, mais ça me regarde, et ça les regarde. On a chacun des trucs qui ne nous font pas rire, et je trouve l’argument difficile à manier (je reconnais que ça m’arrive, mais j’ai des doutes sur la légitimité de cette critique là).
J’ai bien plus de problème, j’ai même un GROS problème avec des journalistes, tous médias confondus, qui se permettent des raccourcis du genre « le film américain islamophobe », qui vont pile dans le sens des poseurs de bombe pour qui 1 film abject fait par une poignée d’individus légitimerait de s’en prendre à tout ce qui est plus ou moins américain.
Que Charlie ou d’autres faiseurs d’humour féroce la jouent « bête et méchant », c’est leur spécificité et c’est une liberté que je leur reconnais indépendamment du contenu.
Les journalistes et autres commentateurs, politiques inclus, là c’est autre chose.
Je trouve aussi proprement scandaleux le ramdam fait autour d’une manif de 150 personnes (150! eh oh, y’a plusieurs centaines de manifs à Paris chaque année, dont une bonne moitié compte plus de participants), ramdam qui a servi à mettre à peu près tous les musulmans dans le même sac (d’une), et à interdire par avance outre autre manif (de deux) , de manière particulièrement autoritaire.
Tout ce qui s’est passé autour de cette manif, et surtout l’énorme fantasme craintif qu’elle a provoqué (Paris = Benghazi, en gros), est de mon point de vue bien plus irresponsable et choquant. Car là, pour le coup, ce sont des responsables politiques et le premier ministre qui brident les libertés publiques sur le fondement implicite qu’en ce moment les musulmans en France sont un danger pour la sécurité.
Eux ne sont pas des humoristes. Mais alors vraiment pas.
mon 2 n’est pas clair :
je veux dire que le « c’est pas drôle » tient la route comme jugement de valeur sur Charlie, ok, mais pas pour estimer que les dessins en question n’auraient pas du être publié.
ils ont le droit ou pas, que toi, moi, d’autres, en rient ou n’en rient pas, ça me paraît plus que secondaire : c’est tellement différent que je pense que ça ne doit pas entrer en ligne de compte.
ce qui me ramène à mon 1 ^^
en résumé : on ne peut pas demander à Charlie de penser soudainement que publier ces caricatures est censé poser problème, alors qu’ils ont toujours été d’avis que ça ne doit pas en poser dans une démocratie. Certes ils marquent le coup, mais ils se tiennent à leur ligne de toujours.
Bien vu Mathieu. C’était précisément ce que je me disais quand j’ai appris l’interdiction de la manif pour protester contre le film. On les entendait moins les défenseurs de la liberté d’expression qui s’agitaient sur Charlie Hebdo…
J’aurais trouvé juste si on laissait Charlie Hebdo faire de laisser manifester ces gens en colère. (Clairement sous surveillance donc est ce que ça aurait été vraiment productif ? Je me pose la question)
Hé bien voilà, un site tunisien l’a fait bien mieux que moi !
« Cher Charb, personne ne vous a ordonné de ne pas dessiner Mahomet. Il ne faut quand même pas que votre soif de liberté d’expression et votre radicalité finissent par vous rendre de mauvaise foi et stupide. Permettez-moi de vous corriger car si vous continuez sur cette voie, je ne vous défendrai plus. Quand on passe au stade de la réflexion, ce n’est plus de la caricature. C’est plus complexe. On vous dit simplement que dans ce contexte précis, avec toutes les horreurs qui se sont déroulées dans les pays arabes après le fameux film [L’innocence des musulmans], compte tenu de tout un aspect civilisationnel et culturel arabo-musulman qui vous échappe complètement puisque vous êtes justement dans un humour appartenant à la tradition d’un pays et non pas dans l’anthropologie, il faudrait arrêter de dessiner Mahomet parce que ces horreurs vont systématiquement recommencer.
Voilà la vraie formulation selon laquelle vous devez bâtir votre raisonnement. C’est un fait : à cause de votre publication, il risque d’y avoir des morts et des émeutes dans des pays où les débats sur la question de la religion ont atteint un niveau de sensibilité extrême à la lisière de la guerre civile, niveau que vous ne pouvez pas imaginer, vous qui êtes dans la dérision et non pas dans la compréhension profonde des faits qui bouleversent actuellement les pays arabes tels que la Tunisie. Ces débats s’arrêtent et se transforment en inquisition fasciste contre les progressistes de ces pays, auxquels j’appartiens, qui se battent jour et nuit pour les valeurs que vous défendez, ces débats s’arrêtent à chaque fois qu’un gros pachyderme inculte, tel que Sam Bacille [l’auteur présumé du film islamophobe], décide d’exprimer son point de vue sur l’islam. »
Voir la totalité ici
http://www.courrierinternational.com/article/2012/09/20/cher-charb-je-vous-defends
Merci !! Ca fait du bien de lire des billets de ce genre en ces temps où les Catholiques à qui l’on donne la parole ne donnent pas une image très positive de leur religion, c’est le moins qu’on puisse dire. Issue d’une famille catholique plutôt traditionaliste de droite, je me suis convertie au protestantisme parce que je me sentais plus proche de leur façon de voir la religion. En tant que lesbienne, quand je dis que je suis croyante, en général, on me regarde avec des yeux comme des soucoupes comme si j’étais une folle… Mais oui, j’ai la foi, je l’assume, comme j’assume mon homosexualité.
Je suis chrétienne, mais je suis avant tout une défenseuse acharnée de la laïcité. Durant « l’affaire » de la prière du 15 août, j’ai été plus choquée par l’entorse à la laïcité que cette lettre représentait (notamment cette phrase : « Pour celles et ceux qui on été récemment élus pour légiférer et gouverner ; que leur sens du bien commun de la société l’emporte sur les requêtes particulières et qu’ils aient la force de suivre les indications de leur conscience. ») que par son contenu anti-mariage pour tou-te-s car ce n’est pas vraiment un scoop qu’une certaine partie des Catholiques sont contre.
Bref, merci !
Chère Do, j’espère que vous avez fait une capture d’écran de votre commentaire parce que d’ici trente secondes il sera parti… dans les limbes…
Avorter n’était pas un mal ni pour moi, ni pour cet embryon.
Ha et je préfère être très claire, aucun être humain, à fortiori aucun catholique, ne m’obligera à demander pardon si j’estime qu’il n’y a pas à le faire.
Donc le prochain, il suivra le même chemin que Do dont j’ai supprimé sans aucun état d’âme le commentaire.
On oblige personne à demander pardon. On pardonne. Ca c’est l’ordre « moral » des choses, pour pas dire « naturel », ce serait trop demander…
« C’est eux qui en prennent la responsabilité, c’est à l’Etat de faire en sorte que les éventuelles conséquences soient limitées. »
Quelles sont les responsabilités prises par CH ? Si je ne remets pas en cause la ligne éditoriale, ni la liberté d’écrire ce qu’on veut quand on veut, il s’agit en premier lieu d’une publication que je pense totalement opportuniste. On n’oublie le fond au dépend de la forme. Dommage.
Et je ne vois pas en quoi l’Etat a à intervenir pour protéger CH d’idiots bornés après tout.
J’aime dans l’article l’aspect assumé de ta personnalité. Avec tous ces allumés de tous bords, on aurait presqu’honte d’être simplement croyant.
A chaque époque, ses haines religieuses ou anti-religieuses.
Je ne suis pas croyante au sens religieux du terme , mais toute cette affaire me fait penser à certaines époques de notre histoire.
Imaginons ce que pouvait être le sentiment d’un chrétien lorsqu’il lisait et se prenait dans la tronche les écrits d’un Abbé Meslier qui disait en gros que le monde se portera mieux le jour où on aura pendu le dernier Curé avec les tripes du dernier patron. A l’époque, on écrivait sous anonymat et les textes souvent dans un style inimitable était d’une rare violence.
J’imagine la tête des chrétiens au début du XXème siècle, en France, lorsque la loi sur la laïcité fut débattue. Il suffit de lire les journaux de l’époque pour se rendre compte que ce fut d’une violence inouïe. Aujourd’hui, on en serait profondément choqué. A l’époque manifester ouvertement sa croyance pour un simple curé, ce devait un enfer.
Imaginons ensuite ce que devait être la réaction des Juifs lorsque de pogrom en pogrom, ils devaient aussi se manger les pamphlets à l’écriture écarlate et baroque d’un Léon Bloy. Le seul antisémite français qui interdisait aux autres de commercialiser son antisémitisme et qui a écrit là-dessus.
De même, quelques années plus tard, ils devaient se tartiner la langue Célinienne dans Bagatelles pour un massacre.
A chaque époque, ses haines religieuses ou pas. A chaque époque, ses provocations (littéraires souvent) qui attisent la haine entre les communautés religieuses.
On peut juger que la publication des dessins de Charlie Hebdo tombe mal, provoque inutilement la communauté musulmane et mette en danger la vie de nos expatriés (ou même de nos otages). Mais comme Mathieu le dit, ça a toujours été une des lignes de conduite du journal, et qu’en démocratie la question de publier ou pas, de s’auto-censurer ou pas, ne devrait même pas se poser et de facto, ils ont eu raison de les publier maintenant.
Nous devrions alors retourner la question. Pourquoi cette publication provoque un tel état chez nous, français, démocrates ?
Pourquoi, moi, Dominique, lorsque j’ai appris ça, je me suis dit « Publier ces dessins maintenant, ne va ABSOLUMENT jeter de l’huile sur le feu ! »
Et quand je repense à cette réaction première (voire primaire), je me dis qu’il y a quelque chose qui politiquement cloche en moi. Et tant que je ne l’aurai pas trouvé, je serai profondément mal à l’aise avec tout ça.
C’est peut-être notre rapport à la démocratie, telle qu’on nous la vend aujourd’hui, qui nous pose problème. Nous n’avons certainement pas su créer des repères démocratiques suffisamment forts pour que nous puissions rire ou grommeler en toute quiétude sur des dessins ou trouver normal ou pas qu’on vire un écrivain d’un comité de lecture parce qu’on juge son essai tout aussi blasphématoire.
Whoaw, première fois que j’écris un commentaire aussi long sur un blog :p
Nous avons déjà eu cette discussion IRL, et, c’est avec retard que je découvre ton texte, qui m’a donné envie de réagir (oui, en effet, la religion et les croyances, ça ne laisse jamais insensible, car je crois qu’il y a autant de croyances et de manière de vivre sa foi, ou sa non foi, qu’il y a de gens sur terre.)
Je me rappelle avoir déclarer mon athéisme entre deux gorgées de bière plus très fraîche, et de me voir rétorquer deux (voir trois) secondes plus tard, que l’athéisme était une forme de fascisme… rien que ça. Ça m’a beaucoup marqué, j’y repense souvent à cette phrase et je crois que j’en ai été blessé. Rassure toi, tu n’en es pas la protagoniste même si tu en as validé l’idée.
Comme les croyants qui se pensent jugé par les athées d’être des fanatiques aveugles et abrutis de spiritisme naïf, l’athée et lui jugé d’être un arrogant, moqueur et puéril ne respectant pas les croyances des autres en se pensant détenteur de LA vérité absolue, vérité qui consiste à répondre à la question « Mais d’où que c’est qu’on vient dis donc ? »
J’ai la prétention de croire que ce n’est pas si simple (phrase profonde).
Je ne me crois pas fasciste, et encore moins donneur de leçon. J’ai l’impression que ce commentaire ne sert à rien sinon à justifier MA position. Je ne suis ni objecteur de conscience, ni représentatif d’une communauté d’athées extrémistes en colère. Mais malgré tout, je déplore que nous, athées, n’existions pas, comme des erreurs de cette société, puisque nous ne sommes pas soumis à l’idée d’une existence divine, nous n’aurions pas notre mot à dire, des demi citoyens qui erreraient parmi les croyants, nous, marginaux démystificateurs, ne serions que des êtres sans cœur, sans notion de solidarité, d’humanisme, comme si notre « croyance » en la mort de nos molécules, de notre matière comme fin irrémédiable, nous épargnait d’avoir une âme, oui, une âme. « Ne pas avoir de dieu », ce n’est pas « ne pas avoir de cœur ». Les croyances, c’est avant tout un truc dans son fort intérieur. Ma croyance c’est qu’il n’y a rien, pas de paradis, pas de rédemption, pas de tribunal divin ou je ne sais quoi, même pas agnostique, je suis incurable, ma vérité, je l’aime et je l’assume. Ça ne m’empêche pas d’avoir de la compréhension pour les autres, les « croyants », pas de la compassion, de la compréhension.
Des milliers d’années d’évolution des esprits n’auront pas raison nos débats. Beaucoup de choses me choquent dans les religions et les crimes qu’elles engendrent, on parle de l’Islam qui est une religion jeune, mais on peut parler aussi des crimes des catholiques dans l’histoire et plus récemment les bouddhistes radicaux que j’ai découvert dans un documentaire récemment, des bouddhistes proclamant leur haine de Gandhi qu’ils jugent d’avoir plongé le pays dans la soumission des pays occidentaux les rendant ainsi pauvres. La religion est-elle un prétexte pour que des cons se montrent vraiment très cons, vouloir imposé par la force mentale ou physique SA vérité ? Je dis non. Le protectionnisme des ressources, le protectionnisme des religions, le protectionnisme à outrance aveuglant les cœurs dans l’angoisse du manque, de la disparition de soi, se revendiquer comme pour mieux exister, plus que les religions, ce sont les humains que souvent j’exècre et pourtant, je reste un humaniste convaincu, parce que je rencontre plus souvent de gens biens que d’enfoiré sanguinaire. Je me sens largement dépassé par ce qu’il se passe dans le monde où la haine (ou la peur) de l’autre grandit petit à petit dans un protectionnisme maladroit.
Bonjour,
je voudrais réagir en disant que je me retrouve bien dans beaucoup des propos de votre article. Je suis catholique également, non exempte de période de doutes, et profondément attachée au respect des croyances de chacun. Je trouve le prosélytisme à la fois contreproductif et vraiment pas souhaitable. La foi est l’affaire de chaque individu, comme vous le dites si justement, elle n’est pas linéaire, et je pense qu’il appartient à chacun d’aller chercher les réponses aux questions qu’il se pose.
Pour ce qui est de la mauvaise gestion de certaines affaires par l’Eglise, je ne me prononcerais pas forcément sur celles qui sont évoquées dans ce billet, que je ne connais que trop peu. J’estime cependant qu’en effet, l’Eglise, comme toute institution, n’est hélàs pas exempte d' »erreurs de gestion ».
En revanche, je ne vous rejoins pas sur le mariage homosexuel. Cette question est fondamentale pour l’église, en dehors de toute questions de sympathie partisane. A ce titre, il me paraît normal, et même essentiel que l’Eglise s’exprime sur le sujet. Je concède qu’elle ne le fait pas adroitement. A titre personnel, je n’ai d’ailleurs pas la même position sur l’union homosexuelle tout en la rejoignant sur la « conclusion » qu’est l’opposition au mariage entre personnes du même sexe. Je pense en effet que la question de l’enfant est centrale et que le mariage homosexuel ne va pas dans le sens du bien de l’enfant. Et même si j’entends sans arrêt le laius selon lequel les enfants de couples hétéro sont nombreux à avoir souffert de déchirements chez leurs parents (ce à quoi je réponds que les homosexuels aussi sont concernés par les disputes et les séparations, ce n’est pas l’apanage des hétéros), je suis convaincue (cela n’engage que moi) qu’un enfant a besoin de deux référents homme et femme pour trouver le plus facilement possible son équilibre. Je m’oppose ainsi au même titre aux femmes qui décident (je dis bien celles qui décident) de faire un enfant toutes seules. A l’inverse, je ne me reconnais pas du tout dans le refus de l’Eglise de reconnaître les couples homosexuels, voire pour certains de voir toujours dans l’homosexualité une « maladie » dont il faudrait absolument essayer de guérir.
J’estime que l’intervention de l’Eglise n’a à ce titre pas de « couleur politique », elle est naturelle en ce qu’elle touche à ses fondements, et avant tout fondé sur des principes humaines (ou tout au moins de devrait-elle). Je me permettrais aussi une remarque plus politique, en tant que « femme de droite ». Sans vouloir rentrer dans une rixe qui serait malsaine et qui de plus n’a rien à voir avec le religieux, sujet de ma réaction, je ne crois pas à ce préjugé sur le caractère rétrograde de la droite, au regard d’une gauche qui elle serait progressiste. Chacun de ces partis a sans doute des progrès à faire dans l’ouverture à la modernité, sur des domaines différents. Et ceux qui les soutiennent n’ont pas des raisons homogènes de le faire, donc autant ne pas rentrer dans la caricature du pseudo-conservatisme de la droite. Ne clivons pas non plus les catholiques entre eux entre cathos de droite et cathos de gauche, il y a déjà bien assez de dissensions à régler pour une Eglise en déperdition constante faute de savoir évoluer (et sur ce point l’exclusion de la communion et de la confession des femmes avortées ou des divorcés en couple a de quoi faire bondir) sans rentrer dans celle-ci.
Merci de m’avoir lue.