C’est de l’amour. C’est du poison.

18 octobre 2012 11 Par Catnatt

School children learning to dance, Longreach, Queensland, ca. 1928

 

Quand je réalise, parfois, le regard que je pose sur mon fils, entre fascination (cet être étrange de sexe opposé que j’ai mis au monde) et amour absolu (« mon enfant »), je me demande comment on se remet de ça, devenu grand.

 

Ce que je veux dire par là, c’est que j’aime aussi intensément ma fille et mon fils mais que cela ne s’incarne pas de la même façon. Ma fille, c’est animal, c’est pulsionnel et surtout je sais. Ou je m’illusionne que je sais mais nous sommes « féminin » et la relation est intuition.

 

Mais mon fils…

 

Je suis dans sa chambre et il est là me montrant fièrement je ne sais quel objet, je le regarde et c’est plus fort que moi, je marque une pause. Il y a quelque chose qui m’échappera toujours. Quelque chose qui s’inscrit différemment, quelque chose de masculin. Je l’attrape et l’embrasse : « Ma merveille ».

 

J’avais 10 minutes auparavant fait un énorme câlin à ma fille en lui expliquant que – je suis sortie tous les soirs depuis trois jours – ils m’avaient manqué et que j’étais ravie d’être là ce soir avec eux. Je l’avais serrée dans mes bras, toi ma fille, fort, fort, fort, toi, moi, fort.

 

C’était la même force de sentiments mais c’était vraiment différent. Je n’arrive pas à m’y habituer. Ca me semble tellement naturel que Charlotte soit Charlotte. Et tellement étrange que Baptiste soit Baptiste ; ma chair qui n’est pas moi.

 

Et ce regard que je pose, parfois sur lui, ce regard qu’il perçoit… Je me demande quel impact ça a sur lui. Je me demande s’il ne va pas passer sa vie à courir après ; ce regard qu’il ne retrouvera jamais, c’est impossible. De l’amour comme une gangrène…

 

J’imagine que l’inverse existe : un père avec sa fille. Je n’en sais rien, mon père n’a jamais posé ce regard sur moi.  Concrètement, je ne suis pas fusionnelle avec mon fils. Il est autonome, il est indépendant, je ne le colle pas et je ne supporterai pas qu’il le fasse. Je ne suis pas une mère colle-scotch. Vraiment pas. Mais il y a ce regard… Je n’y peux rien, c’est incontrôlable, je le subis, il le subit. Je le réalise parce que je vis toujours en deux dimensions : vivre et regarder vivre.

 

Ca m’inquiète de temps en temps.

 

Comment se remet-on de ça, devenu grand ?

 

C’est de l’amour.

 

C’est du poison.