Juste quelqu’un de bien…
Note de blog rapide
Mon fils a fait une connerie. Une grosse connerie. Chacun a sa propre hiérarchie à ce sujet et certains pourraient me dire que ce n’est pas bien grave mais à mes yeux, ça l’est. Peu importe l’objet de la bêtise, le truc c’est que tôt ou tard, nos enfants adorés, la chair de notre chair, l’objet de notre capacité d’amour absolu, faillent. La chute de l’innocence. Je crois que faire des enfants, c’est non seulement les mettre au monde (pas à soi…) mais aussi recréer un espace d’innocence. On l’espère éternel, il n’est que provisoire. On ne les soupçonne de rien jusqu’au jour où…
Certains se voilent la face, d’autres placent les enchères trop haut soudainement, la plupart d’entre nous négocient mais c’est toujours un choc. Oh c’est pas la première connerie de Baptiste mais nous avons atteint un certain niveau cette fois-ci. Jamais, je n’aurais imaginé qu’il soit capable de faire une chose pareille, je suis tombée de haut.
Je me rappelle très bien de la période CM2-6ème de Charlotte où je ne reconnaissais plus ma fille. Elle s’affranchissait et transgresser des règles était un moyen comme un autre. Ca était difficile mais nous avons énormément discuté et réussi à surmonter cette étape incontournable.
Ce matin, je me suis retrouvée à avoir une sacrée discussion avec mon fils et je lui ai dit ces mots terribles : « Tu sais, je t’aimerai toujours. Quoi qu’il arrive, c’est inconditionnel. Mais aimer quelqu’un ne veut pas dire automatiquement que cette personne est quelqu’un de bien. »
Il a accusé le coup.
C’est dur.
On s’est tous retrouvé un jour ou l’autre à aimer passionnément un être humain qui n’était pas quelqu’un de bien. L’amour n’est pas une rédemption. Cela peut être un début mais ça ne suffit pas. On a excusé, trouvé des justifications plus ou moins viables, fermé les yeux, pleuré en espérant un réveil, crié, exigé, supplié mais pour beaucoup on a fini par baisser les bras tout en gardant une tendresse. On a aimé de loin.
Être aimé ne signifie pas automatiquement être digne d’être aimé.
J’ai regardé mon fils, l’être sur lequel j’ai projeté mes fantasmes de gentillesse absolue au même titre que j’ai projeté sur Charlotte mes fantasmes de solidité absolue. C’est fascinant à quel point on peut attribuer, je crois, une qualité comme un défi à nos enfants… Nos enfants qui s’avèrent bien différents de ce que l’on a prévu même si on les connaît bien. Il y a toujours une part manquante. Celle qu’on se prend en pleine gueule un jour. Celle qu’il faut intégrer de gré ou de force car cela les définit aussi bien que des années d’observation intensive. Et réaliser qu’ils ne seront pas ce que nous avons fantasmé. C’est assez sain quand on y pense : les conneries de nos enfants sont là, aussi, pour nous rendre compte de ce phénomène et apprendre à les aimer pour ce qu’ils sont vraiment.
J’ai expliqué mon seul principe à mon fils. Un principe qui englobe, je crois, un tas de notions mais qui résume assez bien l’histoire, l’histoire de quelqu’un de bien, du moins qui essaye de l’être : dans la vie, on a tous les droits mon fils, mais jamais, oh non jamais, celui d’être sadique. Faire du mal pour faire du mal. On le sait bien que l’enfer est pavé de bonnes intentions et qu’à contrario le paradis est pavé de mauvaises. Ce n’est pas exactement ce qu’a fait Baptiste, entendons-nous bien, mais je crois qu’il est important qu’il comprenne ça. On peut parfois agir par égoïsme. On peut blesser par amour. Pourtant, il faut toujours s’interroger sur ses motivations conscientes et inconscientes. Que se joue-t-il réellement ? A-t-on, quelque part, bien planqué, une volonté de faire souffrir ? Quelque chose de sadique ? Ou est-ce juste les circonstances, la personne, le lieu, une période etc qui nous poussent à prendre une décision qui, hélas, créait des dommages collatéraux et que nous en sommes sincèrement désolés ?
J’ai dit aussi à Baptiste que je me foutais qu’il réussisse, qu’il gagne des millions, mon petit capitaliste, qu’il soit célèbre ou reconnu, qu’il soit socialement une preuve éclatante de succès. Non, ça je m’en fous.
Ce que je souhaite pour toi, c’est que tu sois quelqu’un de bien. Juste quelqu’un de bien, mon fils.
Et de le prendre dans mes bras, sécher ses larmes, en lui chantant une vieille chanson française…
Je suis heureuse de lire que ce recadrage de Baptiste arrive « maintenant » ou « déjà », heureuse pour Baptiste, autant que pour Charlotte. Et fière de toi aussi.
Quand j’ai connu Charlotte, elle était Elizabeth-1ère-la-force-de-caractère-sur-qui-tout-peut-reposer-qui-nous-fait-sa-crise-de-6ème pendant que Baptiste-l’ange-beau-comme-un-dieu-inoffensif-comme-une-mouche était encore un petit garçon très câlin.
« Il est génial mon frère hein ? » m’avait dit ta fille, « Autant que toi » avais-je répondu.
Mon frère n’a pas eu la chance de se faire recadrer à temps, ça s’est terminé sur les rails du train et bien qu’il soit encore vivant, aujourd’hui on ne s’adresse plus la parole, pour notre « bien » réciproque.
J’en ai longtemps voulu à mes parents de l’avoir protégé, puis un jour, ma mère m’a dit « Je fais ce que je peux, j’ai fait comme j’ai pu ». C’est devenu pour moi le pendant de « Quelqu’un de bien ».
Ce qui est certain, c’est que tu l’es (une femme bien) Nat, courage ce n’est que le début 😉
Alors, ça c’est hyper intéressant !!
J’avais jamais réalisé jusque là que ces notes de blog accumulées, les rencontres, toussa, toussa en fait me permettaient de partager à ce niveau. A savoir des gens qui suivent comme ça de loin et qui du coup ont beaucoup de recul contrairement à moi.
C’est fou parce que grâce à toi j’ai réalisé que ça faisait un moment que je n’appellais plus Charlotte Elisabeth II d’Angleterre. Ca dit quelque chose.
Un grand merci pour ton commentaire <3
Les choses changent. Je m'en rends encore plus compte aujourd'hui.
il m’est arrivé bien des fois, ado, de me demander que je penserais de mes actes du moment quand j’aurais 30 ou 40 ans…
c’est assez terrifiant, parfois inhibant, mais c’est aussi une manière d’être son propre garde-fou, même si évidemment on se trompe beaucoup à 14 ans sur ce qu’on pensera de soi-même 20 ans plus tard ^^
longue route à toi baptiste,
maintenant tu as le mode d’emploi, le reste est entre tes mains.
ce qui veut dire quelque chose de grand et de fort : ta mère te fais suffisamment confiance et t’estime suffisamment mûr pour t’approprier le principe qu’elle t’a confié.
et ça, c’est déjà gigantesque 🙂