Bilan des échanges avec les six candidats à la mairie de Paris et sur le principe de hang out

7 mars 2014 0 Par Catnatt

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(Oui, bon je sais je ne devrais pas employer le nom d’une marque pour qualifier un exercice…)

    J’ai participé à six hang out (ou débat interactifs) dans le contexte des municipales parisiennes. Je me suis longuement étendue sur le résultat de la « confrontation » avec NKM et Hidalgo. Je l’ai déjà dit, ça m’amuse sans que cela suppose que je ne prenne pas ça au sérieux. Mais voilà, je trouve le format formidablement stimulant et intéressant. Les débats ne le sont pas forcément pour ceux et celles qui suivent mais à vivre de l’intérieur, ça l’est.

      Commençons avec les candidats. Comme je ne vais pas vous infliger la lecture du précédent billet, je vais y inclure NKM et Hidalgo.

      • NKM (UMP)  : personnalité plutôt chaleureuse, championne toutes catégories du slalom « changement de sujet », projet trop situé contre Hidalgo et truffé de mesures gadget. Impôts : n’y touche pas.
      • Hidalgo (PS) : personnalité froide, ne supporte pas la contradiction, projet correct mais facile car dans la continuité de Delanoë. Elle n’aime pas le risque. Impôts : n’y touchait pas, mais a apparemment changé d’opinion à quinze jours des municipales…
      • Beigbeder (Paris Libéré) : personnalité agréable, plutôt bon dans le débat, programme libéral, pas assez préparé, trop d’expérimentations locales, et fait sur mesure pour un candidat qui cherche en fait une stature nationale. Impôts : les baisse de 10%.
      • Wallerand de St Just (FN) : personnalité un peu caractérielle, ne supporte pas la pression, ne connait pas son programme, programme d’ailleurs anti-Hidalgo (sur 36 pages 18 sont consacrées à ce qu’elle ne fait pas bien ^^) et finalement de droite si jamais des gens avaient encore des doutes sur le sujet… Impôts : les baisse de 20% #youhou.
      • Simmonet (FDG) : personnalité plutôt agréable, un peu condescendante quand elle est contredite, ne répond pas systématiquement aux questions, programme très détaillé et plutôt intéressant mais trop de mesures qui suppose un bras de fer avec le parlement et qui compte trop sur les parisiens dans la rue. Impôts : veut changer les règles, impôts progressifs.
      • Najdovski (EELV) : personnalité calme, voire introvertie (trop ?), ne se défile pas quand on lui pose des questions, programme intéressant mais trop de détails sont dits au mauvais endroit, à savoir dans les communiqués de presse et beaucoup de points d’interrogation sur le financement. Impôts : n’y touche pas.
        Je ne vais pas tourner autour du pot, aucun ne m’a vraiment convaincue et je n’ai pas changé de décision concernant ma façon de voter : au premier tour, ce sera EELV, non pas pour le parti (il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet…), mais pour le principe – pour moi l’écologie, la protection de l’environnement, le futur des générations à venir sont choses beaucoup trop sérieuses pour les laisser tomber – et au second ce sera blanc.

          Ca c’est pour la partie conséquences politiques mais au-delà, il y a quelque chose dans le hang out de très particulier, l’exercice est passionnant : la personnalité politique y est presque déstabilisée de facto. En effet, on est dans un exercice à part : d’un côté le/la politique est en studio, on est dans un cadre presqu’institutionnel, il est « tenu », mais ses interlocuteurs n’y sont pas : il n’y a donc pas d’impact sur eux. Les internautes sont chez eux, dans leur bureau, la pièce est familière, elle n’est pas rattachée à quelque chose de professionnel, des codes qu’ils ne maîtriseraient pas. Se retrouver dans un studio de télévision n’a strictement rien d’évident pour un amateur. Le/la politique ne peut pas compter là-dessus. Par ailleurs, ce n’est pas comme de la radio car tout y est filmé en permanence. Les expressions, les rires et les sourires apparaissent d’autant plus facilement que l’internaute n’est pas tout le temps « en tête d’affiche », il reste dans un petit carré, il ne fait plus attention. Le/la politique le voit. Celui/celle qui regarde constate aussi.

            Mais il y a surtout le fait que dans un contexte pareil, le/la politique est face à des gens dont elle ne sait rien ou si peu. Elle ne peut pas s’accrocher comme dans un débat classique aux éventuelles casseroles (ou interprétées comme telles) de son contradicteur. Il/elle n’est pas non plus face à des journalistes fatalement identifiés. Bref, la personnalité politique (puisque c’est le sujet qui m’intéresse, j’imagine que l’exercice est quelque peu différent avec le cinéma ou la musique par exemple) n’a pas d’histoires à laquelle se raccrocher. Elle ne peut pas non plus reprocher une méconnaissance du sujet, elle est face à des citoyens. Elle est face à l’inconnu et je trouve que ça dit quelque chose sur eux. Par exemple, la colère de Wallerand de St Just me semble liée directement à ça. Il ne pouvait pas appuyer sur les leviers habituels, il a été déstabilisé et a perdu complètement ses moyens ; contrairement aux autres, il ne connaissait pas son programme, ça « l’a achevé » et voilà pourquoi il s’est mis en colère. Les agacements de NKM, Hidalgo voire Simmonet sont liés à toutes les raisons que j’ai énumérées précédemment à part la méconnaissance du programme. Les deux seuls, finalement, à être restés (apparemment en tout cas) calmes, c’est Beigbeder et Najdovski. Ceci étant, ça ne peut marcher que si les citoyens en présence ne se laissent pas impressionner et osent parler quitte à dire des bêtises, ce n’est pas un problème, ils ne sont pas des professionnels de la politique, ils ont droit à l’ignorance, droit à l’erreur, pas le politique. Et celui-ci le sait… Il ne pourra donc pas s’accrocher à ça. Mise à part son savoir et sa maîtrise du sujet, il ne reste rien comme levier à l’invité du hang out. Il peut se faire couper la parole, il peut subir un fast checking, on est en direct, il est filmé, cela restera sur internet : il n’y a plus de filet de secours ; il est presque seul et Wallerand de Saint Just en ne maîtrisant absolument pas son programme (il était obligé de chercher les pages à chaque fois) a perdu pied à cause de ça aussi.

              Le hang out suppose cinq ou six internautes, c’est vraiment nécessaire. J’ai tout de suite vu la différence quand on n’a plus été que trois. Ca manquait sérieusement de rythme. Le comble étant le débat avec EELV où Anna (faute de temps j’imagine) n’avait pas lu le programme et d’emblée s’est positionnée plutôt dans l’écoute que dans le débat et où Fatima n’a jamais eu l’intention d’interroger le programme mais cherchait à mettre en porte à faux le candidat. Je l’ai tout de suite compris quand elle a donné ses questions au journaliste. Restait moi qui avait lu et annoté. Je m’attarde sur ce débat et sur celui du FDG car le hang out a des écueils que je ne soupçonnais pas.

                Tout le long du débat avec la candidate du FDG, j’ai eu une impression extrêmement désagréable et j’en veux pour preuve que j’en ai parlé sur twitter immédiatement après :

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                    J’ai eu l’impression que Fatima nous collait des peaux de banane dès qu’on acculait trop Simmonet, mais j’hésitais, je me demandais si j’étais pas un peu parano. Dès que le sujet devenait compliqué, elle tentait d’en changer. Lors du débriefing de Simmonet, celle-ci a eu un choix de mot très éclairant d’ailleurs : « ça permet de dérouler ». Je la comprends, effectivement, elle était bien aidée pour « dérouler » tranquillement ses idées.

                      Arrive le débat avec EELV, nous sommes à nouveau toutes les trois et à ma grande stupéfaction, Fatima m’explique qu’elle a demandé à France 3 que mon temps de parole soit limité (sous-entendu je suis trop envahissante). Je suis estomaquée. S’en suit une passe d’arme où je lui explique que si j’ai pris autant de place c’est peut-être aussi que la candidate ne répondait pas aux questions et que j’étais obligée d’insister. Je me retrouve tout de même déstabilisée parce que comme je ne suis pas complètement demeurée, j’envisage que je puisse être envahissante. Du coup, je vais être relativement sage pendant le débat EELV et ça je le regrette. Sauf qu’il n’y a plus personne pour faire le job. Le journaliste (probablement par erreur) a même filé une de mes questions à Anna qui n’en demandait pas tant vu qu’elle n’avait pas lu le programme. Mais pendant le débat, voilà ce que je vois arriver sur twitter :

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                          Je ne vais pas dire que je tombe de l’armoire, ce serait mentir, mais je suis hallucinée par le culot de Fatima. J’avais bel et bien raison, elle était dans le débat du FDG pour faire du passe-plat à Simmonet. Faudra m’expliquer à l’occasion l’intérêt de se pointer dans un débat avec une candidate avec laquelle on est d’accord… J’ose espérer que c’était de l’ordre de l’initiative individuelle et que Simmonet n’était pas au courant qu’elle se retrouverait face à « une amie », auquel cas ça en dirait long sur les méthodes du FDG.J’aurais une petite explication avec Fatima sur twitter par la suite. Je n’ai rien contre des internautes encartés, mais dès le départ, cela nous a été précisé : on savait que Guillem était militant PS et que Tayeb était au FDG. A partir de ce moment-là, je pouvais analyser correctement les choses. Pour Fatima, rien ne nous a été dit et on ne peut pas dire qu’elle ait joué le jeu. J’ai trouvé ça détestable, j’estime qu’on n’est pas loin du sabotage de débat. Je pense que pour l’organisation d’un hang out, il faut être très clair : ou l’organisateur fait un effort de recherche et précise les choses systématiquement ou il décide qu’il ne les mentionne pas. C’est ou l’un ou l’autre. Pareil pour le « public » ou on leur précise ou on ne leur précise pas, mais il faut se décider. Surtout, surtout, et j’ai vraiment essayé de m’y tenir, même si l’on a de la sympathie pour un candidat, il faut tâcher de ne pas être complaisant : ça ne rend ni service à celui qui regarde ni au candidat.

                            C’était la dernière fois que je me laissais déstabiliser parce que quelqu’un réclame que mon temps de parole soit limité. Les internautes doivent faire leur job eux aussi, au-delà de leurs propres questions, il faut qu’ils arrivent un peu préparés sinon, le débat tourne vite court. Si les gens trouvent que je parle trop, ils n’ont qu’à l’ouvrir. Par ailleurs, le hang out suppose un journaliste qui rythme le débat. A bon escient, il peut intervenir pour préciser certaines choses contre ou pour le candidat. Le hang out suppose un chef d’orchestre pour ne pas que ça devienne chiant (passez-moi l’expression).

                              Pour finir une remarque en passant. J’avoue que j’ai été assez surprise qu’il n’y ait pas plus de twittos pour participer.J’en vois qui ouvrent leurs gueules à longueur de journée et qui habitent à Paris, je ne comprends pas qu’il n’y en ait pas eu plus. Plus facile de critiquer derrière un ordi ?

                                On n’apprend pas forcément grand chose de ce genre de débats sur les programmes ou la politique, en tout cas pas systématiquement, mais je vous garantis qu’on en apprend sur les personnalités de chacun. C’est assez fascinant et me semble très complémentaire des formats classiques. Il y a une spontanéité chez les internautes qui est rafraîchissante. Surtout, surtout, ils n’ont strictement rien à perdre. Il n’y a pas de boulot à la clé, pas de rémunération, il n’y a rien qui les tienne et pour toutes les raisons que je viens d’énumérer, ça donne forcément un ton très particulier à ce format.

                                  J’espère que ça deviendra un exercice obligé lié à ce qu’on appelle la démocratie participative. France 3 et plus généralement France Télévision a eu raison de se lancer dans cette expérience. Je tuerai pour me retrouver face à face à Jean-François Copé ou Balkany (surtout lui à qui je pourrais enfin déclarer ma passion :p #PassionBalkany)