#JeSuisCharlie : prouve-le…
Je me permets une bafouille rapide sur ce qui nous préoccupe essentiellement en ce moment.
Le jour de l’attentat, mis à part « quatre crétins » qui se réjouissent, l’union se fait nationale. Internationale, même ! J’ai été bouleversée par les réactions de soutien à travers le monde, je ne m’attendais pas à ça. Mais comme pour tous les morts, l’union ne dure pas. Maintenant, on se fout sur la gueule devant le notaire.
Charlie Hebdo, c’est un symbole. Un symbole de la liberté d’expression. Pour rappel, elle n’est pas totale en France car le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. À partir de là, le FN peut-il manifester dimanche, c’est une putain de bonne question et j’ai pas un début de réponse vu les circonstances. La seule chose que je sais en ce moment, c’est qu’un peu d’humilité ne nuirait pas. Amis politiques (au sens très large du terme), j’ai envie de vous dire de venir en tant que simples citoyens. Évidemment, en terme de sécurité, ce n’est pas simple, mais je suis sûre qu’une solution peut être trouvée.
La chasse aux sorcières : il a fallu 48 heures pour que cela commence. On ressort des interventions de personnalités sur Charlie Hebdo, des tweets. Il se trouve que j’ai fait partie des gens qui ont affirmé qu’ils n’étaient pas d’accord il y a deux ans sur la sortie d’un Charlie Hebdo (qui reprenait les caricatures ou je ne sais quoi, ma mémoire flanche). Je n’ai jamais dit qu’il fallait interdire Charlie Hebdo hein… Ce journal avait une prise de position très claire : on a (presque) le droit de tout dire sur n’importe quoi. Faire honneur à la mémoire de Charlie Hebdo, c’est accepter aussi qu’on ne soit pas d’accord avec eux. Ça n’est pas un délit ni une trahison.
Du coup, il y aura les purs et les durs et les autres. J’ai jamais été très fan des purs et durs. Ça m’a toujours semblé dangereux. Faire une chasse aux sorcières pour savoir qui était du bon côté et qui était du mauvais est inutile et indécent en ces circonstances. Charlie Hebdo a dépassé sa propre condition et est devenu un symbole. Et ce n’est pas parce que je n’approuvais pas que je ne suis pas capable de dépasser mes opinions pour épouser et soutenir un symbole. Estimer que « je » suis responsable de la mort de ces douze journalistes, c’est d’une bêtise à pleurer. À ceux qui pratiquent la chasse, j’ai envie de vous dire : ceux qui sont partis vous regardent en ce moment : « C’est dur d’être aimé par des cons »…
Quant à ceux qui ne sont pas #JeNeSuisPasCharlie » au nom d’une lucidité plus fine que la nôtre, j’ai envie de les renvoyer aux politiques : soyez humbles pour une fois. Ces débats là sont pour plus tard. L’analyse de la construction d’un djihadiste en France est pour plus tard. Ne nous prenez pas pour des imbéciles, pour la plupart d’entre nous, nous le savons. Nous savons que la prison est une fabrique, nous savons que nous baignons en pleine récupération politicienne, nous savons que cette union est de façade, qu’elle va se craqueler – elle est déjà en train de le faire- mais sans déconner…
Peut-on espérer quelques heures ensemble ? Peut-on espérer que nous dépassions nos égos et ne pas se laisser aller à la tentation d’être plus… Plus lucide, plus droit dans ses bottes, plus renseigné, plus dans la vérité, en un mot plus performant dans une période de deuil où précisément il n’y a pas de place pour ça, mais bel et bien de la place pour l’humilité et le recueil ? Est-il possible d’espérer que comme Charlie a dépassé sa propre condition, nous dépassions la nôtre pour quelques jours ?
C’est trop demander ?
#JeSuisCharlie, ce n’est pas être fan absolu de ce journal, ce n’est pas être de gauche ou de droite, ce n’est pas être catholique ou athée, ce n’est pas être Français ou Étranger, c’est être pour, défendre de manière absolue quelque chose qui est le tempo, le battement de coeur d’une démocratie : la liberté d’expression. Et je crois sincèrement sans être la neuneu de service que tout le monde sera d’accord avec ça.
Même ceux que nous détestons…
Très beau billet.
Faudra-t-il rappeler que pour Charlie Hebdo, rien n’était sacré… pas plus Charlie qu’autre chose
Bien dit.
C’est justement parce que personnellement je ne suis pas d’accord avec leurs idées politiques, que je n’ai pas trouvé toutes leurs caricatures drôles, que je ne soutiens pas tous leurs combats que je me ferai un devoir d’acheter le prochain exemplaire voire de m’abonner. Je veux continuer à vivre dans un pays où peuvent s’exprimer librement tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi.
Et nous sommes d’accord Magali 😉
Bonjour, je comprends parfaitement ce que vous dites mais je ne partage pas votre opinion. Quelle serait la nature de mon « union » si je défile avec ceux qui à longueur de discours, d’articles dans la presse et de bouquins vomissent leur haine de l’autre, leur haine des « assistés », leur haine des gays, des Juifs, des Musulmans quand ce n’est pas carrément la haine des femmes, bref leur haine ? Défiler avec eux serait une tromperie, un nuage, une fausse unité. Ces gens là je veux les combattre. Pas avec une kala hein … soyons d’accord. Non, je ne peux pas adhérer à cette union nationale là, pas avec eux.
Et vous en avez parfaitement le droit 🙂
Bonjour,
Je viens de lire votre article, je le trouve très bien construit et très intéressant. Je dirais même que les mots sont justes, bien choisis. Dans ces moments-là, il faut oublier sa fierté tout simplement et défendre ses droits (après tout, nous sommes « le pays des Droits de l’Homme » non ?). Mais malheureusement, il y aura toujours des extrêmes et la seule question que je me pose est : comment les empêcher de faire des amalgames pour ne pas en arriver à la violence et aux débordements ?
On peut ne pas être d’accord avec certaines publications du canard et avoir de la compassion pour ce qu’il vient de se passer. Juste, cette histoire de « mobilisez-vous, abonnez-vous pour soutenir Charlie Hebdo »… ça me dépasse. Des gens qui ne se sont jamais engagés (par « engagés » j’entends lire ou être un abonné) vont d’un coup se sentir coupables ou changer de bord et se ruer sur cette demande. Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’abonner ou soutenir le journal, chacun est libre de faire ce qu’il souhaite, cela me rappelle juste que les types qui s’opposent à quelque chose en faisant des caricatures se prennent des cailloux avant d’être abattus par des connards pour être ensuite glorifiés (tout comme l’étaient Gainsbourg, Bashung etc si on prend d’autres exemples.. car cela ne « plaisait pas »). Malaise total.
Bref, j’ai été enchantée de lire cet article.
Ce sont des questions compliquées. Moi, je ne crois pas que Charlie survivra parce qu’il y aurait un grand élan national de soutien. Pour l’instant, c’est le cas et je trouve ça très bien.
Mais au-delà d’un an et des abonnements, Charlie Hebdo survivra parce qu’il continuera à faire ce qu’il a toujours fait soutenu par des gens qui étaient abonnés ou lisaient avant.
Par principe, il fallait que Charlie Hebdo soit soutenu, sorte la semaine prochaine et continue d’être publié. C’est important, c’est un symbole encore une fois.
Très bon billet. je fais encore partie de ceux qui pensent qu’on peut être touché par l’évennement sans avoir a changer sa photo de profil. D’ailleurs, ca m’inspire une reflexion:
Combien de « je suis Dieudonné » ou « je suis Minute » si ça avaient été eux la cible des attaques. La défense de la liberté d’expression a quelque chose de particulier en France dans la mesure ou elle ne vaut que si cela va dans le même sens que la majorité. Je suis sur que si Dieudo avait été la cible d’une attaque de ce genre, on trouverait beaucoup plus de gens qui pondéreraient la chose avec des phrases type » ouais, mais il avait quand même franchi la ligne plusieurs fois, a force de jouer avec le feu…. ». Pour Charlie Hebdo, c’est plus facile alors qu’à mes yeux, ils sont dans le même registre et tout aussi transgressifs.
Très bon commentaire Nico. Effectivement, il pose une autre question à laquelle je me garderais de répondre de manière définitive.
Quelle aurait été ma réaction si Dieudonné avait été exécuté pour ses idées nauséabondes ? j’ai la faiblesse de croire que me connaissant, je serai restée vissée à mes principes mais il n’en demeure pas moins qu’il y a une part en moi qui potentiellement pourrait déraper.
À l’époque où c’est plus ou moins devenu un sport chez certaines personnes de gauche d’agiter la menace de la déchéance de nationalité pour les fraudeurs fiscales, je m’étais insurgée. Parce qu’il y a des principes avec lesquels on ne négocie pas. Même si ce n’est en aucun cas comparable (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit), je crois que je tiendrai mes principes en façade.
Ce que je ressentirai à l’intérieur, c’est probablement une autre histoire…
Je ne suis pas sur de bien te comprendre. Quand tu dis que tu tiendrais tes principes, ca veut dire quoi? que tu irais défiler dans la rue comme ça a été le cas ici?
En tout cas une chose m’a frappé dans ton commentaire, c’est le « pour ses idées nauséabondes ». Ca prouve mon point. Pour Charlie Hebdo, personne ne se sent obligé de mettre une distance par rapport au journal alors que leur humour était choquant et nauséabond pour beaucoup de gens. Dieudoné, (je parle de l’humoriste, si dans le privé il fait des choses contraire à la loi, qu’il soit puni ,) Diudoné dérange et pourtant, je t’invite à regarder ses spectacles un par un et à te faire ta propre opinion mais encore une fois à mes yeux on est dans le même registre, de l’humour noir, grinçant corosif ou tout le monde en prend pour son grade.
Ha…
Un fan de Dieudonné…
Je vais m’arrêter là, je peux me tenir mais je vais pas me lancer dans une discussion sur ton point de vue et le mien sur Dieudonné. Pas le temps, pas l’envie et autre chose à faire tout de suite maintenant.
non non loin d’être fan, juste il me fait marrer mais je ne l’ai jamais vu en vrai et je ne partage aucun point de vue politique avec lui.
mais puisqu’on parle de liberté d’expression, l’exemple me semblait approprié.
Je crois qu’en fait c’est surtout derrière la lutte contre l’Islam radical qu’on est tous rassemblés, la liberté d’expression, c’est ce que je disais plus haut, ca va quand on est tous d’accord.
PS, j’avais aussi parlé de Minute et je n’ai jamais ouvert ce journal , faut pas stigmatiser les gens sur les commentaires qu’ils font, certains sont capables de discernement.
S’il existait une ambiguité qui permettait de rire encore avec Dieudonné il y a quelques années, elle est tombée. Il ne me fait pas rire. Reste que ta question de départ reste toujours intéressante : si Dieudonné était exécuté, quelle serait notre réaction. Personne ne mérite de mourir pour des idées, même si elles sont gerbantes. Je crois beaucoup plus dans le droit, la justice, la pédagogie plutôt que les armes.
Merci d’avoir mis des mots sur ma pensée, bien mieux que je n’aurais su le faire.
J’aurais pas dit mieux, mais j’ai dit pareil.
http://sonicpencil.blogspot.fr/2015/01/etre-ou-ne-pas-etre-charlie-une.html
Merci pour ce beau billet.
Non mais moi, quand je vois des choses de ce genre sur Facebook, je suis sidéré:
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Non je ne blague pas et j’ai vraiment vu ça. Mais franchement… il y a vraiment des débats inutiles. Ces tueries de ces derniers jours m’ont vraiment touchées et j’espère que les gens auront assez de cœur pour se recueillir et ne pas passer leur temps à tergiverser.
L’union nationale c’est pouvoir se réunir en soutien si un attentat a lieu à Charlie Hebdo ou Valeurs actuelles, indifféremment de tes opinions politiques. Il était nécessaire ton post, Cat.
Merci Céline 🙂
La raison pour laquelle je n’affiche pas sur mon profil le slogan »Je suis Charlie » est simple : je n’ai pas découvert ce journal le 7 janvier 2015 , j’ai TOUJOURS lu et apprécié ce journal satirique, insolent, libertaire et indépendant . Que ce slogan soit un signe de soutien aux victimes et à la liberté d’expression , je trouve cela bien mais c’est BIEN AVANT ce carnage qu’il aurait fallu être Charlie . Quand je vois certaines personnes l’afficher alors qu’ils vomissaient ce journal pour ses idées et son humour potache (comme ils vomissaient jadis Hara Kiri) avant cet attentat : çà me fait gerber ! je pense à Siné (qui, pour les ignares, est toujours bien vivant ) et au professeur Choron (qui a rejoint ses potes..) Ils n’auraient pas aimé çà.
Jerry, tu fais donc partie des purs et durs…
Pour avoir côtoyé le professeur Choron et être très proche de sa famille, je pense pouvoir affirmer que l’affichage ou non du slogan « Je suis Charlie » sur son avatar facebook, il n’en aurait rien eu à foutre. Elevons-nous un peu et cessons de nous préoccuper de détails aussi insignifiants, par pitié.