Flippant, ce monde est flippant…
(Normalement, vous avez « Stone, le monde est stone » pour deux jours, ne me remerciez pas)
Un billet vite fait.
« Vous » me faites flipper depuis quelques temps, vous avez la réactivité en bandoulière et l’indignation en étendard. Je sais bien qu’il y a de grands motifs d’indignation, mais il y a plusieurs phénomènes qui m’angoisse, la radicalisation des opinions, les procès d’intention. « Vous » êtes dans la tête des autres. « Vous » savez.
Exemple, un sujet ultra casse-gueule : les affiches de Robert Ménard à Béziers. Il suffirait de dire, de crier que Ménard utilise les femmes à des fins bien dégueulasses, c’est factuellement vrai mais, non « vous » préférez faire un pont avec un fait divers (horrible) arrivé il y a quelques mois, dans un autre département que celui de Ménard. Je ne suis même pas certaine qu’il était au courant de ce fait divers, je ne suis pas convaincue que le choix de cette affiche ait un quelconque lien. « Vous » avez fait le lien tout seul. « Vous » savez qu’il était au courant et « vous » savez que c’était bien ça qu’il avait en tête. « Vous » avez peut-être raison. Ou pas. Le problème étant que je ne me risquerai pas à émettre un doute sur twitter, je vais m’en prendre plein la gueule parce qu’en fait ça serait traduit comme une défense de Ménard. Or là n’est pas le propos, il est d’affirmer qu’il n’est pas sûr que ça ait un quelconque rapport. Par contre, que cet homme se serve des violences faites aux femmes pour soutenir ses propos, ça c’est certain. Et suffisant.
Autre exemple, un sujet qui va monter à mon avis à la diffusion : le choix de France 2 de faire un téléfilm avec Sandrine Bonnaire (est-ce qu’on accorde encore du crédit à cette excellente actrice qui, que je sache, n’a pas spécialement fait dans le putassier ?) avec comme toile de fond les attentats du 13 novembre. Une fiction. Une pétition a été lancée par la femme d’une des victimes des attentats pour exiger l’annulation de ce projet et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, j’entends parfaitement que ce sujet soit immensément douloureux pour elle et d’autres. Mais là, c’est une question de principe qui se pose en dehors de tout contexte émotionnel.
En fiction, on a tous les droits. Lors d’une conversation houleuse sur facebook, on m’a expliquée que n’ayant perdu personne pendant les attentats (ce qui est une immense chance #luck) je n’avais aucune légitimité pour m’exprimer. Je suis disqualifiée d’entrée de jeu et seules les victimes directes ou indirectes ont le droit de se prononcer. Soit. En 1999, la tuerie de Colombine avait lieu et en 2003 sortait « Elephant » le film de Gus Van Sant qui a obtenu la palme d’or à Cannes cette année-là. Il me semble que ce film est unanimement reconnu et apprécié. C’est exactement le même tempo qu’entre les attentats du 13 novembre et le tournage de ce fameux téléfilm. Mais il y a une règle implicite qui consisterait à ce qu’un temps de deuil soit respecté. Combien ? Non mais, je déconne pas du tout, quelqu’un peut-il me dire combien de temps un sujet reste inexploitable en fiction ? 5 ans ? 10 ans ? Personne n’a lu le scénario (seul un synopsis a été diffusé et je peux entendre qu’une histoire d’amour en plein milieu du Bataclan, bon… Hum… c’est casse-gueule), personne n’a vu le téléfilm, mais on l’interdit. Parce qu' »on » sait. « Vous » savez que ça va être un téléfilm de merde, « vous » savez que France 2 a un seul objectif, le putassier et faire de l’audience sur le dos de morts. « Vous » savez que ce n’est pas bien de faire un film là -dessus maintenant. C’est immoral. Bien… (NB du 1/1/18 : France 2 a renoncé)
Évidemment que je me dis qu’un téléfilm, c’est pas à la hauteur de l' »évènement ». Évidemment que je me dis que ça risque d’être très mauvais. Mais est-ce que ça me donne le droit de signer une pétition pour interdire un projet artistique ? Oui ça reste un projet artistique quoi qu’il en soit et j’ai la faiblesse de croire que l’art est un territoire libre.
Tenez encore cette histoire du gamin harcelé à l’école aux États-Unis. Tout le monde a pris fait et cause pour lui et c’est normal. Mais 24 heures après, il s’avère que le gamin est issu d’une famille suprémaciste blanche. Donc en fait c’est normal qu’il soit harcelé du coup ? C’est un enfant. Il répète ce qu’il entend à la maison. Personne n’a l’impression que c’est le taf de l’école de gérer ça ? « Vous » étiez pour ce gamin à un temps X, « vous » êtes » contre ce gamin à un temps Y.
En fait il faudrait prendre l’habitude de réagir 3, 4 jours après. Un temps où l’information objective peut se faire. En fait un temps où la morale dictée par l’émotionnel ne pourrait pas s’exprimer. Parce que « vous » commencez à me faire vraiment peur. Peu de place pour la nuance. T’es contre ou t’es pour ; noir ou blanc. « Vous » vous radicalisez sans le savoir. Je ne sais même pas si j’aurais le courage de publier aujourd’hui ce texte où j’émettais des doutes, où j’avais peur de glisser dans le racisme. Je ne suis pas sûre que ça passerait encore. C’est ça le fond de mon problème dans ce billet : de plus en plus souvent, je renonce à m’exprimer parce que mon opinion n’est pas dans l’air de la seconde ; pas l’air du temps, c’est plus long. L’air de la seconde, l’ère de la seconde.
Je renonce à m’exprimer et pourtant je vis dans un pays où la liberté d’expression existe même si elle est encadrée et mon opinion ne tomberait pas sous le coup de la loi Gayssot ou autre. C’est de l’autocensure. Ce qui implique qu’à l’allure où on va, toute personne un tant soit peu nuancée ou qui s’interroge à contre sens de l' »opinion publique » va se taire. C’est dingue, non ?
Guy Birenbaum a lancé un sujet très intéressant l’autre jour :
À mon sens, ça participe plutôt d’un phénomène de radicalisation des opinions parce que possibilité de s’exprimer. Ça vient avec le net, je le crains.
— Catnatt (@Catnatt) 4 décembre 2017
Ce qui est intéressant dans tout ça finalement, c’est que le radicalisme musulman, le terrorisme, n’est que la face émergée de l’iceberg. Je ne sais pas, on a tous dû se radicaliser avec l’arrivée d’internet et la fantastique opportunité de s’exprimer. On ne soupçonnait pas que pour en quelque sorte exister, ça tournerait au catégorique, au non discutable, à l’insulte, à la violence. Frustrés, « nous » nous lâchons. Est-ce aussi par l’absence de sens ? Au nom d’une quête imperceptible ? « Nous » nous invectivons, « nous » savons, « nous » sommes certains car « nous » lisons des choses sur internet. L’accès à l’information et à la culture par ce biais appose un label sur nos fronts : « nous » détenons la vérité. « Nous » faisons des procès tout court (je suis restée sidérée que Kevin Spacey ait été effacé d’un film. S.I.D.É.R.É.E), des procès d’intention, des procès moraux. « Nous » sommes dans une universelle, une gigantesque cour de justice où nous sommes à la fois juges, procureur, rarement avocat de la défense ( oui, c’est vrai, les avocats maintenant ne peuvent choisir ceux qu’ils défendent que sur des critères moraux. On repassera pour les grands principes de notre justice), victimes parfois, directes ou indirectes.
« Nous » sommes en train de devenir fous. Ça me fait très peur. Je déconne pas du tout. Ça me fait réellement très peur.
Pourtant, je citerai à nouveau cette phrase, encore et encore, c’est devenu un mantra, un de mes préférés au monde, de Laurent Nunez dans un numéro spécial du magazine littéraire sur le doute que je vous encourage vivement à lire :
« La certitude obéit même à une définition négative : c’est ce qui n’est pas discutable. Mais l’être humain est un être social, qui ne cherche qu’à discuter. Par conséquent vivre assuré de ce qu’on est, et figé dans ce qu’on pense, c’est vivre en inhumain »
Peut-on encore discuter lorsqu’on n’est pas sûr ? La libération de la parole reste un enjeu formidable, mais comme pour tout, encore faut-il ne pas verser dans l’extrémisme et ne pas hésiter à s’effacer devant le temps de la justice légale.
Désolée, ma pensée doit être brouillonne, mais ça faisait un moment que je l’avais sur le coeur celui-là. Je le publie tout de suite car je sais que demain, j’abandonnerai. Je commence à en avoir quelques uns en brouillon dans mon admin de blog.
J’ai probablement dû être radicale par moments moi aussi. Je dis « Vous », mais je finis par « nous »…
Ce qui m’effraie est l’arrivée (ou etait-elle tapie au fond des plus sympas d’entre nous) de la dictature de la bienpensance érigée en étendard et qu’une simple étincelle suffise désormais à un lynchage organisé
M’éloignant de Twitter je n’avais pas connaissance du téléfilm. Outre que chacun a entièrement le droit de regarder/supporter ou pas une œuvre quelle qu’elle soit sans bien entendu nécessairement l’interdire aux autres (n’est-on pas tous sur Twitter les chantres de la liberté ou alors j’ai encore raté un épisode), Sandrine Bonnaire est un amour de femme qui demeure à jamais dans mon petit coeur…
Et je suis prête à aller chercher un gourdin pour frapper toute personne qui ne serait pas de mon avis. C’était ma minute #intolérancedujour. Car avouons-le les réseaux nuisent à notre capacité de patience. C’est pourquoi il est bon de s’en éloigner de temps à autre. Bye !
Et au plaisir de te relire sur des sujets plus badins (point vœux pour la 2018)
La violence verbale est toujours plus libre quand le visage de celui qui la commet est protégé par son écran du poing réactif de celui qui la reçoit.
Il ne faut donc pas avoir peur d’houspiller ceux que l’on juge indigne de s’exprimer mais de ne pas s’étonner de susciter une violence miroir et s’en prémunir… Puis après quelques temps se demander si ce que l’on pense, croit, sait à un intérêt pour le collectif ou sera simplement entendu, lu, vu et, enfin, pour finir se taire et remettre en perspective nos propres modes de débats et nos façons de refaire le monde. A nos images propres, certes, mais souvent en personne avec quelques fois un peu d’ivresse et de passion mais toujours dans une forme de respect du droit à la parole d’autrui… et parfois voir celui qui exprime ce qui pour nous inacceptable offre la perspective de sa réalité, calme nos violences et nous rend convaincant… ou pas …mais alors c’est moins grave…
Ce qu’on oublie sur internet, et en particulier sur les réseaux sociaux, c’est que nous sommes dans le domaine de l’écrit… que ce qui est écrit est un instant figé et que ce qui est arrêté n’évolue plus et meurt (un peu seulement parfois). C’est ce que nous apprends la physique quantique: ce qui s’arrête d’évoluer, disparaît… mais là je simplifie… donc j’en reste là
Merci…
Tu arrives souvent à exprimer avec des mots meilleurs que les miens ce que je ressens.je te l’avais déjà dit, c’est de nouveau le cas.
Alors merci.
très beau billet sur la haine, les procès et les réseaux sociaux
Entièrement d’accord avec toi.
Le dernier episode de la serie Black Mirror montre parfaitement comment cela va trop loin.
Je hais twitter pour les SJW majoritaires dessus.
Et sur Facebook je vois des commentaires qui me dépriment car ça en vient rapidement à des insultes pour des divergences d’opinion.
Je ne suus pas croyante mais putain qu est ce que j aimerai une prise de conscience de tolérance dans notre société !
Merci pour la recherche d’une critique des mouvements sur les réseaux sociaux.
J’ai du mal à suivre tes évolutions personnelles et je suis toujours surprise
J’ai un souvenir cuisant où je m’étais sentie très malpar la violence de tes mots piétinant alors ce que je pouvais être, vivre ou ressentir…
Et j’ai souvenir qu être en désaccord avec toi a été très délicat parfois…
Mais je souhaite au monde aussi de l’ouverture et de la tolérance pour que ta peur s’apaise 🙂
Hello
J’ai pris grand soin de préciser que j’étais concernée à la fin.
On parle il me semble d’évènements qui se sont passés il y a 10 ans ? Heureusement que j’ai évolué !
Mais j’avoue que je comprends pas très bien de quoi tu parles. Si on parle de la période où Epidemik s’est crashé, je vais être très à l’aise dans mes baskets. Mais peut-être que tu fais allusion à autre chose. Tu n’es pas très précise.
J’avoue que je comprends pas non plus ta surprise à chaque évolution personnelle. Vraisemblablement tu as dû très mal me connaître car Isa, Virginie, Celine que j’ai rencontré en même temps que toi ne le sont pas.
En fait je comprends pas très bien ton commentaire 🙂
Laisse tomber, je suis désolée j’aurai du réfléchir avant de laisser un sale émotion remonter publiquement… C’est vraiment inintéressant et du pur égout émotionnel. Et je n’ai pas la prétention de dire t’avoir vraiment connue à vrai dire.
Bref quand tu auras lu ça tu pourras tout supprimer et si tu peux fais comme si je n’avais jamais commenté…
Encore désolée…
(Désolée d’avance les autres commentateurs, mais on ne m’a pas laissé vraiment le choix)
Marie-Jeanne.
En premier lieu, je tiens à te présenter mes plus sincères excuses (et vraiment sincères, j’insiste) pour la peine que je t’ai causée à l’époque. J’ai appelé Virginie – c’est te dire à quel point ton commentaire m’a plongée ds un abysse de perplexité – et on en a conclu que ta peine datait d’Epidemik. Soit période 2007-2008. Y’a 10 ans donc… Je vais pas creuser, je t’ai blessée, je présente des excuses, basta.
Par contre je ne comprends pas du tout alors que tu as mon mail, mon portable probablement et que nous étions amies sur FB – j’ai réalisé avec ton commentaire que tu m’avais virée, depuis quand j’en sais rien et no offense, c’est pas grave 🙂 – pourquoi tu ne m’en as jamais parlé. Mais alors jamais ! J’ai même relu certains chats pour voir ce que j’avais loupé, je remonte à 2010, rien.
Donc tu te trimballes une rancoeur pas possible depuis 10 ans et au détour d’un texte qui date d’il y a un mois, tu m’en fais part maintenant. Bon, pourquoi pas. Mieux vaut tard que jamais comme on dit.
Mais alors ce qui passe pas du tout ! Mais alors pas du tout ! C’est le côté passif agressif de ton commentaire : « Mais je souhaite au monde aussi de l’ouverture et de la tolérance pour que ta peur s’apaise »
Je relis cette phrase et elle est complètement tordue. Sous prétexte de bienveillance, elle est tout sauf ça. C’est hallucinant. Et ça, c’est non ! J’ai aucun problème à avoir une saine engueulade, t’aurais pu me dire « ferme ta gueule connasse » ça passait mieux, mais les plans tordus où on tente de me faire croire qu’on est sympa et bienveillant alors que c’est le contraire, c’est clairement pas possible.
Ne parlons pas de » J’ai du mal à suivre tes évolutions personnelles et je suis toujours surprise » Ha bon ?
J’en conclus donc que tu me suis, donc que tu dois me lire, mais tu ne me dis pas que tu m’en veux pour des trucs qui datent d’il y a 10 ans; C’est fou ! Comment avec le parcours que tu as – parce que j’ai fait attention figure-toi – n’as tu pas envisagé de faire la paix avec ça en m’en parlant ?! Parce que si tu m’en avais parlé directement, on aurait pu régler ça il y a bien longtemps. Tu n’es pas la seule, loin de là et j’ai toujours pris la peine de discuter. Et le comble du truc ! C’est que même avec Gaelle j’ai pris la peine de mettre les choses à plat et figure toi qu’une des premières personnes qu’elle a contactée quand sa mère est décédée, c’est moi ! Comme quoi je devais pas être si différente il y a 10 ans…
Bref, je vois que tu es désolée et que ton commentaire était pulsionnel. Pas de soucis 🙂 Tu es toute excusée.
Par contre, nos échanges vont s’arrêter là. Tu comprendras aisément que lorsque quelqu’un t’attend au tournant et c’est ton cas vis à vis de moi, t’as pas super envie de le garder ni près de toi ni loin de toi.
Mon commentaire est direct, franc et tout y est sincère.
Bonne continuation (and I mean it 🙂 )