Ma fille, l’internet mondial et la 1664…

5 novembre 2011 19 Par Catnatt

Ce matin, j’ai reçu cette missive par mail :

 

« Objet : Pauvre fille, la honte !!!

Toi, tu te dis Punk, pauvre fille. Moi je me bats pour mes convictions et je SUIS FIERE D ETRE PUNK, une petite Kpon.

C’est quand qu’ on se la met??? Moi, vraie Punk!!! j’ ai honte de ce que tu marques alors viens petite bourgeoise Bobo je t’ attends, moi fille et petite-fille de Viticulteur. Je vais te massacrer, tu as honte de tes convictions???

Pauvre Fille vive la Société de Consommation.

Envoies moi un Email je pourrais pas venir jusqu’ à toi car moi je suis Rmiste et Mère célibataire (La Crise a tuée mon Couple).

Connasse, encore ce qui est vrai dans ton texte c’est que l’ on est contre la Société de Consommation et toi???

E… de C… (16 comme 1664) »


Comment dire…

 

Première chose, tenter de comprendre ce à quoi ce mail fait allusion, à savoir mon billet « Punk is dead ». Je ne comprends pas trop pourquoi cette jeune fille s’est mise dans un état pareil pour ça, mais apparemment on n’est pas dans le rationnel.

 

J’aurais pu laisser tomber, mais ma fille de 12 ans était à côté. Je lui lis le mail, nous ricanons en chœur et puis, nous en discutons. L’occasion était trop belle de lui faire une démonstration sur internet. Je voulais lui faire comprendre que l’anonymat absolu est rarissime sur le web, et à moins d’être une bête techniquement (ce qui suppose, entre nous, qu’on a autre chose à foutre le samedi matin que d’envoyer un mail d’insultes et de menaces), on se fait toujours choper.

 

Il m’a fallu 3 minutes pour trouver son blog. Il m’a fallu trois minutes de plus pour la retrouver dans des commentaires de sites. 3 minutes supplémentaires pour trouver son prénom, son nom, et son facebook. Et trois autres pour trouver le nom et le numéro de téléphone de ses parents. La gamine n’était pas spécialement maligne, entre l’adresse mail, le pseudo et une info piquée dans le mail, ce fut une promenade de santé. Tout ça sous l’œil épaté de ma fille (j’avoue, c’est jouissif et ça assoit, en quelque sorte mon autorité parentale :p). Et de lui expliquer que l’on doit se comporter sur le net comme dans la vie. Toujours se poser la question de savoir si l’on peut assumer les propos que l’on tient derrière un ordinateur et que tout se sait un jour, fatalement.

 

Je souhaitais enfoncer le clou. J’ai une sainte horreur qu’on me menace par ailleurs. Ceux qui me suivent depuis longtemps le savent, je ne me laisse jamais faire, avec plus ou moins de succès, il faut le dire. Mais le principe est là.

 

J’ai donc appelé les parents. La gamine s’avère être une adulte de 30 ans, mère d’une petite fille de 5 ans, loin d’être une punk, absolument pas rmiste, vivant aux crochets de ses parents qui s’arrachent les cheveux apparemment. Une jeune femme paumée. J’ai dialogué avec le père pendant 10 minutes, non pas pour lui expliquer que sa fille était une connasse mais pour lui démontrer que sa fille n’allait vraisemblablement pas bien, au vu de ce que j’ai pu trouver sur le net à son propos. Son père est un agriculteur qui a bossé 12 heures par jour toute sa vie, à la retraite, et qui est désemparé. J’ai tâché de calmer le jeu mais in fine, ça ne me regardait pas tellement. Ce que je voulais, c’est que ma fille assiste à la conversation.

 

Nous en avons longuement discuté. A ce moment-là, j’ai repéré un tweet rappelant l’attaque d’Anonymous envers Facebook qui devait avoir lieu aujourd’hui. C’était un fake mais j’ai embrayé avec facebook et le fait que tout ce que l’on fait sur internet laisse une trace ; qu’ils devront apprendre à protéger leur vie privée.

 

Je crois que ma fille a compris certaines choses aujourd’hui. Je le reconnais, sur le dos d’une jeune femme pas bien dans sa peau ni dans sa vie. Mais après tout, avant d’envoyer un mail de ce type, il faut réfléchir à deux fois et je pense que le message est passé et chez elle, et chez ma fille, et c’est bien là, l’essentiel.

 

David Abiker le martèle, il est contre les « écrans » en général et le web en particulier pour ses enfants. Je respecte sa position mais ce n’est pas la mienne. Globalement, j’estime que mon rôle est de rendre mes enfants autonomes et de leur fournir les outils nécessaires pour naviguer en ce bas monde. Internet en fait partie et s’il envahit déjà nos vies, je n’ose imaginer ce que ce sera dans 10 ans.

 

Je tente d’enseigner à mes enfants comment se comporter dans la vie, qu’elle soit réelle ou virtuelle. Du moins ma façon de voir les choses, qu’ils peuvent remettre en question d’ailleurs. Je tente d’apprendre à mes enfants une certaine déontologie et certaines armes. Parce que les deux sont nécessaires.

 

Et surtout à ne pas boire de la 1664…